Le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, sanctionné par les États-Unis et cherchant à briser son isolement diplomatique, a affirmé jeudi depuis Moscou avoir demandé à la Russie "d'inciter" le Premier ministre désigné Saad Hariri à former le gouvernement. Le Liban est sans cabinet depuis près de neuf mois en raisons de divisions politiques profondes.
"Nous avons demandé au ministre russe des Affaires étrangères de jouer le rôle nécessaire pour inciter le Premier ministre désigné à boucler le dossier de la formation du gouvernement. Nous lui avons également demandé de tenir une conférence au Liban pour encourager le retour des déplacés", a déclaré M. Bassil. En juillet 2018, la Russie avait proposé une initiative visant à régler ce problème, mais ce projet ne s'est toujours pas concrétisé. M. Bassil a aussi indiqué avoir "encouragé la Russie à s'engager dans le processus du développement du Liban en contribuant à plusieurs projets d'investissement".
Concernant la formation d'un cabinet au Liban, M. Bassil a indiqué que "le gouvernement est nécessaire, mais ne suffit pas s'il n'a pas la volonté et la capacité de réformer". "Il s’agit d’une affaire libanaise, a-t-il poursuivi. La Russie n’intervient pas dans les affaires intérieures, mais elle fait pression pour les réformes, et c’est pour cela que nous la remercions". "Nous attendons tous que le Premier ministre désigné décide de procéder à la formation du gouvernement, et plus important encore, décide d'engager des réformes", a-t-il encore dit.
M. Bassil a indiqué dans ce cadre qu'en raison des pressions et de la corruption, "le Liban s'est effondré et a besoin de réformes radicales et structurelles". "Cela nécessite une décision politique libanaise et un gouvernement de spécialistes soutenu par les principales forces politiques et parlementaires, sans que personne ne puisse contrôler et empêcher ces réformes", a-t-il martelé avant d'ajouter : "Même si le Liban s'oriente vers l'Est plutôt que vers l'Ouest, ou s'il reste entre l'Est et l'Ouest, il ne peut se relever sans réformes".
Le gendre du président libanais Michel Aoun s'est exprimé au cours d'une conférence de presse tenue après son entretien avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. Il s'est également entretenu avec Mikhaïl Bogdanov, représentant personnel de Vladimir Poutine pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Toutefois, aucun entretien n'a eu lieu entre le leader libanais et le président russe.
Le Liban, en proie à une crise socio-économique profonde, est sans cabinet depuis près de neuf mois, après la démission du gouvernement de Hassane Diab, dans la foulée des explosions meurtrières au port de Beyrouth, le 4 août 2020. Le blocage est principalement la conséquence d'un bras de fer politique et personnel entre le chef de l'État Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri, autour notamment de leurs prérogatives dans ce processus. La Russie presse pour la mise en place d'un cabinet dans la ligne de l'initiative française lancée le 1er septembre 2020 à Beyrouth par le président Emmanuel Macron.
Déplacés syriens et frontières avec la Syrie
Gebran Bassil a noté par ailleurs que la Russie "joue de nombreux rôles positifs dans la région qui servent les intérêts du Liban". Selon lui la présence de Moscou permet "d'atteindre l'équilibre international dans la région et de protéger les minorités".
Il a aussi rappelé que la Russie "joue un rôle central dans le retour des déplacés syriens dans leur pays, afin de préserver l'unité de la Syrie, son tissu social et celui des pays voisins, en particulier le Liban". Selon lui, la Russie a aussi une influence "dans la résolution des problèmes liés aux frontières en encourageant notamment le lancement de négociations sur les frontières maritimes entre le Liban et la Syrie". "L'élection présidentielle syrienne et l'élection du président Bachar el-Assad seront des facteurs accélérateurs, rassurants et encourageants pour le retour des déplacés", a-t-il souligné.
Le rôle des chrétiens
M. Bassil a aussi évoqué la question des chrétiens d'Orient. "Que le Liban soit stable et prospère est un facteur impératif pour protéger sa diversité, protéger les minorités du pays et dans la région, et préserver le rôle des chrétiens dans le pays, a-t-il dit. Le Liban est un facteur important dans la lutte contre le terrorisme". "Le Liban, s'il a tous ses droits, et si les attaques israéliennes terrestres, maritimes et aériennes s'arrêtent, sera un facteur de stabilité et de paix dans la région. Certaines politiques internationales ont contribué au déplacement des chrétiens d'Orient, et on espère que la politique russe dans la région contribuera à les ramener", a-t-il encore dit.
Gebran Bassil s'était rendu à deux reprises à Moscou en moins d’un mois, en 2019. En tant que ministre des Affaires étrangères, il avait rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov et Vladimir Poutine. Deux ans plus tard, c’est dans un tout autre contexte qu'il se trouve en Russie, pour une visite dont le principal objectif est de lui redonner du crédit sur la scène internationale. Le chef chrétien tente depuis des mois d'effectuer une tournée internationale, mais les portes lui sont souvent fermées en raison des sanctions américaines. Il avait essayé il y a trois mois d’être reçu à Paris, mais en vain. L’ambassadrice de France Anne Grillo avait toutefois été dépêchée pour le rencontrer. Puis il avait été question plus récemment d’une rencontre avec Saad Hariri à Paris, avant que l’Élysée décide de l’annuler, ainsi que la visite de Gebran Bassil dans la capitale française. Le chef du CPL a aussi tenté de se rendre au Vatican, mais sans y parvenir.
Le leader druze Walid Joumblatt, proche allié de la Russie, est lui aussi attendu dans les prochains jours à Moscou pour discuter de la crise libanaise. Mi-avril, c'est le Premier ministre désigné, Saad Hariri, dont les relations avec Gebran Bassil sont au plus bas, qui avait été reçu à Moscou, marquant ainsi une nouvelle étape de sa tournée auprès des pays impliqués dans le dossier libanais, dans une tentative de faire progresser les tractations gouvernementales.
commentaires (13)
Je vais finir par le croire, ce parvenu perdant.
DJACK
21 h 59, le 30 avril 2021