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Politique - Focus

Quand Bassil va chercher du réconfort à Moscou

Sanctionné par les Américains, dans le viseur des Européens, le leader du CPL veut briser son isolement diplomatique.

Quand Bassil va chercher du réconfort à Moscou

Gebran Bassil, alors ministre des Affaires étrangères, reçu par son homologue russe, Sergueï Lavrov, en août 2018, à Moscou. Archives/AFP

En 2019, il s’y était rendu à deux reprises en moins d’un mois. En tant que ministre des Affaires étrangères, il avait rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov et Vladimir Poutine. Deux ans plus tard, c’est dans un tout autre contexte que Gebran Bassil arrive à Moscou, pour une visite dont le principal objectif est de lui redonner du crédit sur la scène internationale. Sanctionné par les États-Unis et dans le viseur des Européens, le chef du Courant patriotique libre (CPL) vient chercher du réconfort auprès d’une puissance qui se présente comme la protectrice des chrétiens d’Orient.

Cette visite survient après une double dynamique. D’une part, le leader chrétien tente depuis des mois de faire une tournée internationale, mais les portes lui sont désormais souvent fermées en raison des sanctions américaines. Il avait essayé il y a trois mois d’être reçu à Paris, mais en vain. L’ambassadrice de France Anne Grillo avait toutefois été dépêchée pour le rencontrer. Puis il avait été question plus récemment d’une rencontre avec Saad Hariri à Paris, avant que l’Élysée décide de l’annuler, ainsi que la visite de Gebran Bassil dans la capitale française. Le chef du CPL a également tenté de se rendre au Vatican sans y parvenir. D’autre part, Moscou est devenu une destination à la mode pour les dirigeants libanais. Une délégation du Hezbollah s’y est rendue le 15 mars dernier pour évoquer des considérations qui dépassent le Liban. Plus récemment, le 14 avril, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, était dans la capitale russe, afin d’obtenir un appui dans le bras de fer qui l’oppose au chef de l’État, Michel Aoun, dans la formation du gouvernement. La stabilité du Liban est essentielle pour la Russie dans le cadre de sa politique syrienne, l’effondrement du secteur bancaire libanais ayant été un facteur aggravant de la crise économique en Syrie. Moscou se voit aussi de plus en plus comme un acteur régional de premier plan au Moyen-Orient, capable de rivaliser avec Washington et de parler à tout le monde. « Le fait que Bassil soit sanctionné par les Américains est plutôt une bonne chose pour être reçu à Moscou », s’amuse un diplomate russe, qui a requis l’anonymat. L’ours russe veut ainsi se démarquer de la politique américaine et montrer que contrairement à l’Oncle Sam, il ne choisit pas son camp dans le dossier libanais.

« Hariri n’est pas le seul à pouvoir être reçu à Moscou »

« Moscou ne veut surtout pas donner l’impression de soutenir une partie contre les autres », affirme le diplomate russe, qui précise que la visite de Gebran Bassil a été expressément retardée pour coïncider avec d’autres visites prévues bientôt de chefs de file libanais. La Russie s’aligne sur l’initiative française en insistant sur la nécessité de former un gouvernement équilibré – peu importe qui le dirige – qui satisfasse les différentes forces politiques. « Hariri n’est pas le seul à pouvoir être reçu à Moscou », dit un proche de Gebran Bassil, qui a souhaité garder l’anonymat. Selon lui, le leader du CPL entretient des relations étroites avec les responsables russes et a toujours appelé à la coopération avec eux. « Bassil veut convaincre les Russes qu’il n’est pas le pion des Iraniens », rétorque un proche de Hariri qui y voit une tentative désespérée du chef du CPL de redorer son blason. Le gendre du président est accusé par ses détracteurs de chercher par ailleurs à tendre la perche aux Américains en instrumentalisant le dossier des frontières maritimes. Dans son dernier discours samedi, il a laissé entendre qu’il fallait trouver un compromis avec la partie israélienne. « Bassil endosse différents costumes en fonction de ses interlocuteurs. Avec les Russes, il va jouer à fond la carte de l’alliance chrétienne », critique le proche de Hariri. Si elle met souvent en avant cet aspect dans sa rhétorique, la Russie ne semble pas du tout en faire un élément essentiel de sa politique au Liban. Moscou cherche clairement à garder des liens étroits avec Saad Hariri, et plus généralement avec les sunnites et les chiites, qui lui permettent de toucher un public plus large dans la région.

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Lors d’une de ses visites à Moscou, en août 2018, Gebran Bassil avait appelé à l’établissement d’une alliance régionale sous les auspices de la Russie. Cela avait suscité l’étonnement des chrétiens, en particulier du patriarcat maronite, qui considère que l’autorité en la matière relève du Vatican et non de Moscou. Le leader du CPL voulait à l’époque poser les jalons d’une alliance politique, basée sur des points de convergence avec les Russes, dont le premier était un soutien au régime syrien, le second une certaine méfiance vis-à-vis des Américains, et le troisième des relations étroites avec le Hezbollah et l’Iran.

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Gebran Bassil dans les pas de Michel Aoun ?

« C’est tout à fait dans l’esprit de l’alliance des minorités cher à Michel Aoun », dit un homme politique opposé au courant aouniste. Ce projet suppose de renforcer les relations entre les chiites dans le giron de l’Iran et du Hezbollah, les alaouites, menés par Bachar el-Assad, et les chrétiens, dirigés par Michel Aoun. « Cela mène à la création de fédération dans des pays multicommunautaires », dénonce l’homme politique précité.

« Un jeu d’enfant »

Malgré les efforts du chef du CPL, il n’a jamais réussi à devenir le protégé de Moscou, même si les relations ont toujours été bonnes. Les Russes lui reprochent de ne pas être fiable et de chercher à manger à tous les râteliers. En tant que ministre de l’Énergie, il s’était rendu dans la capitale russe et avait promis à plusieurs responsables de signer de nombreux contrats pour l’exploration pétrolière et gazière et de conclure des traités militaires. Mais les Russes ont découvert plus tard qu’il négociait dans le même temps avec Amos Hochstein, le responsable américain qui a été nommé après Frederic Hof diplomate en charge des négociations concernant le tracé des frontières entre le Liban et Israël.

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Au cours de sa visite qui débute aujourd’hui, Gebran Bassil doit rencontrer Sergueï Lavrov et Mikhaïl Bogdanov, le représentant personnel du président russe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Aucune rencontre avec Vladimir Poutine n’est pour l’instant prévue. Le chef du Kremlin n’avait pas reçu Saad Hariri il y a quelques semaines, alors que c’était initialement prévu, se contentant d’un échange téléphonique. « C’est un jeu d’enfants qui a actuellement lieu à Moscou, avec Bassil et Hariri dans le rôle des principaux acteurs et Poutine dans celui de l’arbitre », résume un diplomate occidental, sous couvert d’anonymat. 

En 2019, il s’y était rendu à deux reprises en moins d’un mois. En tant que ministre des Affaires étrangères, il avait rencontré son homologue russe Sergueï Lavrov et Vladimir Poutine. Deux ans plus tard, c’est dans un tout autre contexte que Gebran Bassil arrive à Moscou, pour une visite dont le principal objectif est de lui redonner du crédit sur la scène internationale....

commentaires (6)

L'impitoyable arrogance de l'ineptitude.

SATURNE

16 h 14, le 29 avril 2021

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Commentaires (6)

  • L'impitoyable arrogance de l'ineptitude.

    SATURNE

    16 h 14, le 29 avril 2021

  • Nous, les Libanais - bons citoyens -, sommes pris en otage dans notre propre pays!

    SADEK Rosette

    16 h 02, le 29 avril 2021

  • Il croit que la couverture de son beau parée et des milices armées font de lui fréquentable sur la scène internationale et se comporte comme un responsable politique capable de jouer dans la cour des grands. Non seulement il veut manger à tous les râteliers mais en plus il croit pouvoir berner tout ce monde qui l’utilise pour mieux lui montrer qu’il n’est pas à la hauteur. Un homme politique devrait en premier lieu montrer une personnalité inébranlable un projet fiable et une intelligence hors paire pour pouvoir être considéré, hors le pauvre n’a ni l’une ni l’autre il est arrivé parce que pistonné et a montré ses limites depuis fort longtemps. Tout ce qui l’intéresse c’est qu’on parle de lui peu importe le contenu des propos. Il se sent exister par le simple fait d’être cité dans un article illustré de son portrait peu importe les commentaires qui l’accompagnent. Il n’est pas à sa première humiliation, l’interview sur la CNBC en dit long sur sa mégalomanie démesurée alors que la journaliste l’a humilié il s’est senti fier que la chaîne lui accorde de l’importance même si c’était pour l’insulter.

    Sissi zayyat

    11 h 07, le 29 avril 2021

  • Qu’il reste là-bas sans revenir, il sera blanchi et nourri.... Et puis il y a des vols directs pour Téhéran au cas où il veut changer de cadre...

    LeRougeEtLeNoir

    10 h 13, le 29 avril 2021

  • Trouver du réconfort auprès des russes... il est mal barré le gendrillon.

    Lecteur excédé par la censure

    09 h 57, le 29 avril 2021

  • .....Les Russes lui reprochent de ne pas être fiable et de chercher à manger à tous les râteliers...... dit l'article. EXACTEMENT, les russes ont très bien cerné le personnage. Sans autre commentaire. Tout est dit.

    LE FRANCOPHONE

    00 h 45, le 29 avril 2021

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