Le 30 août 1991, le général Michel Aoun quittait le Liban pour la France après avoir perdu sa “guerre de libération” lancée en 1989 contre les forces syriennes. Cet exil forcé semblait à l’époque enterrer la carrière politique de cet ambitieux militaire persuadé que son destin et celui du Liban étaient intimement liés. Mais 14 ans plus tard, le 7 mai 2005, Michel Aoun faisait un retour triomphal à Beyrouth. Et 11 ans plus tard, après avoir trahi son propre héritage à de multiples reprises au gré de ses intérêts, il réalisait son rêve de toujours en accédant (enfin) au palais présidentiel.
Pourquoi revenir sur cet épisode que tous les Libanais connaissent par cœur ? Parce que c’est l’une des meilleures preuves que personne n’est jamais complètement mort en politique. Au Liban encore plus qu’ailleurs. Et s’il y a bien quelqu’un qui a retenu la leçon, ce n’est nul autre que le gendre de l’actuel président, l’homme le plus controversé de la République : Gebran Bassil. À l’image de son beau-père, le chef du Courant patriotique libre (CPL) a connu une ascension fulgurante qui a fait de lui l’un des hommes les plus puissants du pays, avant de vivre une descente aux enfers depuis le soulèvement d’octobre 2019. Le compromis présidentiel de 2016 permettant l’arrivée de Michel Aoun à Baabda a consacré une stratégie planifiée depuis des années. Celle-ci devait dans le même temps faire de Gebran Bassil le successeur évident, en le positionnant comme un allié indispensable à la fois pour les camps sunnite et chiite. Entre 2016 et 2019, rien ne pouvait se décider au Liban sans l’aval de Gebran Bassil. Tous ceux qui souhaitaient consulter le président de la République avaient le droit à la même réponse : « Vous devez d’abord voir cela avec Gebran. » Même Saad Hariri a accepté ce mode de fonctionnement qui faisait pourtant du gendre du président un Premier ministre bis bien plus fort que lui. Le chef du CPL pouvait s’appuyer sur sa relation filiale avec Michel Aoun mais aussi sur sa proximité avec le Hezbollah, qui le considérait comme son allié le plus stratégique. Il pouvait se permettre de qualifier le président du Parlement de “voyou” sans en subir les conséquences. Pire, sous la pression du Hezbollah, et par l’intermédiaire d’Élie Ferzli – à l’époque membre du groupe parlementaire aouniste et en même temps proche du chef d’Amal – Nabih Berry a été contraint de recevoir Gebran Bassil à Aïn el-Tiné sans que celui-ci ne lui présente au préalable la moindre excuse.
Seule défaite
Durant ces années au sommet, le chef du CPL a réussi à gagner quasiment toutes ses batailles politiques, mais à un prix exorbitant. Il a pris le dessus sur Saad Hariri, au point d’empoisonner sur le long terme ses relations avec lui. Le Premier ministre désigné, qui disait à l’époque avoir conclu un mariage maronite avec le camp aouniste, ne veut aujourd’hui plus en entendre parler. Gebran Bassil a également réussi à marginaliser les Forces libanaises, mais a sacrifié dans le même temps la réconciliation interchrétienne qui avait permis à Michel Aoun de se positionner en 2016 comme un candidat incontournable pour le camp chrétien. Il est parvenu à réduire à son strict minimum l’influence de Sleimane Frangié, le chef des Marada, et à établir un rapport de force à son avantage avec Nabih Berry. Mais il est aujourd’hui honni par ces deux leaders qui s’étaient déjà abstenus de voter pour Michel Aoun en 2016. La seule vraie bataille dont Bassil n’est pas sorti triomphant, c’est celle qu’il a menée contre le leader druze Walid Joumblatt, essayant de remettre en question son leadership dans la Montagne, en le mettant en concurrence avec Talal Arslane et en attisant les tensions entre leurs partisans. Gebran Bassil a désormais perdu tous ses appuis politiques sur la scène interne, à l’exception du Hezbollah. Mais même au sein du parti chiite, ses soutiens se font de plus en plus rares. Conspué par la rue, il entretient en outre des relations difficiles, voire houleuses, avec le patriarche maronite Béchara Raï, le commandant en chef de l’armée Joseph Aoun et le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé.
Néanmoins, sa position sur le plan intérieur demeure malgré tout plus confortable que celle qu’il a à l’étranger, où il est considéré comme un paria par de nombreuses capitales de premier plan. L’ex-ministre des Affaires étrangères avait tissé pendant des années son réseau à l’international auprès de la diaspora libanaise, mais aussi à coup de visites officielles aux quatre coins de la planète pour parfaire son statut et son image. La flexibilité politique dont il a réussi à faire preuve en interne l’a, semble-t-il, convaincu qu’il pouvait reproduire le même modèle sur la scène internationale, en se voulant à la fois l’allié des Saoudiens et des Iraniens, des Russes et des Américains. Il est désormais isolé sur la scène arabe, en raison de ses positions en faveur de l’Iran et du Hezbollah. Ses relations avec la France se sont aussi terriblement détériorées, alors que Paris considère qu’il a été un obstacle à son initiative diplomatique au Liban. Le gendre du président a tenté de jouer la carte russe, au nom de la protection des minorités chrétiennes, mais Moscou n’en a jamais fait son principal partenaire sur la scène libanaise, estimant qu’il jouait un double jeu et considérant probablement qu’il lui était préférable, pour des raisons qui dépassent le Liban, d’avoir de bonnes relations avec les camps sunnite et chiite. Mais c’est avec la première puissance mondiale, les États-Unis, que le chef du CPL a perdu le plus gros. Le leader chrétien a été sanctionné par Washington en novembre 2019, une épée de Damoclès qui hypothèque sérieusement ses ambitions présidentielles dans un pays historiquement tourné vers l’Occident.
« Il s’est mis tout le monde à dos »
« Bassil est au plus bas, mais il ne lâchera rien », affirme un proche du leader chrétien qui met en avant le fait qu’il est encore au centre de l’équation locale et dispose du plus important groupe parlementaire. Cette affirmation ne semble pas prendre en compte le fait que ce groupe a perdu tous ses membres indépendants et que les dissensions sont très fortes au sein même du CPL. « De nombreuses chancelleries tentent d’affaiblir Bassil en prenant contact avec des députés au sein du courant aouniste », affirme la source précitée. « Mais personne n’osera bouger contre lui tant que Michel Aoun sera vivant », décrypte un homme politique au sein de la galaxie aouniste.
En 2005, c’est le retrait des troupes syriennes qui a permis à Michel Aoun de faire son retour au Liban puis son alliance avec le Hezbollah qui lui a ouvert les portes de Baabda. Gebran Bassil parie à son tour sur les évolutions régionales. Dans son esprit, un accord irano-saoudo-américain lui permettrait de revenir sur le devant de la scène libanaise, puisque cela rendrait le Hezbollah plus tolérable aux yeux des Américains et des Saoudiens. « Quand Hariri est tombé le 17 octobre, Bassil est tombé avec lui. Il veut changer les règles de la politique libanaise, mais en faisant cela, il s’est mis tout le monde à dos », décrypte un personnage politique de premier plan, sous couvert d’anonymat. « Je le lui ai dit à plusieurs reprises », ajoute-t-il. Loin d’abandonner la partie, Gebran Bassil semble être prêt à tout pour se remettre au centre du jeu. Son dernier discours samedi en est une énième preuve : le leader chrétien a attaqué tous ses adversaires de front tout en tendant de multiples perches, notamment en direction des États-Unis, avec qui il essaye de se rabibocher. Il semble vouloir utiliser le dossier du tracé des frontières maritimes avec Israël comme une arme de séduction par rapport aux Américains. Certes, les obstacles paraissent aujourd’hui bien trop nombreux. Mais Gebran Bassil le sait mieux que quiconque, rien n’est jamais figé dans le temps.
commentaires (19)
ce mec est Lourd et Nul depuis les bancs de L'université, il était insupportable et surtout n'rien d une lumière...et surtout incompétent Zinikh!
Jack Gardner
18 h 11, le 27 avril 2021