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Politique - Éclairage

Que reste-t-il du bloc du Liban fort ?

Le groupe a été affaibli par la démission d’une grande partie des indépendants et par les dissensions en son sein. Le Tachnag s’y maintient, mais en prenant de plus en plus ses distances.

Que reste-t-il du bloc du Liban fort ?

Sue cette photo, deux députés ne font plus partie du bloc parlementaire du CPL, Michel Moawad, à gauche, et Élie Ferzli, deuxième à partir de la droite. Photo ANI

Au soir du 6 mai 2018, le camp aouniste avait de quoi célébrer sa victoire. Au gré d’alliances très élastiques, il arrivait en tête des élections législatives avec 29 députés pour le futur bloc du Liban fort, dont onze indépendants. Presque trois ans plus tard, l’euphorie a laissé place à un délitement progressif puisqu’il ne compte plus que 24 députés, dont trois affiliés au Tachnag, ainsi que Talal Arslane et deux proches du CPL, mais non encartés, l’ancien officier Antoine Pano et Farid Boustany. C’est assez pour demeurer le plus grand bloc parlementaire, mais l’écart se resserre sérieusement avec le courant du Futur et ses 20 sièges, surtout si l’on ne prend en compte que les députés CPL.

L’éjection, il y a quelques jours, du vice-président du Parlement, Élie Ferzli, qui s’était progressivement éloigné du bloc au cours de ces derniers mois à cause de profondes divergences avec Gebran Bassil, n’a pas surpris outre mesure. Sa relation avec le chef du CPL, à qui il reproche notamment d’œuvrer à saper les institutions de l’État, a atteint un point de non-retour lorsque M. Ferzli a invité le commandant en chef de l’armée Joseph Aoun – considéré comme un concurrent de M. Bassil pour la prochaine présidentielle – à prendre le pouvoir de manière transitoire. Cet acte de rébellion tacite, que l’on dit inspiré par d’anciens aounistes proches de l’entourage de Yarzé, a suscité une fois de plus des interrogations sur l’avenir du bloc dit « fort ». Si M. Ferzli en a été éloigné pour son insoumission, mais aussi pour ses relations privilégiées avec des adversaires de taille du chef du CPL, en l’occurrence le président du Parlement Nabih Berry, et le Premier ministre désigné Saad Hariri, ce sont des circonstances différentes qui ont motivé, il y plusieurs mois, le départ volontaire et progressif de quatre autres députés indépendants.

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Autre gendre du chef de l’État et donc rival en puissance de M. Bassil à plus d’un niveau, Chamel Roukoz a progressivement abandonné les rangs du bloc pour rompre définitivement avec ce milieu à l’occasion de la cérémonie de commémoration du 13 octobre 2019. Il ne manque pas depuis de critiquer frontalement le chef du CPL, sans s’en prendre toutefois directement à Michel Aoun. L’ancien militaire est perçu comme un concurrent de Gebran Bassil dans la bataille pour la succession au sein du courant aouniste, alors même qu’il n’en fait pas partie.

Le chef du CPL n’a pas réussi non plus à retenir trois autres membres de son groupe : Nehmat Frem, Michel Moawad et Michel Daher. Ces derniers ont claqué la porte à tour de rôle. Les deux premiers ont démissionné de leur mandat de députés après la double explosion du 4 août dernier au port pour marquer leur désaccord avec la gestion de cette catastrophe par le pouvoir, alors que le troisième est sorti du bloc pour la même raison, mais en conservant son siège de député.

Outre les orientations du CPL sous la houlette de son chef, en particulier son alliance maintenue avec le Hezbollah, ces personnalités contestaient sa direction autoritaire et son emprise quasi totale sur le bloc. Au sein du parti comme du groupe parlementaire, Gebran Bassil a la réputation de diriger en solitaire et de ne tolérer aucune voix dissidente. Depuis le 17 octobre 2019, date du début du mouvement de contestation contre la classe dirigeante, il n’hésite plus à mater toute opposition au sein de son groupe, y compris au sein de la famille aouniste historique. Des députés du CPL tels que Simon Abi Ramia, Alain Aoun, Ibrahim Kanaan et Ziad Assouad, qui constituent désormais le « clan rebelle », ne cachent plus leurs divergences avec leur patron politique. Mais aucun d’entre eux n’envisage pour l’heure de claquer la porte, et tous semblent attendre que le paysage partisan se décante d’ici à la prochaine présidentielle, à l’automne 2022. Gebran Bassil en est bien conscient et se préparerait à étouffer dès à présent toute éventuelle tentative de fronde au sein du CPL. « Au Metn comme à Jbeil, il cherche d’ores et déjà à changer les coordinateurs régionaux pour couper l’herbe sous les pieds respectivement d’Ibrahim Kanaan et de Simon Abi Ramia en amont des législatives. Il veut placer des gens qui lui sont fidèles », révèle un ancien membre du CPL. Pour autant et en dépit des voix dissonantes qui se sont multipliées ces derniers temps au sein du groupe, il reste indéboulonnable. Tant que son alliance avec le Hezbollah perdure et qu’il continue de bénéficier du soutien inconditionnel de Baabda qui lui confère un surplus de puissance, c’est lui qui mène le jeu. « Il ne faut pas oublier qu’il a toujours une base populaire importante, même si elle a été relativement affectée, et un parti organisé à sa disposition », souligne un analyste proche du 8 Mars.

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M. Bassil sait pertinemment par ailleurs que le Tachnag avec ses trois députés ne quittera pas le bloc, même s’il prend de plus en plus ses distances en matière de décision politique. Même chose pour les députés propulsés au Parlement grâce à la machine électorale du CPL plutôt qu’à leur popularité, comme Farid Boustany et Antoine Pano.

Fidèle à la tradition qui consiste à soutenir le président en place, le Tachnag ne dérogera pas à cette règle de sitôt. « Quelle que soit sa couleur politique, nous nous tenons toujours aux côtés du chef de l’État qui reste le symbole suprême de l’État et de la légalité », commente le secrétaire général du Tachnag, Hagop Pakradounian.

Armé de ce principe, lui et les deux autres députés de sa formation, Alexandre Matossian et Hagop Terzian, ne voient aucune raison de quitter les rangs du bloc aouniste. D’autant, rappelle M. Pakradounian, qu’ils restent attachés à leur indépendance qui les a même parfois conduits à prendre des positions radicalement opposées à celle du leader du bloc, M. Bassil. C’était notamment le cas lors des consultations parlementaires, lorsque le Tachnag a nommé Saad Hariri pour former le gouvernement il y a six mois de cela. Des divergences et une certaine latitude de liberté que M. Pakradounian met sur le compte de la démocratie qui, selon lui, devrait prévaloir dans tout regroupement politique. Le responsable du Tachnag reconnaît toutefois qu’il existe derrière les alliances ponctuelles concoctées dans la foulée des législatives avec des « outsiders » ou des personnalités indépendantes, qui sont par la suite intégrés à un bloc partisan, des intérêts étroits qui parfois ne permettent pas à ces alliances de survivre à la durée de la législature.

C’est, rappelle le député qui cherchait à justifier les défections des indépendants au sein du groupe parlementaire aouniste, ce qui s’est passé il y a quelques années avec les députés de Zahlé et du Metn, Élie Skaff et Michel Murr – tous les deux aujourd’hui décédés –, lorsqu’ils avaient quitté les rangs du bloc aouniste.

Au soir du 6 mai 2018, le camp aouniste avait de quoi célébrer sa victoire. Au gré d’alliances très élastiques, il arrivait en tête des élections législatives avec 29 députés pour le futur bloc du Liban fort, dont onze indépendants. Presque trois ans plus tard, l’euphorie a laissé place à un délitement progressif puisqu’il ne compte plus que 24 députés, dont trois affiliés...

commentaires (7)

Le jour qu'il y aura les elections il n'y aura plus le beau drapeau du cedre mais le drapeau du Hezbollah ca sera un département de l'Iran et les femmes habillées du chador ???

Eleni Caridopoulou

16 h 29, le 28 avril 2021

Tous les commentaires

Commentaires (7)

  • Le jour qu'il y aura les elections il n'y aura plus le beau drapeau du cedre mais le drapeau du Hezbollah ca sera un département de l'Iran et les femmes habillées du chador ???

    Eleni Caridopoulou

    16 h 29, le 28 avril 2021

  • Quelle dignité de ces partisans et membres effectifs de ce parti qui se laissent mener par le bout du nez par une petite frappe vendue, sortie de nulle part, et qui refusent de claquer la porte en espérant un jour devenir ministre ou occuper un poste régalien. Vendus pour vendus ils préfèrent la boucler et assister à l’effondrement total de leur pays plutôt que de risquer leur poste de député ou de représentants politiques quitte à continuer à pratiquer la lèche des bottes et trahir leur pays. Ils croient encore au destin présidentiel de leur despote alors que le monde entier le pointe du doigt comme étant un pestiféré et un homme infréquentable pour avoir vendu son pays avec l’appui sans faille de son beau père de président et les milices mercenaires.

    Sissi zayyat

    11 h 30, le 28 avril 2021

  • Ce bloc a été créé pour affaiblir et paupériser les libanais. Ils ont réussi. Il n’a donc plus besoin d’exister. D’ailleurs, le peu qui en existe encore l’est pour des motifs bassement matériels

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 16, le 28 avril 2021

  • Du roquefort, qui sent très fort !

    LeRougeEtLeNoir

    10 h 23, le 28 avril 2021

  • ...""Que reste-t-il du bloc du Liban fort ?..."" assez , beaucoup plus qu'il ne leur en faut pour continuer a creuser encore plus profondément nos tombes, assez beaucoup plus qu'il ne leur en faut parce qu'ils ont reussi a "incriminer" avec raison hariri, les autres & Co.

    Gaby SIOUFI

    09 h 42, le 28 avril 2021

  • Bassil n'existe que par la grâce de son beau-père et de son tout-puissant parrain-complice Nasrallah. Imposé par la force à la tête du parti, il n'y compte guère de "partisans". Quand au bloc du "Liban Fort", il n'a été nommé ainsi que par antiphrase.

    Yves Prevost

    07 h 35, le 28 avril 2021

  • "... Que reste-t-il du bloc du Liban fort ? ..." - Ben, il reste Gebran Bassil...

    Gros Gnon

    00 h 33, le 28 avril 2021

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