Dans un discours succinct aux Libanais prononcé en soirée, et qui n’avait été annoncé que quelques heures auparavant, le chef de l’État, Michel Aoun a appelé le Premier ministre désigné, Saad Hariri, à choisir entre deux options : se rendre au palais de Baabda afin de former « immédiatement un gouvernement » en accord avec la présidence, ou « céder la place à une autre personne capable » de mener à bien cette mission. Le président Aoun a également accusé M. Hariri d’avoir fait perdre « un temps précieux » aux responsables dans la mise sur pied de la nouvelle équipe, ce qui a « entraîné le pays dans une voie sans issue », alors que le Liban souffre d’une crise multiforme de plus en plus aiguë.
Le Premier ministre n’a pas tardé à réagir, se disant prêt à se rendre « pour la dix-septième fois » à Baabda, « tout de suite si l’emploi du temps du président le permet », pour « discuter de la mouture remise au président depuis des semaines, afin de pouvoir former immédiatement le cabinet ».Ce discours au ton martial de Michel Aoun, prononcé alors que l’impasse gouvernementale dure depuis des mois, et la réponse du tac au tac de Saad Hariri sont intervenus quelques heures seulement après des propos durs tenus par une source diplomatique française qui a indiqué qu’Européens et Américains doivent accroître les « pressions » sur la classe politique libanaise pour obtenir la formation d’un nouveau gouvernement, estimant que cela pourrait aussi passer par des « sanctions » à l’encontre des responsables libanais qui bloquent toute évolution politique. Ces développements au niveau gouvernemental suivent, en outre, une série de contacts diplomatiques menés par le camp du président ces derniers jours. Hier, le député Gebran Bassil, chef du Courant patriotique libre (fondé par Aoun), a reçu durant deux heures l’ambassadeur de Russie Alexandre Rodakov, sachant qu’une délégation du Hezbollah était à Moscou en début de semaine. Et vendredi, le président avait envoyé un émissaire, son conseiller Salim Jreissati, auprès de l’ambassadeur d’Arabie saoudite Walid Boukhari. Selon des sources bien informées du déroulement de cette visite, M. Jreissati aurait suggéré à Riyad, via son ambassadeur, de remplacer M. Hariri par une personnalité qui obtiendrait l’aval du royaume, sans recevoir de réponse (voir L’OLJ du mardi 16 mars). Enfin, depuis des jours maintenant, la colère gronde dans la rue, sur fond d’effondrement économique général et de la livre libanaise en particulier. Autant dire que la pression monte de toutes parts sur les deux hommes.
« Les chocs se succèdent »
Dans son discours, Michel Aoun a justement fait référence à l’effondrement économique et social sans précédent que connaît le pays, estimant que les souffrances des citoyens ont « atteint un niveau qu’aucun peuple ne peut supporter ». « À l’épidémie qui persévère et dure, se sont ajoutés la pauvreté, la misère, le chômage, l’émigration, la perte du pouvoir d’achat en raison de la hausse insensée du dollar américain par rapport à la livre libanaise, les pénuries de produits essentiels (...) », a-t-il déclaré. Il a évoqué une « situation insoutenable, alors que nous ne sommes pas encore remis de la tragédie de l’explosion du port de Beyrouth et de ses répercussions catastrophiques ». » Chaque jour, les chocs se succèdent », a-t-il déploré, ce qui « exacerbe l’anxiété des Libanais vis-à-vis de leur incapacité de vivre de manière simple et décente ».
Affirmant ne pas avoir voulu s’exprimer jusqu’à présent concernant la crise gouvernementale « pour éviter d’attiser les tensions et de divisions politiques », il a toutefois annoncé avoir décidé de « sortir de son silence pour demander au Premier ministre désigné de venir au palais de Baabda pour former immédiatement un gouvernement, en accord avec le président de la République, tel que c’est prévu dans la Constitution ». Il a affirmé que les moutures gouvernementales que lui avait précédemment remises M. Hariri « ne respectent ni l’équilibre national ni la Constitution », ce qui a conduit à la « perte d’un temps précieux et entraîné le pays dans une voie sans issue ». « Le peuple en souffrance sera sans pitié vis-à-vis des responsables du blocage et du maintien d’un gouvernement chargé de l’expédition des affaires courantes », a encore averti Michel Aoun. « Personne ne tirera profit de son poste ou des querelles et des échanges d’accusations si la nation s’effondre et que le peuple devient prisonnier du désespoir et de la frustration », a-t-il aussi lancé. Pour lui, si Saad Hariri « ne peut mettre sur pied et présider un gouvernement de salut national, capable de s’attaquer à la situation dangereuse qui sévit dans le pays et dont souffre le peuple libanais, il devra céder sa place à une autre personne capable de le faire ».
Dès la fin du discours, un convoi de partisans du CPL s’est dirigé vers le palais de Baabda pour afficher son soutien au président. Les automobilistes brandissaient des drapeaux orange du parti et des portraits du chef de l’État.
La réponse de Hariri, une présidentielle anticipée
Le Premier ministre désigné a réagi à peine deux heures plus tard, rappelant ses seize précédentes réunions (infructueuses) avec le président, et affirmant qu’il se rendrait « pour la dix-septième fois » à Baabda, « tout de suite si l’emploi du temps du président le permet » pour « discuter de la mouture remise au président depuis des semaines, afin de pouvoir former immédiatement le cabinet ». « Toutefois, si le président est incapable de signer le décret de formation d’un cabinet de technocrates non partisans, tel que cela est requis, il devra expliquer aux Libanais la véritable raison qui le pousse à faire obstruction à la volonté du Parlement qui a nommé le Premier ministre et l’empêche depuis de longs mois d’ouvrir la voie au sauvetage » du pays, a-t-il lancé dans son communiqué.
Il a clos sa réponse en martelant que, le cas échéant, il faudra alors, « pour mettre un terme aux souffrances » des Libanais, « prévoir une élection présidentielle anticipée, ce qui constituera le seul moyen constitutionnel possible pour annuler les effets de son élection il y a cinq ans à la présidence par le Parlement qui m’a nommé Premier ministre désigné il y a cinq mois ».
Selon la chaîne al-Manar, organe du Hezbollah, Saad Hariri se rendra demain jeudi avant-midi au palais de Baabda. Des informations que des sources au palais présidentiel ont démenties.
commentaires (16)
J’ai remarqué que lorsque Aoun, et je ne lui donnerai pas le titre parce qu’il ne le mérite pas, est cité dans les commentaires d’une façon objective de l’avis des lecteurs, ces derniers voient leurs commentaires censurés. Faut il voir une crainte de la fonction qui n’a plus d’autres moyens de montrer son autorité qu’en attaquant les médias et le peuple en diffamations et en utilisant toute sa puissance fantoche pour faire taire les libanais honnêtes. Il préfère accueillir les libanais qui lui cirent encore les bottes alors qu’ils sont dans la mouise totale en grande partie grâce à lui. Si ça ça n’est pas une preuve de la pauvreté d’esprit de ces quelques libanais je ne sais pas quel qualificatif leur donner. Ils me font penser aux syriens qui continuent de crier « bil rouh bil dam nafdika y’a Bachar alors qu’il ne leur a laissé ni âme ni même une goutte de sang tout a été emporté avec leur neurones.
Sissi zayyat
16 h 41, le 18 mars 2021