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Politique - Focus

Hezbollah-Moscou : le Liban en hors-d’œuvre

La visite de la délégation du parti chiite en Russie s’inscrit avant tout dans une volonté de faire le point sur le dossier syrien.

Hezbollah-Moscou : le Liban en hors-d’œuvre

La délégation du Hezbollah à Moscou, le 15 mars 2021. Photo Reuters

Quel était l’enjeu de la rencontre lundi entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et la délégation du Hezbollah conduite par le député Mohammad Raad ? La formation du gouvernement libanais, alors que Moscou s’est montré récemment plus actif qu’à l’accoutumée sur ce dossier ? Ou la complexe équation syrienne dans laquelle les deux acteurs sont des partenaires, bon gré mal gré ? Les deux, mon général ! La nature des relations qu’ils ont développées ces dernières années rend les deux sujets inextricables.

Moscou regarde le Liban avec des lunettes syriennes. Pour la Russie, la stabilité du pays est essentielle à celle de la Syrie, alors que les deux voisins sont frappés par une sévère crise économique. L’effondrement du secteur bancaire libanais, où une grande partie des Syriens plaçaient leur argent, a été un facteur aggravant de la dégradation de la situation économique en Syrie. « Moscou pense que l’effondrement au Liban rend la situation en Syrie intenable », confie un diplomate russe. C’est pourquoi la Russie presse ses interlocuteurs libanais à accélérer la formation du gouvernement. Devant la délégation du Hezbollah, la Russie « a réitéré sa position favorable à un gouvernement sans tiers de blocage, qui inclurait toutes les composantes libanaises », avance un proche du parti pro-iranien. « Les Russes n’ont pas toutefois demandé au Hezbollah d’exercer des pressions sur leurs alliés, notamment sur Gebran Bassil (accusé par ses détracteurs de paralyser la formation du gouvernement) », poursuit cette source.

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La formation du gouvernement avait déjà été au menu des discussions entre M. Lavrov et Saad Hariri aux Émirats arabes unis, le 9 mars : des sources proches de ce dernier indiquent que celui-ci s’était enquis de la position iranienne vis-à-vis de l’impasse gouvernementale. M. Lavrov s’était alors engagé à contacter Mohammad Javad Zarif, alors que le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, préparait la visite de la délégation du Hezbollah en Russie. Celle-ci avait été décidée il y a presque deux mois lors d’une rencontre à Moscou entre MM. Zarif et Lavrov concernant le nucléaire iranien et les dossiers régionaux, particulièrement la Syrie. La situation au Liban avait été alors abordée par les deux hommes. Moscou avait réitéré sa position concernant la nécessité de former un gouvernement présidé par (le Premier ministre désigné) Saad Hariri, sans qu’aucune partie ne puisse bénéficier du tiers de blocage. Selon une source diplomatique russe, Mohammad Javad Zarif avait alors demandé à M. Lavrov d’évoquer le sujet avec le Hezbollah, ainsi que la situation en Syrie.

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Mais le dossier libanais constituait, au mieux, un apéritif au menu des discussions de cette semaine. Du côté du Hezbollah, cette visite permet de conforter l’idée que le parti est une force régionale qui peut jouer dans la cour des grands. Signe de l’importance qu’elle lui accorde, la délégation qui s’est rendue en Russie est composée de plusieurs membres fondateurs du parti : outre Mohammad Raad, président du groupe parlementaire, Ammar Moussaoui, responsable des relations extérieures, et Ahmad Melli, professeur en relations internationales, spécialiste des questions stratégiques. « La Russie cherche à renforcer son rôle sur la scène régionale, et c’est pourquoi elle souhaite s’entretenir avec le Hezbollah », affirme une source proche du parti chiite. Ce dernier est présent en Syrie, en Irak et dans une moindre mesure au Yémen. Les relations entre Moscou et le Hezbollah ont pris un nouvel élan à partir de 2013, suite à une visite effectuée par le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov à Beyrouth, au cours de laquelle il avait rencontré Hassan Nasrallah. Le Hezbollah était déjà impliqué dans la guerre en Syrie, et Moscou appuyait alors, au moins sur le plan diplomatique, Bachar el-Assad. Après l’intervention russe de 2015, les deux acteurs se sont retrouvés côte à côte sur le terrain syrien avec le même objectif dans un premier temps : stabiliser les zones dominées par le régime et reconquérir le reste du territoire. Plusieurs délégations représentant le Hezbollah se sont ainsi rendues à Moscou au cours des dernières années. Une façon de tourner définitivement la page des graves tensions qui avaient animé leurs rapports dans les années 1980. À l’époque, le parti chiite avait enlevé quatre diplomates soviétiques, ce à quoi Moscou avait répondu en kidnappant à son tour plusieurs cadres du Hezbollah à Beyrouth, notamment l’un des principaux assistants du responsable militaire de l’époque, Imad Moghniyé.

Réserves à l’encontre de Moscou
D’autres sources de tensions ont toutefois émergé depuis. Si la Russie continue d’entretenir ses relations avec l’Iran, parrain du Hezbollah, les choses se compliquent entre les deux alliés de Damas depuis qu’Israël bombarde régulièrement les positions iraniennes – et celles du Hezbollah – en Syrie avec le feu vert de Moscou. Selon des sources concordantes, le Kremlin a fait parvenir au Hezbollah un message israélien le mettant en garde contre toute opération militaire ou provocation à la frontière. Les Russes sont décidés à empêcher toute escalade entre les deux parties alors qu’ils tentent de pousser le parti chiite à cesser ses provocations contre les Israéliens et les Arabes. À ce niveau, le point le plus sensible reste la présence du Hezbollah dans le Golan et le sud de la Syrie, une ligne rouge pour Israël. Un autre point sensible est la question de l’introduction d’armes lourdes en Syrie et en Irak. Pour stabiliser la Syrie et la faire revenir dans le giron arabe et international, beaucoup d’observateurs estiment que la Russie doit tenter d’éloigner le plus possible Téhéran du régime de Damas. « Le Hezbollah a formulé dernièrement des réserves à l’encontre de Moscou, se plaignant de certaines décisions », admet le diplomate russe précité. Le Hezbollah craint particulièrement que Moscou renforce sa présence dans l’Est syrien, voie de passage essentielle pour Téhéran.

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Deux courants existent actuellement à Moscou, d’après la source diplomatique russe. L’un est favorable au maintien du partenariat avec l’Iran, l’autre souhaite y mettre un terme. La ligne officielle tente, pour le moment, de faire la synthèse entre ces deux logiques. « La présence militaire du Hezbollah en Syrie reste stratégique pour la Russie », avance un autre proche du parti chiite, ce que confirme le diplomate russe. Sans forcément attribuer à ce mot le même sens. Pour la Russie, il s’agit d’utiliser cette carte dans ses négociations avec le monde arabe, les États-Unis ou la Turquie. Un éventuel retrait du Hezbollah de Syrie lui servirait ainsi de moyen de pression dans les négociations autour du retrait des Turcs ou en vue d’un accord avec Washington et les Arabes.

Quel était l’enjeu de la rencontre lundi entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et la délégation du Hezbollah conduite par le député Mohammad Raad ? La formation du gouvernement libanais, alors que Moscou s’est montré récemment plus actif qu’à l’accoutumée sur ce dossier ? Ou la complexe équation syrienne dans laquelle les deux acteurs sont des...

commentaires (9)

LORSQUE L,OURS BLANC DAIGNE DISCUTER AVEC LA SOURIS.

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 17, le 17 mars 2021

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Commentaires (9)

  • LORSQUE L,OURS BLANC DAIGNE DISCUTER AVEC LA SOURIS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 17, le 17 mars 2021

  • Les représentants du Hezbollah est ce qu'ils ont bu une bonne vodka ?

    Eleni Caridopoulou

    16 h 38, le 17 mars 2021

  • a voir sieur Raad a l'HENORME panse ... qui oserait encore parler du Liban comme hors d'oeuvre a la table russe ! disons plutot comme plat principal sur la table perso iranienne de wali fakih oui !

    Gaby SIOUFI

    16 h 03, le 17 mars 2021

  • Interprétation crazy de la visite hezbiote au russes avec quelques rappels historiques : la Russie, alors USSR, du l'un des tout premier sinon le premier à soutenir Israël lors de sa création, l'un des premiers à relocaliser son ambassade en Israël, maintient d'excellentes relations avec Israël depuis. Ben depuis toujours. La Russie ferme l'oeil à toutes les attaques israéliennes sur les mercenaires sur le territoire du régime syrien surtout quand ils acheminent des armes qui pourraient affecter la paix d'Israël, elle tolère toute les forces qui supportent le régime syrien tant que ça n'affecte pas mais aussi et surtout tant que c'est à l'avantage d'Israël... Alors la visite du hezb? Ce n'est vraiment pas une visite, c'est un sommation au hezb de se pointer chez le vrai maître du jeu en Syrie pour apprendre de vive voix les règles du jeu. Toute autre interprétation n'est que sirop à l'eau de rose avec des goûts de Vodka!! Vashe zdorov'ye!!!

    Wlek Sanferlou

    12 h 52, le 17 mars 2021

  • RIEN DE BON A ATTENDRE DE CES DEUX ET SURTOUT DU HEZBOLLAH AU LIBAN. IL NE RESTE AU LIBAN QUE LE PROJET D,INTERNATIONALISATION DE LA CRISE LIBANAISE QUI FAIT PEUR AUX RUSSES COMME AUX IRANIENS ET LEURS MERCENASIRES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 44, le 17 mars 2021

  • Pendant ce temps le barbu s'offusque du "tadwil" de la question libanaise par le patriarche maronite...

    B Malek

    08 h 55, le 17 mars 2021

  • Ces messieurs ne savent ils pas que les russes pourraient très bien leur préparer un guet-apens ?

    Esber

    07 h 51, le 17 mars 2021

  • Serve them some good Vodka and pull the carpet from under their feet!

    Sabri

    04 h 23, le 17 mars 2021

  • Pour résumer: Nous avons un parti libanais téléguidé par l'iran et honni par une grande partie des libanais qui parlemente, négocie et discute avec un grand pays comme la russie sur un dossier relevant d'un pays étranger. Expliquez moi svp, de grâce: Aoun le Michel qui parle de "respect de sa position ", l'autre ministre qui parle de "prestige de l'état à tripoli" lors des manifestations contre la faim, Des civils sont assassiné au port dans l'indifférence totale. Une capitale est détruite. Un pompier volontaire est assassiné à Kahalé devant ses enfants ( dossier oublié?) etc... Et les dits responsables parlent de "respect, d'indépendance et de museler la presse" au nom du "respect et prestige" de certains leaders qui se sentent offusqués dès lors qu'is sont critiqués ou que la vérité est dite sur leurs trafic de captadone en Italie ou ailleurs. De qui se moque t on à partir de leurs palais, palaces et villas?? Le hezbollah respecte t il déjà leurs positions de présidents, ministres ou autre?? Il passe outre leur présence et négocie au nom d'un parti qui se veut libanais lorsque cela l'arrange et qui se veut iranien ou régional à d'autres périodes qui l'arrangent aussi. Merci pour la NON CENSURE ( parce que désormais la censure a la main agile et fréquente à l'OLJ ). Merci.

    LE FRANCOPHONE

    01 h 00, le 17 mars 2021

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