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Économie - Interview

Antoine Amatouri, président de Gulftainer Liban : Le port de Tripoli a bien résisté à la crise

Le président de Gulftainer Liban, qui gère le terminal conteneur de Tripoli, revient pour « L’Orient-Le Jour » sur les raisons qui l’ont récemment convaincu de vendre ses parts dans le capital de l’opérateur et de se positionner sur le marché de la reconstruction du port de Beyrouth.

Antoine Amatouri, président de Gulftainer Liban : Le port de Tripoli a bien résisté à la crise

Antoine Amatouri, président de Gulftainer Liban. Photo DR

Vous avez récemment cédé vos parts dans le capital de Gulftainer Liban, l’opérateur qui gère le terminal conteneur de Tripoli, au transporteur CMA CGM qui en devient désormais le seul propriétaire. Vous n’étiez pas le seul actionnaire à vendre vos parts à ce moment, il y avait en effet un préaccord entre CMA CGM et la famille Mikati. Pouvez-vous nous donner des détails sur les modalités de cette cession et les raisons qui vous ont poussé à l’accepter ?

Je préfère éviter de communiquer sur les modalités de la transaction, qui correspondent à celles d’un contrat classique de cession d’actions. Les raisons qui nous ont poussés à vendre sont, elles, purement économiques. Le port de Tripoli a vu son trafic baisser suite au ralentissement de l’activité au niveau mondial depuis un an en raison de la pandémie de Covid-19 et qui s’est bien entendu ressentie dans le secteur du transport maritime (en novembre, la Cnuced avait estimé l’ampleur de la baisse à environ 4 % sur 2020, NDLR). La crise que le Liban traverse depuis plus d’un an et demi a également pesé dans la balance. Conséquences : les transporteurs mondiaux n’ont plus assez de roulement pour justifier le maintien de deux escales différentes au Liban, à Beyrouth et Tripoli, et se sont assez logiquement rabattus sur celui de la capitale, à partir duquel il est plus facile d’expédier des marchandises vers l’ensemble des régions du pays – vu que Tripoli est située à l’extrême nord du pays.

C’est dans ce contexte que le transporteur et logisticien CMA CGM, qui est très actif à Beyrouth comme à Tripoli (il gère 50 % des volumes qui transitent par ces deux sites, selon ses propres chiffres, NDLR) et qui était entré au capital de Gulftainer Liban en 2017, a décidé d’aller au bout de sa démarche via cette acquisition. C’est une situation qui nous a paru cohérente et au sujet de laquelle nous n’avions aucune objection.

Quel était le volume d’activités du port de Tripoli avant et pendant la crise ? Le terminal conteneur absorbe combien de ce total ? Où en étaient les différents projets d’extension du port (ceux de l’État comme ceux dans les tuyaux de Gulftainer) ?

S’il a bien été pénalisé par la crise, le mouvement des conteneurs transitant par Tripoli – pour rester sur l’activité du terminal – a cependant relativement bien résisté à la crise, avec 64 201 conteneurs équivalents 20 pieds (EVP, unité de mesure standard, NDLR) en 2020, soit une baisse de seulement 9 %, alors que le PIB libanais a perdu un quart de sa valeur au moins sur le même exercice. Les chiffres de 2020 sont de plus au-dessus de ceux de 2018 (28 497 EVP), qui était la première année de plein exercice du terminal, après l’installation de deux grues géantes en juillet 2017. En termes de revenus, le terminal ne représente pour l’instant que 15 à 20 % du total généré par Tripoli (12,5 millions de dollars à fin novembre selon les derniers chiffres disponibles, en baisse de 9,3 % en un an).

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Au niveau des projets d’extension, ceux que prévoyait Gulftainer Liban, et qui consistaient principalement en des dépenses d’équipements (achats de nouvelles grues) étaient en suspens à cause de la crise. Il semble en revanche que les travaux d’extension et d’infrastructures que l’État souhaite lancer via le Conseil du développement et de la reconstruction soient financés par un prêt de 86 millions de dollars accordé par la Banque islamique de développement (BID). Le prêt a été validé par le Parlement en novembre 2018, mais le calendrier des travaux a été retardé en raison de la crise. Au cours de l’automne dernier, ce sont les entreprises A.R. Hourie et Arab Contractors, toutes deux basées au Liban, qui ont remporté les appels d’offres pour prendre en charge la construction de nouvelles rampes à conteneurs pour le premier et de bâtiments pour le second.

Vous avez récemment annoncé vous être allié avec le syndicat des entrepreneurs de travaux publics pour proposer une offre relative à la reconstruction du port de Beyrouth, détruit lors de la double explosion du 4 août 2020. Que pouvez-vous nous dire sur ce dossier ?

Les revenus du port avant la crise et les événements étaient généralement de l’ordre de 300 millions de dollars par an dont 45 millions générés par le terminal, soit environ 15 %. Ces revenus ont bien entendu baissé depuis, mais réhabiliter le port rapidement permettrait de retrouver les chiffres d’avant la crise. Le terminal est actuellement géré par un opérateur privé via un contrat établi depuis 15 ans et qui a expiré en janvier 2020 (la joint-venture Beirut Container Terminal Consortium ou BCTC). Comme vous le savez, un appel d’offres a été lancé puis suspendu en 2020 pour remettre en jeu la gestion du terminal conteneur du port de Beyrouth. Cinq candidatures se sont manifestées, dont une de CMA CGM qui s’est associé à l’italo-suisse MSC (Mediterranean Shipping Company), ou encore celle déposée par la société mère de Gulftainer aux Émirats arabes unis. Plus récemment, l’idée de confier en une seule procédure la gestion du port tout entier (terminal conteneur inclus) pendant 25 ans, et la reconstruction, a commencé à circuler et est envisagée comme une option crédible par une partie des responsables politiques.

Mais nous pensons, avec le syndicat des entrepreneurs de travaux publics, qu’il s’agirait là d’une erreur et que les deux marchés doivent faire l’objet de deux procédures distinctes. La raison principale est que nous voyons mal ce que gagnerait l’État à céder le droit d’exploiter le port et de jouir de ses revenus pendant 25 ans, pour un montant qui tournerait autour de 5 milliards de dollars selon mes informations, alors que le chantier de la reconstruction peut être finalisé en trois ans et 500 millions de dollars – selon les évaluations sur lesquelles nous nous basons. De plus, le coût de la reconstruction pourrait être financé par les revenus du port qui a continué de fonctionner malgré la double explosion (le terminal est à 70 % de ses capacités, indiquait le patron de BCTC, Ziad Kanaan, dans une interview publiée le 4 mars par Le Commerce du Levant, NDLR), une fois que les obstacles liés à la crise financière seront écartés.

Vous avez récemment cédé vos parts dans le capital de Gulftainer Liban, l’opérateur qui gère le terminal conteneur de Tripoli, au transporteur CMA CGM qui en devient désormais le seul propriétaire. Vous n’étiez pas le seul actionnaire à vendre vos parts à ce moment, il y avait en effet un préaccord entre CMA CGM et la famille Mikati. Pouvez-vous nous donner des détails sur les...

commentaires (1)

est ce que Gulftainer / beyrouth fait partie de la mafia sucrant les revenus de l'etat libanais ? pas possible de le faire a tripoli d'ou la cession de cette Co a autrui ?

Gaby SIOUFI

10 h 02, le 16 mars 2021

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Commentaires (1)

  • est ce que Gulftainer / beyrouth fait partie de la mafia sucrant les revenus de l'etat libanais ? pas possible de le faire a tripoli d'ou la cession de cette Co a autrui ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 02, le 16 mars 2021

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