Le chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil, a dévoilé dimanche le document politique de sa formation dans lequel est exposée sa vision pour la situation politique, économique, sociale et sécuritaire dans un Liban en crise. Lors d'un discours télévisé prononcé à l'occasion du congrès annuel de la formation fondée par le président de la République, Michel Aoun, M. Bassil a notamment appelé à la mise en place d'une stratégie de défense, une question hautement sensible et mise en suspens depuis des années à l'ombre des armes du Hezbollah. Le leader chrétien a également appelé une nouvelle fois à revoir l'entente politique qui lie le CPL au parti chiite dirigé par Hassan Nasrallah, au moment où les relations entre les deux formations ne sont plus au beau fixe.
Entente avec le Hezbollah
“Le CPL est déterminé à revoir le document d’entente entre lui et le Hezbollah dans une volonté d’améliorer ce document afin de protéger le Liban à travers une stratégie de défense, l'édification de l’État à travers une vraie lutte contre la corruption et la mise en oeuvre de toutes les réformes (…)”, a affirmé M. Bassil, dans une allocution qui semblait pré-enregistrée, avec en arrière-plan le slogan "robustesse, souplesse, productivité". L'entente de Mar Mikhaël, scellée en 2006 entre le Hezbollah et le CPL, se maintient à ce jour, mais la formation aouniste réclame sa révision. Une demande à laquelle le chef du parti chiite, Hassan Nasrallah, ne semble pas s'opposer en apparence. Gebran Bassil a dans ce contexte plaidé pour que "les armes soient entre les mains de l'Etat, afin que les Libanais n'en aient plus peur".
Le chef du parti aouniste a ensuite abordé la question sensible de l'élaboration d'une stratégie de défense, à l'ombre des armes du Hezbollah, seule formation à avoir maintenu son arsenal après la fin de la guerre civile en 1990. Ce sujet est source de frictions entre les différentes formations politiques. Si le président Aoun a affirmé vouloir l'élaboration d'une telle stratégie, il avait fini par écarter une telle option après son élection.
Neutralité et stratégie de défense
“Le CPL veut renforcer le Liban face à toute agression israélienne ou terroriste et considère que l’armée libanaise est la première responsable de la défense des frontières. En attendant que le levée de l'embargo sur la fourniture des armes nécessaires à l’armée, et en attendant l’instauration de la paix espérée, le CPL estime nécessaire d’adopter une stratégie de défense basée sur l’entente interne, la préservation des éléments de force du Liban afin de maintenir un équilibre de dissuasion, et la centralité de la décision étatique, sans abandonner le droit sacré et légal à l’auto-défense", a souligné Gebran Bassil.
“La stratégie de défense constitue en elle-même une garantie pour le Liban et lui impose de rester à l’écart de tout conflit qui ne le concerne pas. La neutralité est un concept défini par le droit international et nécessite une entente interne, tout en étant accepté par les pays régionaux et internationaux. Le CPL veut la distanciation du Liban. Le CPL veut que les Libanais s’accordent sur un seul concept : celui du refus du Liban de s’ingérer dans les affaires qui ne le concernent pas et qui ne sont pas dans son intérêt. Cela ne veut pas dire qu’il doit être tenu à l’écart des questions qui touchent ses intérêts ou celles qui ont trait au conflit avec Israël", a poursuivi le chef du CPL.
La question de la neutralité du Liban revient en force dans le débat national depuis que le patriarche maronite, Béchara Raï, a appelé à consacrer ce principe et à tenir une conférence internationale sous l'égide de l'ONU, afin de traiter le dossier libanais. Deux questions qui irritent le Hezbollah et ses alliés.
Table de dialogue
En outre, Gebran Bassil a appelé dans son document politique à édifier un État civil, une demande brandie par les formations issues de la révolte populaire et de la société civile. Ces dernières ne croient toutefois pas à la sincérité des partis traditionnels quand ils se prononcent en faveur de cette option.
"Le projet du CPL pour un État civil doit se réaliser à travers un dialogue entre les Libanais autour d’une table présidée par le chef de l’Etat. Ce projet doit faire l’objet d’une entente totale et être mis à exécution de manière progressive, en traitant les appréhensions qu’il suscite", a plaidé M. Bassil, qui semblait tendre la main à d'autres formations politiques ou issues de la société civile. "Le dialogue pour lequel plaide le CPL ne s'adresse pas uniquement aux partis politiques traditionnels, mais aussi à tout mouvement constructif, indépendamment de ses orientations (...)", a insisté le chef du parti aouniste.
Le chef du CPL a enfin répété ses slogans habituels de "lutte contre la corruption" et de "réformes" sur les plans financiers, économiques, et monétaires. Mais depuis le déclenchement de la révolte populaire du 17 octobre 2019, Gebran Bassil et le président Aoun figurent parmi les responsables politiques les plus fustigés par les manifestants qui les accusent de corruption et d'incompétence.
Fait notable, le chef du CPL n'a mentionné à aucun moment l'impasse politique autour de la formation du gouvernement, alors que le pays, qui fait face à sa pire crise socio-économique, est sans cabinet depuis plus de sept mois, suite à la démission du Premier ministre Hassane Diab dans la foulée de l'explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth.
Le blocage gouvernemental, dont le CPL se défend régulièrement d'être responsable, est notamment dû à des tensions entre le chef de l'Etat, Michel Aoun, et Saad Hariri, désigné Premier ministre le 22 octobre, concernant le nombre et l'identité des ministres ainsi que la répartition des portefeuilles. M. Hariri s'était pourtant engagé, lors de sa désignation, à mettre sur pied une équipe de technocrates indépendants des formations politiques, tel que cela est prévu dans l'initiative française, présentée début septembre par le président français, Emmanuel Macron. Cette initiative prévoit également une série de réformes à mettre en œuvre par l'exécutif, afin de débloquer des aides financières de la communauté internationale pour aider le Liban à faire face à la crise socio-économique et financière. Cette crise, qui frappe de plein fouet le pays depuis l'été 2019, est marquée par la chute libre de la monnaie nationale, une hyperinflation et la paupérisation rapide de la population. Ces dernière semaines, la formation aouniste et celle de Saad Hariri se rejettent la responsabilité de l'impasse politique par communiqués interposés. Samedi, le CPL a ainsi de nouveau critiqué "l'entêtement injustifié" de Saad Hariri dans sa mission pour former le gouvernement.
commentaires (29)
Est-ce qu’il sait ce que veut dire le Global Magnitsky Act ? Il est ce qu’il est, d’accord, mais à ce point cela me fait friser les moustaches ! Il ne peut devenir président de quoi que ce soit et ne peux réclamer quoi que ce soit, ni l’adoption d’une stratégie ni autre chose. Ils sont tous, vraiment et réellement, tous à emprisonner et leurs fortunes confisquées, tant au Liban qu’à l’étranger. Le Hezb doit désarmer, point.
TrucMuche
11 h 14, le 15 mars 2021