C’est par un cri exprimant le ras-le-bol de la communauté internationale face au retard mis à former le nouveau gouvernement au Liban que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est à nouveau manifesté hier au sujet du pays du Cèdre.
« Je serais tenté (d’accuser) les responsables politiques libanais de non-assistance à pays en danger, tous autant qu’ils soient », a déclaré à la presse M. Le Drian. Il s’exprimait lors d’une conférence de presse conjointe avec ses homologues allemand, égyptien et jordanien, en marge d’une réunion à Paris sur le processus de paix au Proche-Orient.
Dénonçant l’inaction de la classe politique face au risque « d’effondrement » du pays, M. Le Drian a rappelé que lors des deux dernières visites du président français, Emmanuel Macron, à Beyrouth (les 6 août et 1er septembre 2020), « tous les acteurs politiques s’étaient engagés à agir à la fois pour la composition rapide d’un gouvernement inclusif et (pour la mise en œuvre) des réformes indispensables ». « C’était il y a sept mois. Et rien ne bouge », a déploré le chef de la diplomatie française, ajoutant : « Il n’est pas encore trop tard pour agir, mais les délais sont très courts avant l’effondrement. » « C’est aux autorités libanaises de prendre en main le destin de leur pays, en sachant que la communauté internationale regarde avec angoisse » la situation se dégrader, a-t-il prévenu. « Si le Liban s’effondrait, ce serait une catastrophe pour les Libanais (...), pour les réfugiés palestiniens, syriens et pour l’ensemble de la région », a-t-il estimé. « Nous ne pouvons pas nous substituer aux forces politiques libanaises qui doivent assumer leurs responsabilités. Il est encore temps d’agir, parce que demain il sera trop tard », a conclu M. Le Drian.
Le chef de la diplomatie française est connu pour ses formules chocs qu’il utilise pour décrypter la situation au pays du Cèdre et inciter les protagonistes locaux à aller de l’avant dans le processus de redressement. S’exprimant au Sénat français en juillet dernier, M. Le Drian avait lancé son fameux « aidez-nous à vous aider, bon sang! », à l’adresse des dirigeants libanais, qui n’arrivent pas à mettre sur les rails les réformes structurelles exigées par la communauté internationale en vue de débloquer les aides promises de la part des pays donateurs. Quelques semaines plus tard, M. Le Drian prévenait, lors d’une interview accordée fin août à la radio RTL, que « le risque, aujourd’hui, c’est la disparition du Liban ».
Aoun et Bassil dans le viseur
Une source politique française décrypte pour L’Orient-Le Jour les déclarations du chef du Quai d’Orsay. « En France, quand on est condamné pour non-assistance à personne en danger, on risque la prison », explique cette source, soulignant qu’à travers ce genre de prise de position, « la communauté internationale commence à devenir plus menaçante et exerce des pressions pour que les dirigeants libanais rendent des comptes au peuple».
La même source confie que « Jean-Yves Le Drian est exaspéré. Il veut dire à la classe dirigeante libanaise : ça suffit, dans le sens où l’heure n’est pas aux blocages du processus gouvernemental pour des calculs présidentiels » : une pique évidente en direction du leader du Courant patriotique libre et gendre du chef de l’État, Gebran Bassil, accusé par ses détracteurs d’entraver les tractations ministérielles notamment pour des calculs présidentiels prématurés.
La source assure que les propos de Jean-Yves Le Drian montrent que pour la communauté internationale, c’est l’heure de la mobilisation générale. « Nous maximisons la pression internationale, pour presser les protagonistes locaux, à commencer par le président de la République, Michel Aoun, et son gendre, Gebran Bassil », a-t-elle dit. Une prise de position qui vient à l’encontre des tentatives du camp aouniste d’imputer au Premier ministre désigné, Saad Hariri, la responsabilité de l’impasse actuelle.
Cette nouvelle phase de mobilisation en faveur du Liban, la France la partage avec ses partenaires internationaux et régionaux. C’est ce que la source politique française citée plus haut assure, faisant savoir que Paris évoque le dossier libanais avec la Russie, dont le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, avait rencontré Saad Hariri à Abou Dhabi, mardi ; avec l’Égypte, les Émirats arabes unis et la Ligue arabe. Elle fait également état d’une « coordination » avec Washington.
Le GIS préoccupé
De son côté, le Groupe international de soutien au Liban (regroupant l’ONU, la Chine, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis, ainsi que l’Union européenne et la Ligue arabe) a, lui aussi, appelé les dirigeants libanais à former un cabinet sans tarder.
Dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion qu’il a tenue hier en distanciel, le GIS a rappelé avec consternation que sept mois se sont écoulés depuis la démission du dernier gouvernement (de Hassane Diab, le 10 août 2020), et que cela a « entravé la capacité du Liban à faire face à ses défis politiques, sociaux, financiers, économiques et institutionnels de plus en plus complexes et à répondre aux besoins et aspirations du peuple libanais ».
« Nous réitérons notre appel urgent aux dirigeants libanais à ne plus retarder la formation d’un gouvernement pleinement compétent, capable de répondre aux besoins urgents du pays et de mettre en œuvre des réformes cruciales », a ajouté le groupe.
Commentant les dernières manifestations populaires causées par la flambée du taux de change de la livre face au dollar, le GIS s’est dit préoccupé par les tensions croissantes dans le pays, y compris les récentes manifestations, appelant à ce qu’elles demeurent pacifiques et que les droits de l’homme soient respectés.
« Je serais tenté (d’accuser) les responsables politiques libanais de non-assistance à pays en danger, tous autant...
commentaires (19)
Aidez-vous vous-mêmes et Dieu vous aidera ? Comme le disait le grand Winston "du sang et des larmes" et aussi "if you're going through hell keep going" ? Est-ce que devrait être l'attitude du gouvernement Français que vous honorez de votre critiques. Que cela coule sur les triples couches de l'indifférence ? La France n'est quand même pas coupable du chaos Libanais, excepté très lointainement pour avoir voulu le Grand Liban ? Ah ces erreurs de jeunesse qui souvent finissent mal. Le moment est venu de vous indigner à bon escient, à commencer pour la curieuse absence chronique d'une armée sciemment désarmée ? Inspirez-vous d'Israël, ce faux ennemi bien pratique.
Lillie Beth
12 h 27, le 15 mars 2021