Dans le sillage de la dynamique politique créée récemment autour de Bkerké du fait de son appel à la tenue d’une conférence internationale pour le Liban, la position du Courant patriotique libre était très attendue. Il était difficile pour le parti constituant la principale composante du bloc parlementaire chrétien le plus large et faisant de la défense des « droits des chrétiens » son cheval de bataille de rester à l’écart de cette lutte que mène sans relâche le patriarche maronite, Béchara Raï, depuis des mois.
Se joignant – verbalement du moins – aux Forces libanaises et au Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt – qui ont publiquement affiché, mercredi, leur soutien à Mgr Raï – mais aussi à plusieurs ambassadeurs au Liban, notamment le Saoudien Walid Boukhari, la Française Anne Grillo et l’Américaine Dorothy Shea, les aounistes ont affirmé appuyer les positions du patriarche… avec cependant un grand bémol : l’accent, selon eux, devrait être donné au dialogue national, ce qui signifie qu’ils accueillent tièdement l’idée de la conférence internationale. C’est pour exprimer cette prise de position qu’une délégation du CPL – composée des députés César Abi Khalil (Aley), Salim Aoun (Zahlé), Salim Khoury (Jezzine), Roger Azar (Kesrouan) et Georges Atallah (Koura) – s’est rendue jeudi à Bkerké.
« Bkerké est notre demeure »
S’exprimant à l’issue de la réunion, précédée par un entretien téléphonique entre Mgr Raï et le leader du CPL, Gebran Bassil, Roger Azar a insisté sur « le respect » que porte le leader du courant aouniste à Bkerké et ses prises de position. Il a également fait savoir que la discussion a porté sur les développements politiques et les échéances constitutionnelles, notamment la formation d’un cabinet capable, de par sa composition et son programme, d’opérer les réformes attendues et recouvrer la confiance des Libanais. « Le patriarche tient à ce que le cabinet voie le jour rapidement, conformément aux règles constitutionnelles et celles relevant du pacte national, et sur la base du partenariat national », a dit le député du Kesrouan, affirmant que son parti converge avec Bkerké sur « des principes liés à la préservation du partenariat et de la souveraineté ». Selon M. Azar, le CPL a expliqué au patriarche Raï qu’il était « prêt à discuter de toute proposition à même de permettre d’atteindre ces objectifs, sur la base du dialogue entre Libanais ».
Déclarant vouloir contrer ceux qui, selon lui, « pêchent en eaux troubles », Roger Azar a assuré que les rapports entre Bkerké et le CPL sont bons. « Bkerké est notre demeure. Et nous nous y rendons quand nous le voulons », a-t-il lancé, soulignant qu’« il est du devoir du CPL de mener des contacts avec toutes les personnalités politiques et religieuses ». « Personne ne peut considérer une rencontre comme un message adressé à une partie aux dépens d’une autre », a-t-il ajouté. Il répondait ainsi implicitement à ceux qui ont interprété l’entretien, il y a deux jours, entre une délégation du CPL et le nonce apostolique, Mgr Joseph Spiter, comme un message de mécontentement aouniste vis-à-vis du patriarche. Le député César Abi Khalil et l’ancien ministre Mansour Bteiche avaient remis au nonce apostolique une lettre au pape François, lui demandant d’aider le Liban à sortir de la crise actuelle.
Le dialogue impossible
En dépêchant une délégation parlementaire à Bkerké, et en tenant un tel discours visant à distiller une atmosphère positive, le CPL tentait de faire d’une pierre deux coups : d’abord, s’affirmer comme parti chrétien qui soutient Bkerké dans les grandes batailles et entretient de bonnes relations avec le patriarche, en dépit des critiques sévères lancées par ce dernier contre ceux qui bloquent le processus gouvernemental et empêchent la naissance d’une équipe de spécialistes indépendants. Des flèches que Mgr Raï décoche depuis quelques semaines chaque dimanche en direction du CPL, sans épargner le président de la République Michel Aoun, dont les rapports pratiquement rompus avec le Premier ministre désigné, Saad Hariri, enlisent le processus gouvernemental.
Ensuite, rapprocher les points de vue entre le Hezbollah, l’allié avec qui il évite de se lancer dans une confrontation directe, et le patriarche. Commentant ainsi l’appel de ce dernier en faveur d’une conférence internationale parrainée par l’ONU qui conférerait un statut de neutralité au Liban, assimilé à une « déclaration de guerre » par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, le CPL s’en tient à des formules à mi-chemin, trahissant son embarras. « Nous rejetons toute démarche à même de ramener le pays à l’ère de la tutelle politique », déclare le député Georges Atallah à L’Orient-Le Jour. Et de souligner que « la priorité devrait être à la tenue d’un dialogue national, dans le cadre duquel les Libanais pourront s’entendre sur les dossiers épineux. Si cette démarche échoue, le pays pourrait avoir recours à ses partenaires internationaux, comme ce fut le cas pour l’initiative française – initiée début septembre 2020 – approuvée par tous les protagonistes ».
Sauf que le patriarche maronite semble convaincu que le dialogue élargi est devenu impossible et qu’il est temps de passer à la vitesse supérieure. C’est ce qui ressort de ses propos tenus jeudi devant une délégation du rassemblement de Saydet el-Jabal, regroupant de farouches opposants au pouvoir en place. « Nous avons proposé (la tenue de) la conférence internationale, parce que nous (Libanais) sommes incapables de nous entendre, ou de dialoguer ensemble », a-t-il lancé, précisant que « la communauté internationale est responsable du Liban, un membre fondateur des Nations unies. Elle devrait donc lui venir en aide de manière sérieuse et officielle ». Et d’appeler « chaque partie politique à proposer sa vision du problème au Liban, afin de parvenir à une feuille de route unifiée et la présenter à l’ONU ».
commentaires (19)
Ils sont dans le purin jusqu'au cou, patience.....
Christine KHALIL
16 h 16, le 26 février 2021