Le patriarche maronite Béchara Raï a déploré dimanche que l'obstacle à la formation du gouvernement, attendu depuis près de six mois, soit du à "des divergences concernant l'interprétation de la Constitution", qui est pourtant selon lui "claire comme de l'eau de roche". "La Constitution doit être appliquée et non être la source de divergences", a déclaré le prélat dans son homélie dominicale, dans laquelle il s'en est à nouveau longuement pris aux responsables politiques, alors que les tractations pour la mise sur pied du nouveau cabinet, attendu depuis six mois, sont à l'arrêt total.
Le chef de l'État libanais Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri sont en effet à couteaux tirés au sujet de leurs prérogatives, notamment la nomination des ministres et la répartition des portefeuilles. Le blocage gouvernemental a semblé s'aggraver vendredi avec la publication d'un communiqué par le palais présidentiel, dans lequel le chef de l'État se défend de tout blocage du processus ministériel. Une façon pour le palais de réagir aux accusations lancées récemment contre Michel Aoun et le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, d’œuvrer à obtenir le tiers de blocage au sein de la prochaine équipe ministérielle. Ce communiqué a marqué un nouveau round dans la querelle devenue chronique entre le président de la République et le Premier ministre désigné. Les rapports entre les deux hommes sont complètement rompus depuis le 23 décembre dernier, date de leur dernière rencontre à Baabda. Le chef du gouvernement désigné n’était pas parvenu à mettre sur pied son équipe en arguant du fait que Michel Aoun ne s’était pas prononcé au sujet de la formule ministérielle qu'il lui avait remise.
"Ne craignez-vous pas dieu et le peuple ?"
Dans son homélie dominicale prononcée à Bkerké, à laquelle n'ont assisté que des prêtres et des évêques en raison du confinement total, le patriarche a rappelé que les autorités politiques sont, comme le stipule le préambule de la Constitution, "mandatées par le peuple pour assurer le bien commun". Prenant à partie les responsables, il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles ils ne forment pas de gouvernement alors que le pays connaît une série de crises aiguës. "Pourquoi ne formez-vous pas un gouvernement alors que le peuple crie sa douleur, qu'il est affamé et meurt de maladie, pendant que les hôpitaux croulent sous le nombre de personnes contaminées et que les dispensaires et les pharmacies connaissent la pénurie de médicaments ? Les gens ne trouvent plus leur argent dans les banques, le prestige des grandes institutions de l'État est attaqué par des campagnes de rumeurs dévastatrices, le trafic traverse les frontières, Beyrouth est sinistrée, son port dévasté et le pays s'effondre.", a énuméré le chef de l'Église maronite dans une longue tirade.
"Ne craignez-vous pas Dieu, le peuple et le jugement de l'histoire ?", a-t-il encore déclaré, s'offusquant que les divergences entre les parties chargées de la mise sur pied du cabinet se basent sur "l'interprétation d'un article de la Constitution qui est aussi clair que de l'eau de roche". "La Constitution doit être appliquée, pas faire l'objet de disputes et elle doit être la source d'accords, pas de querelles", a-t-il dit, évoquant des défis "mettant en jeu l'avenir" du Liban.
"Si la neutralité était appliquée dans le pays, nous n'y verrions pas de crise constitutionnelle ni de crise gouvernementale", a-t-il estimé, en référence à son appel à un Liban neutre de toute appartenance à un axe spécifique, sans "allégeances multiples".
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La constitution d'un pays où n'existent pas d'homme d'État devient un chiffon.
DJACK
19 h 47, le 26 janvier 2021