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Nos Lecteurs ont la Parole

Vaccin et crève-la-faim

De quoi au juste faut-il être vacciné ? Dans quelle partie de notre corps, si encore indemne, va-t-on pouvoir injecter le produit censé nous immuniser contre le virus ? Lequel des virus ?

Contre quelle pathologie faudra-t-il nous prémunir ? De quels troubles sommes-nous victimes ? Qui ou quoi devrions-nous craindre ? Quelles épreuves faudra-t-il de plus surmonter et avec quelles réserves, puisque l’herbe a été coupée sous nos pieds et que notre terre fertile s’est transformée en jachère ?

À bout de force ? Au fond du gouffre ? On trébuche à chaque foulée et ceux qui arrivent encore à se relever ne forment plus qu’une mince poignée. Parmi eux, les poètes et les artistes : qui de leurs plumes, qui de leurs pinceaux, qui de leurs objectifs... s’obstinent à dénoncer, à déplorer, à témoigner. Car l’art est résistance et s’oppose aux injonctions du pouvoir qui prétend contrôler nos existences réduites à l’obéissance, astreintes au silence.

Mais qui incriminer et qui maudire ? Faute de nous museler, nous nous retrouvons intubés, maintenus artificiellement en vie. L’air manque. L’oxygène se négocie. Apnée d’une foule essoufflée à réclamer ses droits les plus élémentaires. Non plus sur les places publiques comme il a été de mise, mais aux portes des hôpitaux où le personnel soignant, dépassé et épuisé, se mue en héros.

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, ce n’est plus seulement une métaphore comme chez Baudelaire : les avions de chasse survolent sans répit et sur nos crânes inclinés ils plantent leur drapeau noir.

On se replie en rasant les murs de peur d’être la cible de leur décharge explosive.

Comme si le 4 août n’avait pas suffi à tout anéantir.

Dans sa « Lettre à un pilote qui a désobéi », l’artiste Akram Zaatari évoque l’histoire de ce pilote israélien qui, le 6 juin 1982, avait refusé d’obéir à la consigne de lâcher sa bombe sur une école publique de Saïda. Désobéir à l’ordre de détruire un établissement scolaire qui dispense le savoir et l’éducation a distingué l’homme éclairé, respectueux du tableau noir, sur lequel n’a pas encore été effacée la dernière leçon de l’instituteur, du militaire ignorant téléguidé par de belliqueux supérieurs.

Dans notre ciel bas et lourd, les avions israéliens ne nous épargnent guère leur intrusion quotidienne, affolant la population déjà suffisamment éprouvée. Parmi ces pilotes, ne se trouve-t-il pas un homme de compassion pour réaliser à travers son hublot que nous venons à peine d’enterrer nos morts, de redresser les murs effondrés et qu’une grande partie des Libanais, otages d’un système défaillant, sont reliés désormais à des machines à oxygène ? Ne voit-il pas que nous sommes à bout de souffle, au sens propre comme au figuré ? Que même l’air s’est raréfié ? Que s’il reçoit l’ordre de faire feu, ce ne sera que pour mieux achever les chevaux et abréger leurs souffrances ?

Ce matin encore, le ciel bas et lourd a été à plusieurs reprises violé. Je relève la tête un instant dans l’espoir de distinguer parmi les sombres nuages un pilote prêt à s’opposer aux ordres militaires. Je vois brusquement un des appareils effectuer un virage et se détacher de l’escadrille. Un pilote, touché par la grâce, désobéit visiblement aux directives criminelles. Il s’affranchit de toute allégeance. Homme libre de dérouler vers mes bras tendus les tuyaux à oxygène plutôt que de lâcher sur un peuple déjà asphyxié les fusées meurtrières.

Libre d’être du côté de l’humain, d’insuffler la vie plutôt que de répandre la terreur.

Après tout, l’ennemi commun n’est autre que ce virus qui a contraint les manifestants à déserter les places. Qui s’est avéré plus efficace que les bombes lacrymogènes. Plus dissuasif que les voyous instrumentalisés, payés par un régime frelaté pour gangrener la foule pacifique et imposer sa violence. Une manne que ce virus pour les dirigeants incapables (entre autres incompétences) de nous assurer au plus tôt le vaccin comme dans les pays voisins.

Parmi tout ce bataillon vissé au pouvoir, aucun de ces pantins ne penserait, dans un sursaut (même tardif ) d’empathie, à l’instar de ce pilote israélien en 1982, à enfin désobéir en relâchant les multiples cordes autour de nos vies mutilées ?

Et si ce pouvoir en place ne prendra fin que le jour où il fera l’amer constat qu’il n’y a plus de peuple à gouverner ?

Qu’il aura réussi à l’épuiser, soit en lui faisant plier bagage, soit en le réduisant à végéter au premier niveau de la pyramide de Maslow, soucieux seulement de trouver un morceau de pain et de ne pas être débranché d’un tuyau à oxygène qui prend la triste allure d’une laisse de chien.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

De quoi au juste faut-il être vacciné ? Dans quelle partie de notre corps, si encore indemne, va-t-on pouvoir injecter le produit censé nous immuniser contre le virus ? Lequel des virus ? Contre quelle pathologie faudra-t-il nous prémunir ? De quels troubles sommes-nous victimes ? Qui ou quoi devrions-nous craindre ? Quelles épreuves faudra-t-il de plus surmonter et avec quelles réserves,...
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