Hariri à la recherche d’un nouveau positionnement arabe

Réduit au chômage politique au Liban en raison des graves divergences qui l’opposent au chef de l’État au sujet de la formation du gouvernement, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, cherche une compensation à ses déconvenues intérieures dans un nouveau positionnement au sein d’un monde arabe en mutation, révèlent des sources concordantes. Ses proches conseillers restent toutefois discrets sur ces efforts, en attendant qu’ils portent leurs fruits. Ce qui semble probable, selon l’ancien député Moustapha Allouche, c’est qu’après Abou Dhabi, où il se trouve depuis mercredi, le chef du courant du Futur se rende en Égypte, si l’agenda du président égyptien le permet.

Toutefois, l’objectif ultime de M. Hariri, à travers les Émirats arabes unis et Le Caire, ce serait Riyad, estime notre correspondant Mounir Rabih. On sait que M. Hariri, bien que possédant la nationalité saoudienne, est en froid avec le trône saoudien depuis novembre 2017, date de sa démission forcée présentée depuis Riyad, sur laquelle il était revenu une fois de retour au Liban, « libéré » par les autorités saoudiennes qui avaient entravé ses déplacements. En fait, malgré une rencontre de M. Hariri avec le prince héritier Mohammad ben Salmane en mars 2018, les relations entre le Liban et l’Arabie saoudite ne se sont jamais remises de ce traumatisme, qui est venu s’ajouter à d’autres divergences majeures entre le Liban et l’Arabie saoudite.

Ce que cherche M. Hariri, c’est de rentrer en grâce, politiquement parlant, aux yeux de la monarchie saoudienne, en expliquant que ses efforts actuels pour former un gouvernement ne s’inscrivent plus dans la ligne « modérée » et tolérante envers le Hezbollah – que Riyad lui reprochait –, et qu’il ne s’agit certainement pas d’un retour au « compromis présidentiel » conclu avec le Courant patriotique libre en 2016. Cette page est définitivement tournée, assurent ses proches, toujours scandalisés par l’indignité de la récente comédie des propos « fuités » du chef de l’État le traitant de menteur. Toutefois, M. Hariri cherche à expliquer que sa collaboration avec le chef de l’État est incontournable, dans le cadre des efforts locaux et internationaux destinés à assurer le succès de l’initiative du président français Emmanuel Macron, lancée en septembre 2020, et le sauvetage économique et financier du Liban.

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Hariri en Turquie, profitant des dernières réconciliations dans la région

Il est possible, ajoutent certaines sources familières des dossiers régionaux, que le Premier ministre désigné se soit rendu également à Abou Dhabi porteur de certains « avis » recueillis en Turquie, où il se trouvait récemment, et où il a été reçu par le président Recep Tayyip Erdogan. La visite, conviennent ces sources, avait pour but de défendre les intérêts financiers de M. Hariri, et sa part du capital de la compagnie Turk télécoms, nationalisée par l’État turc, mais dont les fonds ont été gelés deux années, en attendant une vérification de leurs comptes. La visite de M. Hariri a coïncidé avec l’expiration de cette date probatoire. Toutefois, ajoutent ces sources, il n’est pas du tout improbable que le Premier ministre désigné ait abordé avec son hôte turc des questions régionales et internationales, à l’approche de la prise de fonctions du président américain Joe Biden, ainsi que l’affaire de la réconciliation spectaculaire qui s’est produite entre l’Arabie saoudite et les EAU d’une part, et le Qatar – allié de la Turquie – d’autre part, et du forcing américain en vue de la normalisation des relations entre le monde arabe et Israël. Il est incontestable en effet que la réconciliation entre l’Arabie saoudite et le Qatar ouvre de nouvelles perspectives sur la solidarité arabe, face à une Turquie considérée comme l’un des parrains des Frères musulmans dans le monde, modèle d’un islam politique rival de celui de Riyad. Selon cette interprétation, Saad Hariri aurait donc été en éclaireur pour tâter le terrain auprès des responsables turcs, en vue d’un apaisement des clivages qui les opposent au monde arabe.

En marge de ces calculs politiques, la première visite de M. Hariri à Abou Dhabi, au moment des fêtes de fin d’année, avait un caractère familial, assurent ses proches. Le Premier ministre désigné ne s’était plus retrouvé en famille entouré de sa femme et de ses trois enfants depuis un an, précisent ces sources. Selon certaines indiscrétions, non confirmées, M. Hariri aurait également profité de l’occasion pour obtenir la première injection du vaccin anti-Covid de Pfizer et s’apprêterait en ce moment à en recevoir le rappel.