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Politique - Décryptage

Entre les approches contradictoires de Aoun et Hariri, la difficile mission de Raï

Lorsque le chef de l’État a décidé de se rendre à Bkerké pour présenter ses vœux au patriarche maronite Béchara Raï, les deux hommes ignoraient que le Premier ministre désigné devait rentrer à Beyrouth dans la nuit de mercredi à jeudi. Il s’agissait donc d’une visite protocolaire, le président Aoun n’ayant pas assisté à la traditionnelle messe de Noël ni rencontré le patriarche à l’occasion du Nouvel An pour éviter la cohue des fêtes de fin d’année en pleine période de pandémie de coronavirus. La formation du gouvernement était naturellement prévue au programme des discussions, surtout que le patriarche maronite est déterminé à poursuivre sa médiation entre Michel Aoun et Saad Hariri pour tenter de rapprocher les points de vue entre les deux hommes. Il s’emploie d’ailleurs à organiser une rencontre dans le but de paver la voie à la formation du cabinet. Mais pour pouvoir le faire et surtout pour que cette médiation ait des chances de réussir, le patriarche Raï doit d’abord écouter les différents points de vue.

Hier, il a donc entendu la version du chef de l’État. Selon des sources proches de Baabda, Michel Aoun aurait de plus en plus l’impression que Saad Hariri chercherait à gagner du temps dans l’attente d’un développement quelconque. En effet au cours des 14 rencontres qui ont eu lieu entre les deux hommes depuis le 22 octobre, date de la désignation du chef du courant du Futur, les deux responsables ont eu largement la possibilité d’évoquer tous les détails de la formation du gouvernement, estiment ces sources.

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Après tous ces entretiens, le Premier ministre désigné devrait donc connaître la position du chef de l’État et ce qu’il attend du gouvernement. Celle-ci se résume en réalité en trois points : une distribution équitable des portefeuilles sur les différentes communautés libanaises, le choix de ministres spécialisés dans les portefeuilles dont ils auront la charge, et enfin l’adoption d’un critère unifié dans le choix des ministres. Michel Aoun et Saad Hariri ont d’ailleurs déjà longuement discuté de ces points.

De plus, toujours selon les sources proches de Baabda, le Premier ministre désigné a insisté à plusieurs reprises pour que le président de la République lui remette une liste de noms de ministrables chrétiens et lorsque ce dernier s’est exécuté, il est revenu avec une mouture dans laquelle ne figure aucun des noms proposés. Le seul usage qui a été fait de cette liste officieuse élaborée par le chef de l’État sur l’insistance du Premier ministre désigné a été d’en divulguer certains noms dans les médias pour provoquer des campagnes hostiles contre eux, estiment les sources précitées. Pour toutes ces raisons, les milieux proches de Baabda se demandent si Saad Hariri souhaite réellement former le gouvernement ou s’il attend un développement quelconque. Pour ces mêmes milieux, il y aurait ainsi trois possibilités : la première serait que le Premier ministre désigné cherche à gagner du temps en attendant un développement précis, notamment sur le plan régional et international ; la deuxième serait qu’il estime que le chef de l’État et son camp sont actuellement affaiblis sur les plans politiques et populaire, ce qui lui donnerait l’avantage et le pousserait à obtenir un maximum de concessions de la part de Michel Aoun ; enfin, la troisième possibilité serait qu’en réalité, le Premier ministre désigné ne souhaite pas vraiment former un gouvernement dans les conditions actuelles, et utiliserait la vacance au niveau de l’exécutif pour pousser le président dans ses derniers retranchements et finalement le contraindre à démissionner de sa fonction. À ce sujet, les milieux proches de Baabda précisent que si le président estimait que sa démission pouvait permettre de résoudre les multiples problèmes dont souffre actuellement le Liban, il y réfléchirait sérieusement. Mais s’il démissionne, le dollar reviendra-t-il au taux de 1 500 LL, les banques libéreront-elles les fonds des déposants actuellement bloqués, le port sera-t-il reconstruit, les sanctions américaines seront-elles levées, le Caesar Act sera-t-il suspendu pour le Liban, les déplacés syriens rentreront-ils dans leur pays, la menace du coronavirus sera-t-elle écartée ? demandent ces sources. Bref, tous les problèmes que subissent actuellement les Libanais seront-ils réglés, surtout en l’absence d’un gouvernement en pleine fonction, sachant que le président du Conseil démissionnaire Hassane Diab a rejeté toute possibilité de renflouer son équipe ? Pour les milieux proches de Baabda, rien n’indique qu’une éventuelle démission du chef de l’État faciliterait les solutions à tous ces problèmes. C’est pourquoi Michel Aoun continuera à assumer ses responsabilités dans les limites des prérogatives que lui donne la Constitution, en attendant que le Premier ministre désigné fasse ce que les proches du palais présidentiel appellent « un pas sérieux » dans le sens de la formation du gouvernement.

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Du côté des milieux du courant du Futur, on dément totalement ces interprétations. Pour eux, Saad Hariri a fait de son mieux pour répondre aux demandes du chef de l’État. Il a même fait des concessions dans ce sens, mais à chaque fois qu’il croyait être sur le point d’aboutir à des résultats concrets, les positions présidentielles changeaient, probablement suite aux interventions du chef du Courant patriotique libre. Gebran Bassil exigerait ainsi de choisir sept des ministres chrétiens d’un gouvernement de 18 membres et de se doter du tiers de blocage, sans plus tenir compte de l’initiative française, basée sur la formation d’un gouvernement de mission comprenant des spécialistes non politisés... Pour les milieux proches du courant du Futur, les obstacles dressés face à la formation du gouvernement seraient donc essentiellement internes et se résumeraient aux exigences du CPL, totalement injustifiées dans une période aussi critique pour les Libanais. Les faucons du courant haririen vont même jusqu’à accuser le camp du chef de l’État de vouloir pousser le Premier ministre désigné à se récuser. Ce qui, selon eux, ne risque pas de se produire.

Ces positions divergentes montrent en tout cas l’étendue du fossé entre les deux parties chargées de former le gouvernement. Le patriarche maronite se trouve donc devant une mission difficile, pour ne pas dire impossible.

Lorsque le chef de l’État a décidé de se rendre à Bkerké pour présenter ses vœux au patriarche maronite Béchara Raï, les deux hommes ignoraient que le Premier ministre désigné devait rentrer à Beyrouth dans la nuit de mercredi à jeudi. Il s’agissait donc d’une visite protocolaire, le président Aoun n’ayant pas assisté à la traditionnelle messe de Noël ni rencontré le...

commentaires (2)

Merci pour la censure

Sissi zayyat

15 h 22, le 08 janvier 2021

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Commentaires (2)

  • Merci pour la censure

    Sissi zayyat

    15 h 22, le 08 janvier 2021

  • LE PATRIARCHE RAI SAIT TRES BIEN QUI SABOTE LA FORMATION D,UN GOUVERNEMENT D,EXPERTS NON PARTISANS MEME S,IL Y A L,EXCEPTION DE SE PLIER A L,ULTIMATUM DU TANDEM CHIITE QUI EXECUTE DES ORDRES IRANIENS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 41, le 08 janvier 2021

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