Le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, a lâché hier plusieurs bombes au cours d’une interview télévisée, affirmant qu’il n’y a quasiment plus rien à faire face à l’emprise de l’Iran sur le Liban. Un constat qui l’a amené à demander au Premier ministre désigné Saad Hariri à se récuser.Dans un entretien accordé à la chaîne MTV, animé par notre confrère Marcel Ghanem, le leader druze a estimé que le Liban se trouve dans une impasse telle qu’il est aujourd’hui préférable qu’« on laisse le Hezbollah et ses alliés gouverner ». « Il ne reste plus rien des principes de la souveraineté et de l’indépendance », a-t-il ajouté, jugeant « complètement inutile une rencontre entre Saad Hariri et le président Michel Aoun dans la mesure où, selon lui, le Liban est devenu une “province iranienne” ». « Nous nous sommes transformés en un territoire servant de lance-missiles pour l’armada iranienne », a déclaré M. Joumblatt en allusion aux propos attribués il y a quelques jours par le commandant en chef des forces aériennes des gardiens de la révolution, Ali Hajji-Zadeh.
« La décision libanaise est désormais hypothéquée. La seule décision qui prime désormais pour le pouvoir en place est la défense de la République iranienne », a ajouté le chef du PSP, qui a regretté que le Premier ministre désigné ait accepté de présenter de nouveau sa candidature, l’appelant à se récuser et préconisant la formation d’un front face à cet axe qu’il a accusé d’avoir anéanti l’identité libanaise. « Personnellement je ne veux pas aller au suicide et refuse de devenir un faux-témoin », a-t-il soutenu, sans toutefois préciser s’il a décidé de suspendre définitivement sa participation au gouvernement et de se placer dans l’opposition. Se remémorant l’époque de la présence armée syrienne au Liban, il a souligné que le pays était « certes sous tutelle syrienne, mais l’État n’avait jamais été annihilé comme il l’est aujourd’hui ».
« Nous ne sommes plus capables de gouverner », a-t-il ajouté, en allusion au camp souverainiste rendu impuissant par la mainmise du camp du 8 Mars sur le pays. Le leader druze a ainsi réitéré la nécessité de laisser ce camp former seul un gouvernement. « Qu’ils assument donc la responsabilité des décisions de guerre ou de paix et de l’effondrement économique », a-t-il dit.Walid Joumblatt s’en est vivement pris à Michel Aoun, estimant que « le président fort » est « la pire catastrophe que le Liban ait connu ». Il a été également critique à l’égard du chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, l’accusant de s’accrocher au tiers de blocage « parce qu’il sait que c’est le gouvernement qui va gérer le pays, si jamais quelque chose arrivait au chef de l’État ».Le chef druze a en outre critiqué ceux qui misent sur l’avènement du nouveau président américain Joe Biden et sur un nouvel accord nucléaire, le Liban ne pouvant que perdre dans ce jeu que mènent les grandes puissances.
Entre-temps, ajoute-t-il, le blocage persiste parce que le chef de l’État, dont la santé est devenue vulnérable, veut absolument garantir à son gendre le tiers de blocage pour que Gebran Bassil puisse avoir les coudées franches en cas de décès de son beau-père.
Walid Joumblatt a évoqué la situation précaire de dizaines de milliers de Libanais qui travaillent dans le monde arabe et dans les pays du Golfe plus particulièrement, et exprimé sa crainte de les voir expulsés de ces pays d’accueil si le Hezbollah devait reprendre sa rhétorique de guerre envers le monde sunnite.
Le leader druze a enfin accusé la « Syrie et ses affidés » d’avoir introduit cette quantité industrielle de nitrate d’ammonium au port de Beyrouth.
Mr Joumblatt, si vous aimez votre pays et non seulement votre communauté, vous devez le défendre et non baisser les bras. Puisque vous êtes un homme politique, c'est votre rôle de tout faire pour arrêter la main mise du Liban par le Hezbollah et de sauver votre pays quitte à mourir pour lui. Donner des entretiens et faire des discours ne mèneront à rien. Vous devez agir et prendre vos responsabilités pour trouver une solution à l'impasse dans laquelle le Liban se trouve.
18 h 52, le 08 janvier 2021