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Société - Droits de la femme

L’amendement de la loi 293 ne tient pas toutes ses promesses

Les associations féministes ainsi que la société civile mettent la lumière sur les limites et les dangers de la dernière mouture du texte sur les violences domestiques, votée au cours de la séance législative de lundi.

L’amendement de la loi 293 ne tient pas toutes ses promesses

Photo prise lors d’un des rassemblements organisés par Kafa pour dénoncer la violence domestique faite aux femmes. Les mannequins représentent des femmes tuées par leur conjoint. Photo d’archives « L’OLJ »

« Nous devons arracher nos droits. Nous ne les obtenons jamais en une seule fois. C’est au compte-gouttes que les responsables nous les accordent. » C’est par ces termes que Leila Awada, avocate et cofondatrice de Kafa, organisation non gouvernementale spécialisée dans les violences contre les femmes, commente les derniers amendements introduits, lors de la séance de lundi, à la loi 293 sur la violence domestique. En novembre 2018, dix députés représentant les différents groupes parlementaires avaient présenté à la Chambre une proposition de loi comportant une série d’amendements de ladite loi élaborée par Kafa, en coopération avec des experts juridiques et le ministère de la Justice. L’ONG s’était basée sur les failles observées sur le terrain lors de l’application de ce texte voté en 2014.

La nouvelle mouture de la loi permet désormais aux femmes victimes de violences de la part de leurs conjoints d’inclure dans la décision de protection leurs enfants âgés de moins de 13 ans, quel que soit l’âge légal de la garde. Les violences économiques et psychologiques ont également été incluses. Les amendements introduits autorisent aussi les mineures victimes de violence domestique à demander une protection juridique sans avoir besoin d’être accompagnées par leur tuteur, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.

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Ces modifications restent toutefois insuffisantes pour les ONG. Kafa met l’accent sur deux points majeurs : les sanctions sur la prostitution et la définition de la violence domestique. « Cette nouvelle loi renforce les sanctions contre les proxénètes, mais aussi contre les femmes prostituées elles-mêmes, alors qu’il fallait les protéger de l’époux ou du père qui les oblige à vendre leur corps, déplore Me Awada. Les parlementaires auraient pu au moins se contenter des sanctions qui prévalaient jusqu’à maintenant. » Une critique partagée par Nizar Saghiyeh, avocat et directeur exécutif de l’Agenda légal. « Le plus grand problème est l’amendement de l’article 523 du code pénal sur l’incitation à la débauche et la prostitution, dit-il. La peine maximale était d’un an. Elle est passée à trois ans. Les femmes victimes de prostitution pourraient être sujettes à des détentions provisoires de quatre mois, ce qui n’était pas le cas quand la sanction était d’un an, car il suffisait parfois de payer une amende. On est en train de mettre les femmes en danger, ce qui est très bizarre dans une loi visant à les protéger de toute forme de violence. »

Contradiction dans les définitions

Concernant le concept de la violence domestique, il était défini dans le texte proposé à la Chambre en 2018 « comme un abus de pouvoir au sein de la famille ». Les législateurs n’ont pas tenu compte de cette clause, estimant que « toute dispute au sein d’un foyer relève de la violence domestique ». « Ce qui n’est pas vrai, puisque, dans la société patriarcale, le rapport de force au sein d’une famille n’est pas équilibré, constate Me Awada. Plus encore, nous avions demandé d’élargir la définition de la famille pour englober en plus l’ex-conjoint parce que nous savons que la violence continue à être exercée sur la femme même après le divorce. Les législateurs ne l’ont pas fait. Ils ont en revanche changé la définition de la violence domestique pour la limiter à la relation entre les époux ou les divorcés. Cela peut créer une confusion dans l’application de la loi parce qu’il y a une contradiction dans la définition de la famille et celle de la violence domestique. »

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Dans son combat pour les droits de la femme, Kafa milite pour faire voter une loi consacrée aux violences contre la femme, et ce pour éviter la contradiction entre certaines dispositions de la loi 293 et celles du code pénal auquel se référent les juges pour déterminer les sanctions. Leila Awada et Nizar Saghiyeh comptent dans ce cadre sur le bon sens des juges. « Depuis que la loi a été votée en 2014, et malgré toutes les failles, de nombreux juges ont interprété de manière positive ses dispositions de manière à protéger les femmes victimes de violence domestique », se félicitent les avocats.

Quelle sera la prochaine étape ? « Nous pourrons travailler sur un nouvel amendement, répond Leila Awada. Entre-temps, nous continuerons à œuvrer, en collaboration avec le ministère de la Justice et la Commission nationale de la femme libanaise, en faveur d’une loi sur toutes les violences faites aux femmes. »

« Nous devons arracher nos droits. Nous ne les obtenons jamais en une seule fois. C’est au compte-gouttes que les responsables nous les accordent. » C’est par ces termes que Leila Awada, avocate et cofondatrice de Kafa, organisation non gouvernementale spécialisée dans les violences contre les femmes, commente les derniers amendements introduits, lors de la séance de lundi, à...
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