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Nos Lecteurs ont la Parole

Le Liban entre la lutte des dieux et le choc culturel

« L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. » (Nelson Mandela)

Les deux acquis les plus précieux du soulèvement du 17 octobre 2019 sont premièrement la marque de la fin de la guerre civile et deuxièmement le rejet catégorique du système confessionnel fatalement déficient. L’héritage de cet événement inédit peut être l’objet de deux lectures diamétralement opposées.

Observant la persistance du discours et de l’esprit confessionnels, l’inertie des responsables politiques face à la pression populaire, l’exacerbation des différentes crises que subissent le pays et devant l’incapacité de juger les responsables de cette tragédie aggravée par la double explosion du 4 août, les positions sont prises. D’un côté, les partisans du pessimisme qui voient le système confessionnel s’imposant inexorablement. Pour eux, il faut l’accepter tel quel avec toutes ses conséquences. Ils retrouvent dans la situation actuelle les mêmes éléments qui avaient conduit à la guerre de 1975 et qui pourraient à n’importe quel moment reproduire le même drame ; c’est le Liban ! Ils baissent les bras !

D’un autre côté, toujours animés par un esprit national anti-système qui caractérisait les débuts du soulèvement populaire spontané, les partisans de l’optimisme insistent sur la poursuite de la lutte. Pour eux, la prise de conscience collective révélée le 17 octobre qui rejetait le système confessionnel et témoignait du dépassement des clivages confessionnels et régionaux est irréversible ; ceux-ci – quoique sans un programme politique – réclament désormais un État garantissant leur bonheur, leurs libertés, et établissant la démocratie, l’égalité, la justice et la transparence dans la gestion des affaires publiques. Dans cette situation fumeuse oscillant entre l’espoir et le désespoir, la réussite à mobiliser les Libanais demeure la seule mesure par excellence assurant la continuité du soulèvement, sachant que l’absence ou l’échec de cette mobilisation constitue la preuve du caractère éphémère de cet événement aux yeux de ses adversaires. Sans réduction aucune de l’importance de cet aspect pragmatique, il importe de mettre en valeur le noyau dur qui fut au cœur du soulèvement du 17 octobre et reste la semence d’un changement positif irrévocable au Liban.

Il est bien établi que la jeunesse était et reste le nerf et le pouls du soulèvement, indépendamment de toute couleur partisane ou confessionnelle, si l’on veut être fidèle à l’esprit original du 17 octobre. C’est bien ce fait qui révélait aux yeux de tout le monde la fin de la guerre civile. Or derrière cette jeunesse réside toute une accumulation des résultats d’une philosophie moderne de l’éducation enracinée en des illustres établissements scolaires et universitaires locaux.Cette philosophie va profondément à l’encontre de la logique du système confessionnel et la société traditionnelle longtemps comprise comme une mosaïque de confessions. Elle s’insère dans une vision évolutive de l’éducation. Elle a pour finalité l’épanouissement de la personne au sein d’une société respectueuse des droits de l’homme et surtout de la dignité humaine. Ainsi, l’évolution de l’éducation dans cette orientation et l’accumulation de ses expériences, quoique utopiques à première vue, ont eu des conséquences énormes avec le temps.

Grâce à cette éducation, le Libanais n’est plus un simple numéro rangé involontairement dans une communauté confessionnelle qui lui désigne son ami et son ennemi. Il n’accepte plus d’être traité par ces concitoyens à partir des préjugés et des stéréotypes à cause de sa confession. Il refuse d’être un simple numéro dans une foule qui place en premier lieu les intérêts de la communauté déterminés par les chefs qu’il faut servir et pour lesquels il faut se sacrifier. Il réalise que sa dignité comme son honneur sont des vertus liées à sa personne comme membre de la famille humaine avant tout autre considération. Il comprend que son pays comme sa religion sont victimes du confessionnalisme.

De même, il réalise qu’il est un individu autonome et un citoyen accordant son allégeance à sa seule patrie. Donc, il manifeste sa répulsion d’une religion se limitant à une simple identité sociale et politique d’un groupe où les gens, par les mêmes gestes et les mêmes mots, adorent Dieu et servent les ambitions et les projets politiques des chefs. Il prend conscience que sa religion est avant tout un respect de son individualité et de l’autre ; un appel à entretenir un rapport unique et irremplaçable avec son Créateur qui est la seule réponse définitive à son mystère. Cette éducation, tout au long des décennies, continue à construire les bases d’une nouvelle culture d’émancipation créant une rupture progressive avec un modèle communautaire qui assujettit l’individu. C’est bien ce changement culturel profond et riche qui met à nu la faillite du système confessionnel marqué par l’appauvrissement culturel et national qui ne fait que plonger le pays dans un engrenage de crises de tout genre. Ces nouvelles idées rejettent la logique communautaire qui asservit l’homme et se présente comme mode unique de régulation de la vie politique et nationale. Ces nouvelles idées forment un individu qui développe un exercice libre de sa volonté, détermine lui-même sa cause dans la vie et nourrit le pouvoir d’agir par soi-même, tissant ainsi un nouveau lien social de nature politique.

Milan Kundera écrit : « La culture, c’est la mémoire du peuple, la conscience collective de la continuité historique, le mode de penser et de vivre. » Ces mots désignent bel et bien la nouvelle culture au Liban qui impose un choc culturel sans précédent ; que les dieux de l’ancien régime ne puissent l’étouffer !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

« L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. » (Nelson Mandela)Les deux acquis les plus précieux du soulèvement du 17 octobre 2019 sont premièrement la marque de la fin de la guerre civile et deuxièmement le rejet catégorique du système confessionnel fatalement déficient. L’héritage de cet événement inédit peut être...

commentaires (1)

Si je peux me permettre d’ajouter a votre excellence analyse, que notre culture a été corrompue par une soumission à la. Notion de cohabitation sans integration ainsi qu’aux impératifs géopolitiques accablantes.

SATURNE

23 h 13, le 15 décembre 2020

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Commentaires (1)

  • Si je peux me permettre d’ajouter a votre excellence analyse, que notre culture a été corrompue par une soumission à la. Notion de cohabitation sans integration ainsi qu’aux impératifs géopolitiques accablantes.

    SATURNE

    23 h 13, le 15 décembre 2020

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