Dans un rapport accablant publié mercredi, l’ONG Amnesty international a dénoncé l'échec "honteux" des autorités libanaises à appliquer la loi contre la torture adoptée en 2017, appellant à offrir "un véritable remède aux survivants de la torture en conduisant des enquêtes rapides, sérieuses et indépendantes et en amenant les responsables devant la justice".
Le Liban a adopté en 2017 une loi anti-torture – selon laquelle la torture est un crime, conformément à la Convention contre la torture ratifiée par le pays en 2000 – mais les ONG continuent régulièrement à documenter des cas de torture, estimant que les autorités n'enquêtaient pas sérieusement sur les affaires qui impliquent les services de sécurité. Une institution a été mise sur pied pour enquêter sur les affaires liées à des violations des droits humains, mais le gouvernement ne lui a toujours pas alloué de budget.
"Survivants de la torture"
Depuis cinq ans, date du dernier rapport d’Amnesty international, "l’impunité demeure", note l'ONG. "Les plaintes pour torture et autres mauvais traitements, dans le cadre de la loi anti-torture de 2017, atteignent rarement les tribunaux et sont pour la plupart closes sans enquête véritable", déplore Amnesty. “Parmi les obstacles à l’imputation de responsabilités, il y a le fait que les enquêtes sont menées par les mêmes agences ou systèmes accusés de torture", estime l'organisation.
"Le Liban a manqué à ses responsabilités vis-à-vis des survivants de la torture", affirme Lynn Maalouf, la directrice régionale d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. "L’échec persistant du système judiciaire à mettre en œuvre la loi anti-torture entrave l’accès des victimes à la justice et à l’obtention de réparations et dissuade les autres de mener ces démarches. Cela envoie aux bourreaux le message qu’ils peuvent continuer à commettre leurs crimes sans en subir les conséquences", affirme la chercheuse. “Les autorités libanaises doivent être tenues responsables des engagements pris lors du rapport de 2015, qu’ils n’ont pas tenus. Nous appelons les autorités libanaises à mettre fin aux pratiques scandaleuses de faire juger les allégations de torture devant des tribunaux militaires (et non civils) et de s’appuyer sur les mêmes agences de sécurité incriminées pour mener les enquêtes", plaide-t-elle.
Double-peine pour les victimes
Parmi 32 plaintes étudiées par l'ONG, deux ressortent et incarnent les défaillances du système judiciaire libanais. C'est d'abord celle de l’acteur libanais Ziad Itani, arrêté à tort pour "espionnage au profit d’Israël" puis relâché. Celui-ci a porté plainte pour torture, dans le cadre de la loi de 2017, il y a deux ans. Son cas a été référé à un tribunal militaire en premier lieu, violant les lois domestiques, dont celle de 2017 contre la torture, et internationales qui exigent que les violations des droits de l'homme soient toujours étudiées par des tribunaux civils. Non seulement ses bourreaux n’ont pas eu à rendre de comptes, mais il est lui-même poursuivi pour "diffamation du prestige de l’Etat, fausses accusations, fabrication de fausses confessions et menace d’officiers" à la suite de messages sur les réseaux sociaux concernant sa détention.
En outre, le 14 août 2020, le chef d’Etat, Michel Aoun, a promu l’un des officiers que M. Itani accusait de torture. "A ma libération, je me suis promis de me battre pour mes droits. Je ne m’imaginais pas que j’aurais à combattre l’appareil d’Etat tout entier, y compris ses médias, ses agences et son système judiciaire", a affirmé l'acteur.
Seconde illustration des défaillances du système : le cas de Hassan el-Diqqa, un Libanais décédé il y a trois ans en détention à la suite de violences et de tortures selon sa famille. Son cas n’a pas fait l’objet d’une enquête, malgré le dépôt de trois plaintes déposées alors qu’il était toujours en vie.
Lire l'intégralité du rapport d'Amnesty International ici
commentaires (5)
Amnesty ne réalise pas que sans torture nos politiciens seraient désœuvrés...
Wlek Sanferlou
19 h 23, le 25 novembre 2020