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Liban - Droits de l’homme

Au Liban, le mécanisme de prévention contre la torture attend toujours

« Le principal obstacle est lié au gouvernement, mais également au budget qui devrait nous être alloué », explique à « L’OLJ » un membre de l’Institut pour les droits de l’homme au Liban.

En matière de respect des droits de l’homme, et notamment de prévention de la torture, le Liban est toujours à la traîne. Photo Bigstock

Souvent épinglé par les organisations internationales en matière de respect des droits de l’homme, le Liban a une nouvelle fois été pointé du doigt, la semaine dernière, dans le rapport annuel régional d’Amnesty International. Répression de la liberté d’expression, droits des femmes, des réfugiés et des minorités... En matière de droits de l’homme, le Liban est épinglé pour de nombreuses violations. Dans son rapport, Amnesty reproche également aux responsables libanais de n’avoir rien mis en œuvre depuis l’adoption, en septembre 2017, de la loi contre la torture. « L’Institut international pour les droits de l’homme, mandaté pour superviser la mise en application de cette loi, est toujours inactif, le gouvernement n’ayant pas alloué de budget indépendant à cette institution et n’ayant pas nommé les cinq membres requis pour former le mécanisme international de prévention contre la torture », souligne l’organisation.

Créé en mai 2018, l’Institut pour les droits de l’homme au Liban (auquel une commission pour la prévention de la torture devrait être rattachée) n’a toujours pas pris ses fonctions, en raison de la léthargie du gouvernement précédent et de la paralysie qui a touché le pays pendant les neuf derniers mois, avant qu’un nouveau gouvernement ne soit finalement mis en place. Formé de dix membres issus des domaines de la médecine, du judiciaire et de la société civile (l’ancien juge Khalil Abou Rjeily, l’enseignant universitaire Ali Youssef, la psychiatre Josiane Skaff, le médecin légiste Bilal Sablouh, les avocats Raymond Medlej et Rana el-Jamal, les activistes Fady Gergès, Rida Azar et Bassam Kantar), l’Institut pour les droits de l’homme attend tout d’abord que le gouvernement veuille bien choisir cinq de ses membres pour former une commission de prévention de la torture puis qu’il avalise son budget…

« Un premier signe de bonne volonté de la part du gouvernement serait de nommer la commission en question. Tant qu’il ne le fait pas, c’est qu’il nous cache quelque chose », estime Bassam Kantar, un des membres de l’Institut. « Le principal obstacle est lié au gouvernement et aux démarches administratives, mais également au budget qui devrait nous être alloué. Les responsables répètent que le gouvernement va se serrer la ceinture et lutter contre les gaspillages... J’espère que cela ne va pas se faire aux dépens de notre travail. Nous avons besoin de 4 à 5 millions de dollars par an pour pouvoir fonctionner », souligne-t-il dans un entretien avec L’Orient-Le Jour.

« Normalement, la commission chargée de la prévention de la torture doit être formée de personnes qualifiées en médecine, pour qu’elles puissent travailler sur les allégations de torture, d’un avocat spécialiste en droit pénal et d’activistes dans le domaine des droits de l’homme », explique M. Kantar à L’OLJ.

Dans son rapport annuel régional publié mardi dernier, Amnesty International accuse également les différents appareils sécuritaires libanais d’avoir « arrêté et interrogé de nombreux défenseurs des droits de l’homme, des militants politiques pacifiques et des personnes ayant critiqué des responsables politiques, religieux et économiques sur les réseaux sociaux ». Les droits des personnes arrêtées ont été violés, ajoute le rapport, et lors des interrogatoires, leurs données personnelles ont été consultées sans autorisation. « De nombreux militants arrêtés ont été la cible de chantage et ont été obligés de s’engager à ne plus participer à certaines activités, en échange de leur libération », affirme le rapport.


(Lire aussi : Ziad Itani : Je resterai mobilisé jusqu’à l’application de la loi contre la torture)


Une commission requise dans le cadre de... CEDRE
L’Institut pour les droits de l’homme n’aurait pas vu le jour si ce n’était pour la conférence de Paris dite CEDRE, selon une source bien informée contactée par L’OLJ. « Le respect des droits de l’homme au Liban est une priorité pour la communauté internationale. La mise en place du mécanisme de prévention de la torture est une des conditions requises par les pays donateurs pour que le Liban puisse bénéficier des aides internationales », révèle la source.

Toujours selon cette source, la nécessité de mettre en place une commission de lutte contre la torture avait été placée en tête de l’ordre du jour de la première réunion de travail tenue par l’ambassadrice de l’Union européenne, Christina Lassen, en présence du Premier ministre et des ambassadeurs européens, après la formation du cabinet.

« La balle est dans le camp du gouvernement, nous avons fait pression et demandé au secrétariat général de la présidence du Conseil de créer cette commission contre la torture au plus vite. La décision doit venir du Premier ministre, Saad Hariri. C’est la porte d’entrée pour que tout ce mécanisme devienne actif. La décision doit être prise lors de la prochaine réunion du Conseil des ministres. L’État est très en retard par rapport à ce processus, voilà pourquoi Amnesty International en a parlé », poursuit Bassam Kantar.

« Nous sommes à la traîne et il faut à tout prix éviter une tragédie comme celle de Ziad Itani. Le Liban n’a pas le choix : encore un incident et tout peut s’écrouler », souligne-t-il. Arrêté en novembre 2017 pour allégations de collaboration avec Israël, le dramaturge Ziad Itani dit avoir été torturé pendant sa détention, ce qui avait provoqué la colère de Human Rights Watch et Amnesty International.

« Nous travaillons dans tous les centres où les gens sont privés de leur liberté, à savoir les commissariats, les prisons, les orphelinats, les maisons de repos et les hôpitaux psychiatriques. Si notre commission était déjà active, nous serions intervenus dans le cas de l’hôpital psychiatrique al-Fanar », indique M. Kantar, en référence à cet établissement médical du sud du Liban qui a été secoué il y a quelques semaines par un scandale sanitaire.


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