À ce jour, la loi sur le « dollar étudiant », permettant de transférer un montant annuel maximal de 10 000 dollars sur base de 1 515 livres libanaises pour un dollar à tout étudiant inscrit dans des universités ou des instituts techniques supérieurs à l’étranger n’est toujours pas entrée en application. Dans un contexte de crise économique et financière inédite, et à l’ombre de restrictions bancaires asphyxiantes datant de plus d’un an, la loi avait finalement été adoptée le 16 octobre suite à la pression exercée par l’Association des parents d’élèves libanais étudiant à l’étranger. Même si elle ne permet de couvrir qu’en partie les frais d’université, de logement et de la vie quotidienne, elle avait été accueillie avec un certain soulagement par les parents. Or de nombreuses banques refusent d’effectuer les moindres virements aux étudiants à l’étranger, poussant l’Association des parents à multiplier leurs mouvements de contestation. Un énième sit-in devant le siège de la Banque du Liban (BDL) a été organisé hier à Beyrouth, au cours duquel les manifestants ont bloqué la route pendant une heure, provoquant des échauffourées avec les forces de l’ordre.
Dans les milieux bancaires, on affirme qu’en adoptant la loi, les députés ont renvoyé la patate chaude à la BDL et aux banques, alors que celles-ci n’ont plus de réserves dans leurs caisses. Les parents des étudiants imputent au contraire l’insatisfaction de leurs revendications aux atermoiements du gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, dans l’application de la loi. Après le sit-in, des représentants de l’Association des parents ont d’ailleurs tenu une conférence à l’ordre de la presse, dénonçant « la procrastination dans l’exécution de la loi et ses répercussions sur l’avenir des étudiants », avant de faire assumer à M. Salamé « la responsabilité entière du préjudice subi par les étudiants à cause de ce louvoiement ». Parmi les autres intervenants, plusieurs députés, notamment Ghazi Zeaïter, Mohammad Nasrallah (mouvement Amal), Ihab Hamadé (Hezbollah), Salim Aoun (CPL), Ali Darwiche (groupe parlementaire de Nagib Mikati), ainsi que le président du Conseil national de l’audiovisuel Abdel Hadi Mahfouz et le président de l’ordre de la presse Aouni el-Kaaki. Ils ont également insisté sur « la nécessité de contraindre le gouverneur de la Banque du Liban à se conformer à la loi du dollar étudiant ». Les participants à l’événement ont souligné être dans l’attente des résultats de la réunion de M. Salamé avec le ministre des Finances Ghazi Wazni au sujet du mécanisme d’exécution de la loi, souhaitant que cette réunion aboutisse à une note qui obligerait les établissements bancaires à libérer les montants dus. C’est que lundi, la BDL avait annoncé qu’elle allait évoquer ce mécanisme avec le ministre le plus rapidement possible pour clarifier tous les aspects de la loi.
« Où est-il, le dollar ? »
Du côté des établissements bancaires, on justifie la réticence à débloquer l’argent des déposants en évoquant « une loi bâclée ». Une source proche de l’Association des banques (ABL) affirme à L’Orient-Le Jour que lorsque les représentants de l’Association des parents s’étaient réunis avec des députés en vue d’établir le dollar étudiant, ils n’avaient pas bien coordonné avec la BDL pour savoir si la loi était réalisable. La source rapporte qu’en réaction à l’adoption de la loi, le président de l’ABL Salim Sfeir s’est demandé : « Où est-il, le dollar étudiant ? », traduisant une réalité, à savoir le manque de liquidités disponibles. Un autre banquier évoque une loi « populiste rédigée à la va-vite et en quelques lignes ». Il affirme à L’OLJ qu’« elle ouvre la voie à des abus », citant plusieurs failles qui l’entachent. « Outre aux clients des banques, elle profite aux personnes qui ne possèdent pas de comptes bancaires », déplore-t-il, soulignant que « les banques sont exposées à accepter de nouveaux déposants qui pourraient être poursuivis par des institutions internationales, comme l’OFAC (Office of Foreign Assets Control, Bureau de contrôle des avoirs étrangers) ou nationales, comme la Commission spéciale d’investigation (CSI) ». Une autre faille est l’absence d’un mécanisme qui empêcherait un parent d’effectuer des virements à partir de plusieurs banques dans lesquelles il posséderait des comptes. En outre, note le banquier interrogé, la loi n’interdit pas aux parents non résidents de faire profiter leurs enfants du dollar étudiant, leur permettant ainsi de contourner les restrictions bancaires. Il déplore par ailleurs que le taux applicable pour les transferts d’un compte en livres libanaises est de 1 515 livres pour un dollar, alors que les déposants peuvent retirer leurs dollars au taux de 3 900 LL.
Contacté par notre journal, Ibrahim Kanaan, président de la commission parlementaire des Finances et du Budget, note qu’à l’instar de nombreuses lois, la loi du dollar étudiant n’a pas été appliquée. Il souligne qu’il compte convoquer les représentants de la BDL et de l’ABL lors de la prochaine séance de la commission prévue la semaine prochaine pour tenter de trouver avec eux une solution à la question. Ce qui fait dire à une source proche de l’ABL que plutôt que de s’évertuer à rechercher des solutions partielles (dollar étudiant, subventions du blé, du carburant et des médicaments…), le vrai remède réside dans la formation rapide d’un gouvernement qui aménagerait un programme avec la BDL et l’ABL pour établir un projet de sauvetage à négocier avec le Fonds monétaire international (FMI). Lorsque ce projet sera exécutoire, tous les problèmes seront réglés, martèle la source précitée.
Est ce que la BDL est un pays autonome à part ou un état dans les deux états. De quoi s’agit il au juste? depuis quand une banque fait la loi dans un pays? De qui reçoit il les ordres le Salamé? Quelqu’un peut nous expliquer ce qui se passe dans ce pays bordélique où tout le monde s’est proclamé chef d’état et s’autorise à paralyser le pays quand ça le chante?
16 h 35, le 04 novembre 2020