Les Forces libanaises de Samir Geagea et le Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt ont réagi vendredi aux propos tenus la veille par l'ex-Premier ministre Saad Hariri, qui avait annoncé lors d'une interview télévisée se porter candidat à la présidence du Conseil. Les FL ont ainsi dénoncé des "déformations de la vérité" sur plusieurs sujets, alors que le PSP a démenti des affirmations de M. Hariri au sujet de l'attribution du ministère des Finances à la communauté chiite. Les FL, le PSP et le courant du Futur de Saad Hariri sont normalement situés du même bord de l'échiquier politique libanais, mais les relations entre eux se sont tendues ces derniers mois.
Suite à un premier échec de la formation d'un nouveau gouvernement, devant remplacer celui de Hassane Diab, qui expédie les affaires courantes depuis août, le président libanais, Michel Aoun, a convoqué le 15 octobre des consultations parlementaires contraignantes pour désigner un nouveau Premier ministre. C'est dans ce cadre que M. Hariri avait annoncé hier soir se porter candidat à ce poste, après avoir démenti toute intention à ce sujet pendant plusieurs semaines. Les tractations que menaient l'ex-Premier ministre désigné Moustapha Adib pour former le cabinet ont notamment buté sur la question du ministère des Finances et la nomination des ministres chiites, le tandem Hezbollah-Amal réclamant qu'une personnalité de cette confession soit nommée à la tête des Finances alors que les autres formations insistaient sur l'importance d'une rotation des portefeuilles entre les différentes communautés. Le tandem chiite réclamait également de pouvoir nommer lui-même les ministres chiites, alors que M. Adib souhaitait mettre sur pied un gouvernement totalement indépendant des parties politiques.
"C'est faux"
A ce sujet, Walid Joumblatt a démenti à L'Orient-Le Jour les affirmations de Saad Hariri selon lesquelles le leader druze lui aurait demandé, lors d'un entretien téléphonique, de laisser "pour toujours" le portefeuille des Finances à la communauté chiite. "C'est faux, je n'ai jamais demandé à Saad Hariri de laisser pour toujours les Finances à la communauté chiite", a-t-il dit.
Cette affirmation avait déjà été démentie plus tôt dans la journée par le député Waël Bou Faour, membre du PSP. "Peut-être que M. Hariri a été confus", a souligné l'ancien ministre, qui a précisé que l'entretien entre MM. Joumblatt et Hariri au sujet du portefeuille des Finances avait eu lieu sur son propre téléphone portable. "Walid Joumblatt n'a pas donné les Finances aux chiites de manière permanente. Sa proposition consistait à établir une distinction entre les droits "constitutionnel, traditionnel et politique" entourant ce portefeuille, et le fait de ne pas consacrer une coutume octroyant un ministère à une certaine communauté de manière permanente", a ajouté M. Bou Faour lors d'une émission télévisée. Le député druze a encore souligné que la question de la désignation du futur Premier ministre par le bloc parlementaire joumblattiste devrait être débattue lors d'une réunion.
Au cours des différents contacts entourant la formation du cabinet, Saad Hariri avait proposé une médiation consistant à laisser, pour une fois, le portefeuille des Finances à un ministre chiite, qui serait choisi par le Premier ministre désigné. Cette initiative avait été rejetée avec virulence par le tandem chiite.
"Déformations de la vérité"
En outre, dans un communiqué, le bureau de presse des FL a critiqué de nombreuses déclarations faites la veille par M. Hariri, pointant du doigt des "déformations de la vérité". Les FL ont commencé par démentir ce que l'ancien Premier ministre avait dit au sujet des "obstacles" rencontrés par les gouvernements précédents qui auraient été dus notamment aux divergences entre le parti de Samir Geagea et le Courant patriotique libre (CPL, aouniste). Selon les FL, ces obstacles, notamment en ce qui concerne le secteur de l'électricité, sont dus au fait que Saad Hariri refusait, tout comme l'ancien ministre de l'Energie Gebran Bassil, le lancement d'appels d'offres par le biais de la direction des adjudications pour la construction de nouvelles centrales et "insistait sur la solution des navires-centrales" loués par l'Etat libanais. Les FL ont par ailleurs démenti tout "accord passé sous la table" avec le CPL concernant les nominations administratives, comme l'avait affirmé Saad Hariri jeudi.
Le parti de Samir Geagea a encore affirmé ne pas avoir désigné Saad Hariri lors des consultations parlementaires ayant suivi la démission de ce dernier, dans la foulée du mouvement de contestation populaire du 17 octobre, dans une volonté de respecter l'opinion de "la majorité populaire" après ce soulèvement. "Le fait que le tandem chiite tienne tellement à désigner M. Hariri à la tête du futur cabinet devrait pousser l'ancien Premier ministre à se poser des questions sur les motivations" du Hezbollah et du mouvement Amal, a ajouté le bureau de presse du parti.
"Pas d'anticipation" de Baabda
Pour sa part, le palais présidentiel n'a pas souhaité commenter les déclarations de Saad Hariri, notamment en ce qui concerne sa candidature à la présidence du Conseil. "Nous attendons que les choses se concrétisent du côté de M. Hariri, notamment via ses contacts avec les différentes formations", a affirmé une source à Baabda à la chaîne de télévision locale LBCI. "Nous attendons les résultats des consultations parlementaires, sans anticipation", ajoute cette source.
Par ailleurs, le courant du Futur a indiqué dans la journée, selon des informations de la LBCI, qu'aucun "mécanisme de communication" entre lui et les différentes formations politiques n'avait encore été mis en place. "Mais il est certain que ces contacts débuteront la semaine prochaine et engloberont tous les blocs parlementaires" qui étaient présents à la Résidence des Pins, lors de la réunion des chefs de file avec le président français, Emmanuel Macron, le 1er septembre à Beyrouth. La LBCI souligne que ces contacts pourraient être menés "soit personnellement par Saad Hariri, soit par un de ses représentants". "Le plus important est de relancer les contacts" entre les différentes forces politiques et de mettre un terme à l'immobilisme politique en vigueur depuis la récusation de Moustapha Adib afin de revitaliser l'initiative française, ont affirmé les sources citées par la chaîne.
commentaires (12)
Amal, CPL, FL, Futur, Hezbollah, PSP.... doivent tous être dissous pour en finir tout simplement de ces polichinelles
Lecteur excédé par la censure
09 h 32, le 10 octobre 2020