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Culture - Webinaire

« Les musées du Liban sont riches par leurs collections, mais petits par leurs moyens »

Dans le cadre de l’action de l’Unesco pour le Liban, le second débat virtuel « ResiliArt Lebanon : musées et galeries d’art pour le retour de la vie culturelle à Beyrouth » a réuni des professionnels libanais des musées et des galeries d’art afin de discuter des défis auxquels ils sont confrontés, échanger des idées, et plaider pour un soutien et un changement durable.

« Les musées du Liban sont riches par leurs collections, mais petits par leurs moyens »

Le webinaire de l’Unesco, modéré par Lazare Eloundou Assomo, directeur pour la culture et des situations d’urgence à l’Unesco, a réuni Sahar Baassiri, ambassadrice du Liban auprès de l’Unesco, Anne-Marie Afeiche, directrice du musée national de Beyrouth et directrice générale du conseil général des musées du Liban, Zeina Arida, directrice du musée Sursock, Suzy Hakimian, présidente du comité national de l’ICOM Liban, ainsi que Joumana Asseily (galerie Marfa’), Naila Kettaneh Kunigk (galerie Tanit), Saleh Barakat (Saleh Barakat Gallery et Agial) et Andrée Sfeir-Semler (galerie Sfeir-Semler). Photo capture d’écran de la vidéo partagée sur YouTube

Le second débat en ligne RésiliArt Liban, intitulé « Les musées et galeries d’art pour le retour à la vie culturelle à Beyrouth », modéré par Lazare Eloundou Assomo, directeur pour la culture et les situations d’urgence à l’Unesco, a réuni Sahar Baassiri, ambassadrice du Liban auprès de l’Unesco, Anne-Marie Afeiche, directrice du musée national de Beyrouth et directrice générale du conseil général des musées du Liban, Zeina Arida, directrice du musée Sursock, Suzy Hakimian, présidente du comité national de l’ICOM Liban, ainsi que Joumana Asseily (galerie Marfa’), Naila Kettaneh Kunigk (galerie Tanit), Saleh Barakat (Saleh Barakat Gallery et Agial) et Andrée Sfeir-Semler (galerie Sfeir-Semler).

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« Votre détermination à poursuivre vos efforts, à toujours aller de l’avant est exceptionnelle, a déclaré Sahar Baassiri en introduction. Nous nous efforcerons de toujours travailler avec vous afin que Beyrouth se relève. Notre Beyrouth restera un trésor local de diversité, un creuset de créativité, un symbole international de dialogue par le biais de l’art et la culture. »

Suzy Hakimian : « Rétablir ce pont culturel »

Conservatrice jusqu’en 2010 du musée national de Beyrouth et actuellement du musée des minéraux, Suzy Hakimian, également présidente du comité de l’ICOM au Liban, a insisté sur le lien viscéral qu’entretiennent les musées avec la société. « Les musées libanais sont riches par leurs collections, mais petits par leurs moyens. Ils appartiennent à cette société et ils se doivent à elle. La crise économique a d’abord entraîné la rareté de notre public et surtout du public scolaire. Le Covid-19 nous a contraints à fermer nos portes. Après le 15 juin, les musées localisés sur les campus universitaires sont restés confinés, puis l’explosion du 4 août a endommagé 8 musées importants. Il faut d’abord reconstruire pour rétablir ce pont culturel, qui permet aux sociétés de s’exprimer et de continuer à exister. De l’Unesco, j’attends une politique culturelle, une sérieuse prise en main pour retrouver le Beyrouth qui fait notre richesse. Mais je reste très optimiste quant à cette dynamique de reconstruction », a conclu Suzy Hakimian.

Anne-Marie Afeiche : « Le danger d’être relégués à un plan secondaire »

Pour Anne-Marie Afeiche, directrice générale du musée national et du conseil des musées du Liban, le danger se situe à un autre niveau : « C’est vrai, dit-elle, que nous allons reconstruire, mais demeure le problème de l’éducation et de la vulnérabilité », a-t-elle indiqué. Pour elle, « le musée a un rôle de cohésion sociale, un impact essentiel sur les élèves, et peut contribuer à développer le sentiment de citoyenneté et d’appartenance. Aujourd’hui, face à cette catastrophe humanitaire, à cette crise sociale unique, je crains que les musées et le reste de la vie culturelle ne soient relégués à un plan secondaire. Ils ne seront plus une priorité et le secteur culturel risque de sombrer dans une profonde léthargie ». Pour elle, il y a deux impératifs : « D’une part, protéger notre collection et, d’autre part, activer la promotion culturelle avec une politique axée sur le dialogue et la réflexion commune. »

Zeina Arida : « Sept ans de labeur partis en poussière »

Zeina Arida, directrice du musée Sursock dédié à l’art contemporain, depuis sa réouverture en 2015, a déploré la gravité des dégâts de l’établissement qu’elle prend à cœur et à corps de réhabiliter. « Le plus difficile, dit-elle, c’est de voir sept ans de labeur partir en poussière. » « La société libanaise a été privée de ce musée durant 10 ans (lors de sa fermeture pour rénovation). Nous avons mis deux ans, mon équipe et moi, à travailler, concevoir et revisiter le rôle du musée Sursock sur la scène culturelle, avant sa réouverture. Aujourd’hui, nous avons plus de 50 œuvres endommagées, les réserves du musée n’ont pas été touchées. Malgré le choc, nous étions dès le lendemain matin sur le pied de guerre. Nous avions la responsabilité des œuvres abandonnées à ciel ouvert qu’il fallait protéger. L’expression de la solidarité internationale et locale a été très bénéfique. Je suis dans l’action malgré le sentiment de frustration de recommencer à zéro. Mon souhait est que l’aide financière concerne l’ensemble du secteur culturel. Un secteur très en péril… ».

Saleh Barakat : « L’identité levantine est en danger »

Pour Saleh Barakat, galeriste spécialisé dans la peinture libanaise, arabe et moyen-orientale, les défis que les galeries et les musées ne cessent de relever ne datent pas de l’après-4 août, mais bien d’avant. « La révolution du 17 octobre, suivie de la crise économique, de la pandémie du Covid-19, qui nous a obligés à fermer nos portes... Malgré toutes ces contraintes, affirme le propriétaire des galeries Agial et Saleh Barakat, je n’ai jamais cessé de penser à la survie de mes employés qui m’accompagnent depuis 20 ans et à œuvrer afin qu’ils ne manquent de rien. L’explosion du 4 août a démoli ma galerie, mais m’a privé d’un de mes plus fidèles employés, décédé alors qu’il était en route sur le chemin du port. J’étais dévasté et aucune perte matérielle n’a plus eu, face à ce deuil, de l’importance. On recommence, mais on ressent beaucoup de colère et on craint pour cette plate-forme multiconfessionnelle, multiculturelle, qu’on appelle Beyrouth. L’identité levantine est en danger, martèle Saleh Barakat. Le rôle de l’Unesco est d’abord d’aider les galeries à se remettre sur pied, mais surtout de penser à l’écosystème. Les critiques d’art, les collectionneurs, les restaurateurs, toute cette communauté qui gravite autour de nous et que nous avons tendance à oublier... »

Joumana Asseily : « Nous sommes très fatigués »

Joumana Asseily travaille avec de jeunes artistes locaux et les aide à nouer des liens avec les artistes internationaux. Elle a inauguré sa galerie Marfa’ en 2015 et avoue avoir eu des années formidables du point de vue de la créativité et de la production. « Mais petit à petit, on a vu les choses se dégrader, témoigne-t-elle. Il devenait difficile de produire des œuvres, de voyager avec le Covid-19, toutes les foires ont été annulées, c’était un étranglement, comme si la lumière s’éteignait petit à petit pour nous laisser finalement dans l’obscurité la plus totale. » Étant située en plein cœur de la zone portuaire, la galeriste est d’abord reconnaissante de n’avoir pas subi de pertes physiques ni de blessures graves, mais avoue être épuisée mentalement et physiquement. « Nous avons eu plus de 20 œuvres endommagées, heureusement que mon stock n’était pas sur place. Les artistes sont sous le choc, un grand nombre est parti. Pour moi, chaque artiste est un cas particulier que j’essaie de gérer au jour le jour. Je ne sais pas quand je vais reconstruire... »

Andrée Sfeir-Semler : « Le plus brutal, c’est l’exode »

« Je voudrais que nous puissions nous remettre sur nos propres pieds », lance Andrée Sfeir-Semler, et, s’adressant aux dirigeants de l’Unesco : « Libérez-nous et donnez la possibilité au peuple de s’articuler. Libérez-nous et donnez-nous des ailes, nous voulons être les acteurs de notre propre développement, pas seulement les bénéficiaires », a déclaré la propriétaire de la galerie Sfeir-Semler qui a également exprimé son inquiétude face à l’exode massif des Libanais.

Naila Kettaneh Kunigk : « Aider les autres avant nous-mêmes »

Très endommagée par l’explosion du 4 août, la galerie Tanit a vu tout l’accrochage de son artiste Abed el-Kadiri enterré sous les débris. « Une équipe d’amis et de collaborateurs se sont portées volontaires pour évacuer les œuvres du sous-sol et des réserves qui avaient été très touchées, raconte Naila Kettaneh Kunigk. Bilan : une soixantaine d’œuvres détruites. Après le 4 août, Abed el-Kadiri a réalisé deux grandes toiles au bénéfice de l’ONG Bassma. Aujourd’hui, avant de réfléchir au travail, chacun de nous doit se reconstruire et examiner ses priorités. Nous n’avons aucun support financier de la part de l’État, alors plutôt que d’accrocher des lampes, je préfère aider mes artistes et les ONG, en attendant de voir dans quelle direction les artistes et nous-mêmes allons nous orienter », a affirmé la galeriste avant de laisser les participants méditer sur sa conclusion, oh combien vraie : « Sans la jeunesse d’aujourd’hui, pas de culture. »


Le second débat en ligne RésiliArt Liban, intitulé « Les musées et galeries d’art pour le retour à la vie culturelle à Beyrouth », modéré par Lazare Eloundou Assomo, directeur pour la culture et les situations d’urgence à l’Unesco, a réuni Sahar Baassiri, ambassadrice du Liban auprès de l’Unesco, Anne-Marie Afeiche, directrice du musée national de Beyrouth et...

commentaires (2)

les musées ,la culture en général, une image instantanée d'une société ;J.P

Petmezakis Jacqueline

09 h 24, le 22 septembre 2020

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Commentaires (2)

  • les musées ,la culture en général, une image instantanée d'une société ;J.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 24, le 22 septembre 2020

  • "... Les musées du Liban sont riches par leurs collections, mais petits par leurs moyens ..." -.- Il y a surtout de plus en plus de ruines...

    Gros Gnon

    04 h 20, le 22 septembre 2020

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