Rechercher
Rechercher

Économie - Réglementations

Crise, sinistre, rapatriement de fonds : la BDL hyperactive

La circulaire n° 568 permet aux clients des banques libanaises de payer ou solder, à certaines conditions, les mensualités des prêts en devises qu’elles ont contractées en livres libanaises à la parité officielle.

Crise, sinistre, rapatriement de fonds : la BDL hyperactive

La Banque du Liban a publié hier quatre circulaires liées à la crise économique et financière, ainsi qu’au financement des réparations des dégâts dus à la double explosion au port de Beyrouth du 4 août. Jamil Saïdi/Reuters

La Banque du Liban (BDL) a publié hier quatre nouvelles circulaires intervenant dans différents domaines aussi bien liés à la crise économique et financière que traverse le pays depuis août dernier qu’au financement des réparations des dégâts provoqués par la double explosion survenue le 4 août au port de Beyrouth – qui a coûté la vie à plus de 180 personnes et causé plusieurs milliards de dollars de dégâts. Une série de dispositifs qui ont suscité l’incompréhension chez certains banquiers qui les jugent difficiles à mettre en œuvre et encore plus dommageables pour la confiance envers le secteur bancaire, déjà réduite à néant, notamment en raison des restrictions illégales et arbitraires que subissent les déposants depuis un an et la dépréciation spectaculaire de la livre sur cette période. « Il manque beaucoup de précisions pour parler d’une disposition complète et réfléchie », constate un des banquiers interrogés, sous couvert d’anonymat. « La BDL sort même du domaine de sa compétence concernant certaines dispositions, notamment celle concernant le rapatriement des fonds », relève un autre. Le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, a indiqué hier à Reuters « qu’il est impossible de déterminer jusqu’à quand la banque centrale pourra subventionner les importations de denrées de base ». La BDL finance en effet les importations de blé, de carburant et de médicaments au taux de 1 507,5 livres selon la circulaire n° 530 datant d’octobre 2019. Riad Salamé a également confirmé que « les réserves en devises de la banque centrale s’élèvent à 19,5 milliards de dollars (dont) 17,5 milliards de dollars de réserves obligatoires ».

Prêts en devises

La circulaire (intermédiaire) n° 568 permet aux clients des banques libanaises de payer ou solder, à certaines conditions, les mensualités des prêts en devises qu’elles ont contractées en livres libanaises et à la parité officielle, soit 1 507,5 livres pour un dollar. La mesure s’adresse uniquement aux clients – personnes physiques – résidant au Liban et qui n’ont pas de compte en devises dans l’établissement où ils ont contracté le prêt. Ce dernier peut être soit un prêt personnel inférieur à 100 000 dollars – sans préciser explicitement si les montants engagés via les cartes de crédit sont inclus –, ou un prêt immobilier inférieur à 800 000 dollars. La banque ne devrait pas en principe refuser cette possibilité à un client qui a un compte en devises dans une autre banque. Les clients non résidents sont, eux, tenus de régler leurs crédits en devises en « fonds frais ». La circulaire exclut enfin les « crédits pour le secteur commercial » qui doivent être remboursés dans la monnaie dans laquelle ils ont été contractés.

Lire aussi

Un an de crise : quand sonne le glas des droits des déposants libanais

Pour rappel, les « fonds frais » se réfèrent à ceux qui ont été déposés en espèces ou transférés depuis l’étranger sur un compte spécial au Liban et dont les titulaires peuvent disposer librement, par opposition aux comptes en devises en « dollars libanais », qui sont soumis à d’importantes restrictions. Il est par exemple impossible de retirer des dollars en espèces à partir d’un compte en « dollars libanais » comme il est devenu quasiment impossible de s’en servir pour transférer de l’argent à l’étranger. Les clients peuvent cependant retirer en livres à un taux qui est actuellement de 3 900 livres pour un dollar – un niveau équivalent à celui imposé aux agents de change agréés. La circulaire n° 568 entre enfin en vigueur alors que certains établissements ont récemment imposé à leurs clients de rembourser une partie des montants engagés via leur carte de crédit en « dollars libanais ». Ceux qui n’ont pas de compte en devises se sont vu proposer un échéancier pour payer en livres l’équivalent des dollars libanais dus, le tout avec des intérêts, une pratique fondamentalement illégale.

Reconstruction des biens-fonds

La circulaire intermédiaire n° 569 amende un précédent texte (circulaire principale n° 152) adopté après la tragédie du 4 août. La BDL avait alors permis aux entreprises comme aux particuliers dont les biens-fonds (logement, locaux commerciaux, etc.) ont été totalement ou partiellement détruits de bénéficier de prêts à 0 % pour financer leur réhabilitation ou leur reconstruction. Selon la circulaire d’origine, ces crédits libellés en dollars peuvent être contractés par les personnes éligibles via leurs banques et seront remboursables sur cinq ans maximum à partir du 31 octobre prochain.La mise à jour publiée hier ajoute une précision : les clients qui auraient souscrit à ce type de prêt devront utiliser toutes les aides financières qu’ils pourraient recevoir – que ce soit les primes versées par leurs assurances, les aides internationales ou encore celles débloquées par le Haut Comité de secours – pour rembourser tout ou partie des montants prêtés via la circulaire n° 569. Le texte ne dit rien s’agissant d’éventuelles déductions dans le cas où la personne a bénéficié d’une aide non financière – réparation financée par une ONG internationale ou locale, par exemple.La circulaire n° 569 précise que le client peut demander de payer en livres et au taux imposé aux agents agréés (via l’application Sayrafa) de rembourser jusqu’à l’équivalent de 15 000 dollars du prêt contracté à 0 % en une fois et en une opération unique.Le dispositif des prêts au taux de 0 % prévu par la circulaire n° 152 avait été critiqué au moment de sa publication par plusieurs associations professionnelles dont des membres ont été durement touchés par la double explosion du 4 août, ces derniers estimant, à l’image du syndicat des hôteliers, qu’elle revenait à faire assumer le coût de la reconstruction aux victimes plutôt qu’à l’État, jugé responsable de la catastrophe par une importante partie de l’opinion publique. Selon plusieurs sources bancaires, « aucun prêt » à 0 % n’a encore été octroyé par les établissements du pays.

Fonds envoyés à l’étranger

La disposition la plus singulière de cette série est sans doute introduite par la circulaire principale n° 154, dont le but affiché est de « refaire fonctionner les banques » du pays paralysées par leurs problèmes de liquidités – liés notamment au défaut de paiement de l’État sur ses obligations en devises (eurobonds) et l’insuffisance actuelle des réserves en devises de la BDL pour honorer ses obligations dues aux banques (certificats de dépôts notamment). À travers ce texte, la BDL appelle les banques locales à demander à leurs clients qui ont transféré plus de 500 000 dollars à l’étranger entre le 1er juillet 2017 et hier pour les convaincre de rapatrier au moins 15 % de ces montants dans un compte bloqué pendant cinq ans. Les banques devront ensuite déposer ces montants en devises à la BDL. Dans les deux cas, la circulaire ne donne aucune précision concernant le montant des intérêts perçus par le client ou les banques, ni en quelle monnaie ils seront versés. Entre 2016 et 2019, une grande partie des ingénieries financières ont eu lieu. La mesure fixe à 30 % le ratio de fonds à rapatrier pour les membres des conseils d’administration des banques, les grands actionnaires ou encore les personnes politiquement exposées, une réponse aux rumeurs et informations indiquant que plusieurs milliards de dollars ont été sortis du pays pendant la crise. La même circulaire dispense en outre les déposants qui souhaitent souscrire à cette démarche d’obtenir un « certificat d’enregistrement » délivré par le ministère des Finances comme l’impose un précédent texte qu’elle avait publié en septembre 2019. La même circulaire énumère d’autres règles. La BDL demande par exemple aux banques de réauditer leurs comptes – une décision sans doute prise en raison des réserves émises par les cabinets d’audit chargés de valider les bilans de certaines banques pour l’année 2019. Les banques peuvent enfin proposer aux déposants d’échanger les fonds rapatriés contre des actions « spéciales » qui pourront être échangées à la « Bourse du Liban », sans préciser s’il s’agit d’une nouvelle structure ou de l’actuelle Bourse de Beyrouth. Dans le cas où ses actions sont achetées, les fonds peuvent être à nouveau transférés à l’étranger. De plus, le texte reporte l’obligation pour les banques d’augmenter leurs fonds propres de 20 % édictée par la circulaire n° 532, adoptée en novembre 2019, et dont la date butoir avait été initialement fixée à fin juin.

Ratios de solvabilité

La dernière circulaire, intermédiaire n° 567, intervient également à plusieurs niveaux. Elle fixe la date butoir de l’ajournement fixé par la circulaire n° 154 à fin décembre 2020. Elle précise en outre que la moitié des 20 % supplémentaires devant être apportés par les actionnaires des banques peuvent être financés par la vente de terrains ou d’immobiliers détenus par ces mêmes actionnaires à la banque. L’établissement aura ensuite la charge de les revendre dans un délai de cinq ans maximum. La BDL se réserve cependant le droit de valider chaque opération en amont. Riad Salamé a d’ailleurs indiqué hier à Reuters que les banques qui n’auront pas augmenté leur capital à fin février 2021 se verront dans l’obligation « de sortir du marché ». Il a toutefois précisé que cette sortie consistera au transfert des actions à la BDL. Quant aux dépôts, le gouverneur de la BDL a précisé qu’ils sont « maintenus et qu’il n’y aura pas de faillite » bancaire. Pour rappel, la banque centrale a créé en juillet une commission chargée de restructurer le secteur financier et composée principalement de personnalités liées aux secteurs concernés.Le même texte exige des banques de publier un « compte de résultat » réaliste qui servira de base à la BDL afin qu’elle puisse modifier certains ratios de solvabilité et de liquidité – sans préciser si ces derniers seront conformes aux exigences du comité de Bâle III. La circulaire en modifie d’ailleurs certains, dont celui des provisions devant être constituées pour couvrir les pertes liées aux titres de dettes en livres et ceux en devises (eurobonds), qui doivent être de 100 % pour les exercices 2020 et 2021 pour, ensuite, être progressivement réduits jusqu’à leur annulation en 2024.


La Banque du Liban (BDL) a publié hier quatre nouvelles circulaires intervenant dans différents domaines aussi bien liés à la crise économique et financière que traverse le pays depuis août dernier qu’au financement des réparations des dégâts provoqués par la double explosion survenue le 4 août au port de Beyrouth – qui a coûté la vie à plus de 180 personnes et causé plusieurs...

commentaires (6)

Que le gouverneur donne l’exemple et qu’il rapatrie l’ensemble de son patrimoine investi a l’etranger

LH

19 h 08, le 29 août 2020

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Que le gouverneur donne l’exemple et qu’il rapatrie l’ensemble de son patrimoine investi a l’etranger

    LH

    19 h 08, le 29 août 2020

  • Le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, a indiqué hier à Reuters « qu’il est impossible de déterminer jusqu’à quand la banque centrale pourra subventionner les importations de denrées de base ». Riad Salamé a également confirmé que « les réserves en devises de la banque centrale s’élèvent à 19,5 milliards de dollars (dont) 17,5 milliards de dollars de réserves obligatoires ». M Salamé ignore tout et au courant de tout et malgé ca il n est pas limogé car il est complice j espère qu il ne rencontrera pas M Macron

    youssef barada

    18 h 21, le 28 août 2020

  • Salamé ne peut être crédible dans tout ce qu’il entreprend et qu’il dit jusqu’à ce qu’il il dévoile les noms de tous les bénéficiaires des milliards qui leur ont été accordés sur simple demande et sans aucun sans justificatif ni preuve. Déjà c’est louche. Il a dit que la banque nationale a le devoir d’honorer la demande des membres de l’état mais ce qu’il omet de préciser c’est que l’usage de ces sommes doivent être justifiées. L’a t-il seulement exigé ou a t-il informé les instances concernées. Apparemment oui. Alors pourquoi aucun rapport n’a été rédigé pour rendre compte? Le refus de certains politiques des contrôles par des audits neutres, prouve leur implication dans les vols et pillages et le plus gros responsable reste Aoun qui nous rabâche les oreilles avec le combat de la corruption alors qu’il permet à son gendre et autres comparses de bloquer la machine pour enfin connaître la vérité. C’est un jeu de dupes. Il ne suffit pas de dire qu’on est honnête, il faut permettre aux instances concernées de le prouver. En attendant vous êtes tous taxés de pilleurs et êtes condamnables jusqu’à preuve du contraire.

    Sissi zayyat

    13 h 25, le 28 août 2020

  • Cette histoire d’argent transféré et placé à l’étranger n’est que pure diversion. Les libanais mourront et ne verront pas la couleur de leur argent, l’épargne de toute leur vie. Ça pourrait prendre dix, quinze voire vingt années de tractations sans succès. J’en suis sûr. L’argent détourné par certaines personnes habiles dans les montages financiers est encore au Liban, bien caché dans les sous-sols des palais gardés par des hommes armés jusqu’aux dents. On nous parle d’argent mais personne ne parle des réserves d’or du Liban. Où sont donc passées les réserves du pays? Ce qui se passe au Liban est une sanction insupportable pour la diaspora. Le Liban doit pouvoir rembourser ceux qui ont déposé l’épargne de plusieurs générations et le fera en se séparant de certains édifices publics et en privatisant les ports, l’aéroport, l’électricité et que sais-je. Ça traîne en longueur cette histoire de confiscation de l’épargne. Ça traîne pour que nous admettions un jour avoir tout perdu. On nous le fait admettre par dose homéopathique. Perdu pour enrichir certains kleptomanes méchants et égoïstes et qui ont pu mettre la main sur le magot uniquement par ce que leur chemin a croisé la clé de notre coffre fort. C’est une injustice que personne ne pourra réparer. Les familles fortunées ont tout perdu et c’est la vérité.

    Hyjazi Hassan / H. CORPORATION

    11 h 18, le 28 août 2020

  • La BDL a été complice des envois illicites, illégaux à l'extérieur du Liban des $ des épargnants. Sans compter les envois en contrebande de certains "grands épargnants" depuis le 17 octobre 2019... et le gouverneur est toujours là. Par la volonté de qui? De quel puissance? Puisque Mr Salameh sait tout ce qui s'est passé depuis ces dix dernières années au moins, pourquoi ne pas pondre une circulaire lui intimant de convaincre les escrocs de rapatrier au Liban les sommes en $ appartenant aux épargnants. Et ça devrait régler la crise du $ assez rapidement. Pffff c'est quand même incroyable que depuis un an rien n'ait bougé d'un iota. Ni les politiciens, ni la Justice, ni la BDL. Aucune volonté de faire la lumière sur ce qui s'est tramé. Ca en dit long sur la main mise des mafieux. Les alchimistes banquiers... ou comment transformer des $ "frais" en livres libanaises...

    Sybille S. Hneine

    09 h 14, le 28 août 2020

  • LIBEREZ LES DEPOTS ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS LA PLUPART AGES ET N,AYANT POINT D,AUTRES RESSOURCES POUR SURVIVRE. RESPECTEZ L,ETRE HUMAIN. NE LE DEVALISEZ PAS. NE FAITES PAS DE PAUVRES DU JOUR AU LENDEMAIN DU PEUPLE LIBANAIS EN ENTIER. PUNISSEZ LES MAFIEUX ET LES CORROMPUS/VOLEURS BIEN CONNUS DE TOUS. RENDEZ A CESAR CE QUI EST A CESAR !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 00, le 28 août 2020

Retour en haut