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Société

Au Liban, le secteur de la santé risque de se retrouver très vite submergé

Suivant les chiffres, 600 lits en soins intensifs peuvent être consacrés aux patients souffrant du coronavirus. Ce qui peut s’avérer insuffisant en cas de hausse vertigineuse du nombre de contaminations.

Au Liban, le secteur de la santé risque de se retrouver très vite submergé

Une unité d’isolement à l’hôpital Rafic Hariri. Photo d’archives AFP

Depuis que le taux de contamination par le coronavirus au Liban suit une courbe nettement ascendante, les craintes concernant la capacité du système de santé à absorber un nombre croissant de cas, notamment ceux des patients en état grave, resurgissent. À l’heure où le pays se reconfine et que les appels à la prudence se multiplient, le secteur hospitalier se prépare au pire. Le député Assem Araji, président de la commission parlementaire de la Santé, indique à L’Orient-Le Jour que, à la suite des efforts fournis depuis le début de la crise du coronavirus, le Liban dispose actuellement de 2 500 lits en soins intensifs dont 600 environ peuvent être consacrés aux patients du Covid-19 (dans les secteurs public et privé). Une capacité qui pourrait vite arriver à saturation en cas de hausse vertigineuse des contaminations. « L’hôpital Rafic Hariri, leader en la matière, avait 21 lits occupés hier (dimanche) », fait-il remarquer. Selon une source de l’hôpital, ce dernier dispose d’environ 25 lits en soins intensifs pour les patients Covid-19.

Effectuant un bilan global, le député souligne que 12 hôpitaux gouvernementaux sont en état d’alerte (dont ceux de Tripoli, Saïda…) tandis que 15 autres sont en stand-by, soit 27 établissements au total considérés comme équipés pour recevoir ces cas. « S’il y a une hausse supplémentaire importante du nombre de patients, nous allons devoir consacrer des hôpitaux entiers au coronavirus et ouvrir des services spécialisés dans d’autres hôpitaux », dit-il.

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M. Araji confirme que les cas sont en priorité transférés vers Beyrouth, bien que des centres hospitaliers, dans les régions, soient préparés à cet effet. « Dans la Békaa, à titre d’exemple, seul l’hôpital gouvernemental Élias Hraoui est ouvert aux patients du coronavirus, les autres refusent jusque-là de recevoir les patients, ce qui est inquiétant en soi, poursuit-il. Dans cette région, nous avons actuellement 20 lits à la disposition des patients souffrant du Covid-19. Mais en cas d’urgence, nous devrions prendre des mesures pour qu’une centaine de lits soient assurés. »

La plus grande crainte du député? Que les hôpitaux privés refusent d’ouvrir leurs portes aux malades du Covid-19, en raison de leurs difficultés économiques, en sus des grands hôpitaux universitaires qui ont déjà dédié des unités spécifiques. « En février, quand nous avons conçu notre plan d’urgence qui comprenait un scénario de flambée des cas, la situation économique n’était pas aussi grave qu’aujourd’hui, dit-il. Je crains que, en raison des conditions économiques, une augmentation brusque des cas de coronavirus ne mène à un effondrement du système de santé. »

M. Araji estime d’ailleurs qu’en cas de nécessité, le Conseil des ministres devra prendre une décision contraignant les hôpitaux privés à accepter les patients du coronavirus, en espérant toutefois ne pas avoir à en arriver là.

Un rythme insoutenable de contaminations

« 30 hôpitaux privés sont prêts, aujourd’hui, à accueillir des patients du Covid-19, indique pour sa part Sleiman Haroun, président du syndicat des propriétaires d’hôpitaux privés à L’OLJ. Ces établissements ont été sélectionnés parce qu’ils sont capables d’équiper des ailes spéciales pour la lutte contre la pandémie, assez éloignées du reste de l’hôpital ou totalement indépendantes. Ces hôpitaux sont répartis sur l’ensemble du territoire, ainsi que dans la capitale, où les principales structures universitaires se sont équipées à cette fin. » M. Haroun précise que 500 lits sont disponibles pour les patients du Covid-19 dans le privé, certains destinés à accueillir les cas modérés, d’autres les cas sérieux (chambres à pression négative), et enfin une centaine de lits en soins intensifs, pour les cas les plus critiques, avec respirateurs.

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Et si la situation s’aggrave ? « Dans un scénario plus sombre, nous pourrions consacrer des hôpitaux entiers aux patients du coronavirus, poursuit-il. Mais cela n’est pas si simple en pratique parce que les établissements qui accueillent ces patients doivent être équipés d’installations précises. Or les moyens manquent actuellement, le secteur étant en crise. Il faut savoir qu’une seule chambre à pression négative coûte pas moins de 30 000 dollars. »

Selon le président du syndicat, si le rythme actuel des contaminations se maintient, le système de santé ne tiendra pas. Il plaide pour la multiplication des centres de quarantaine où les patients asymptomatiques pourront séjourner, sans contribuer à la propagation du virus.

Les infirmières, « soldats » méconnus

La question de la lutte contre une flambée inattendue du coronavirus ne se limite pas à un nombre de lits et aux capacités des hôpitaux, mais aussi au personnel médical. Toujours selon M. Araji, il y a non moins de 250 contaminations au sein du personnel soignant, entre médecins, infirmières et autres. À chaque contamination, des équipes entières sont mises en quarantaine, ce qui réduit drastiquement le nombre de staff hospitalier en exercice.

Des équipes déjà mises à rude épreuve par les crises successives, comme le constate Mirna Doumit, présidente du syndicat des infirmières et infirmiers. « Nous avons déjà recensé près de 90 contaminations dans la communauté des infirmières et infirmiers depuis le début de la crise, dit-elle à L’OLJ. Mais aucun d’entre eux n’a été contaminé dans une unité spécialement conçue pour le Covid-19, mais dans d’autres unités, ou alors dans leurs communautés. Ce qui pose des questions sur les moyens de protection qui leur sont alloués par leurs propres établissements. » Elle précise que des chambres d’hôtel sont assurées par le syndicat aux infirmières touchées.

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Si les contaminations sont de nature à amputer, du moins temporairement, les effectifs du personnel médical opérationnel, les licenciements massifs pratiqués ces derniers mois ont encore plus durement touché le corps infirmier. « De 35 à 40 % des infirmières et infirmiers sont soit rentrés chez eux, soit touchent une moitié ou un quart de leur salaire, soit font l’objet de licenciements abusifs de masse, déplore Mirna Doumit. C’est la raison pour laquelle nous avons appelé à une grève le 5 août, après avoir tout essayé auprès des autorités et des hôpitaux. Nous verrons bien ce qu’ils peuvent faire sans nous. La réduction du nombre d’infirmières et infirmiers a en effet des conséquences dramatiques sur la sécurité des patients dans les hôpitaux. » Elle précise que le mouvement de protestation n’est pas simplement dirigé contre les hôpitaux, mais qu’il vise à pousser le gouvernement à payer leurs dus aux établissements, afin de sauver le secteur.

Mirna Doumit utilise le mot « guerre » pour qualifier la lutte contre le coronavirus, n’hésitant pas à comparer les infirmières et infirmiers à des « soldats ». Et l’indifférence à leur égard est difficile à expliquer. « Peut-être certains pensent-ils que les infirmières et les infirmiers sont timorés, qu’ils n’oseront pas aller jusqu’à la grève, dit-elle. Voilà pourquoi j’espère que notre appel sera entendu cette fois. S’il ne l’était pas, je ne pourrais plus rien pour eux. »

Depuis que le taux de contamination par le coronavirus au Liban suit une courbe nettement ascendante, les craintes concernant la capacité du système de santé à absorber un nombre croissant de cas, notamment ceux des patients en état grave, resurgissent. À l’heure où le pays se reconfine et que les appels à la prudence se multiplient, le secteur hospitalier se prépare au pire. Le...

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QU,ATTEND-ON DEPUIS FEVRIER POUR AUGMENTER LES LITS EN SOIN INTENSIF EN PREVISION DU PIRE ?

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 07, le 28 juillet 2020

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Commentaires (1)

  • QU,ATTEND-ON DEPUIS FEVRIER POUR AUGMENTER LES LITS EN SOIN INTENSIF EN PREVISION DU PIRE ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 07, le 28 juillet 2020

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