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Société - Covid-19

« Le Liban a dépassé le niveau de tolérance du système hospitalier », avertit Jacques Mokhbat

En l’espace de 24 jours en juillet, 1 626 cas de nouvelle contamination au coronavirus, dont douze décès, ont été signalés, contre 1 778 cas cumulés et 34 décès en quatre mois.

« Le Liban a dépassé le niveau de tolérance du système hospitalier », avertit Jacques Mokhbat

Le relâchement total dans le pays et la réouverture de l’aéroport ont été catastrophiques pour le contrôle de l’épidémie. Photo Nabil Ismaïl

Quel prix en matière de santé faut-il payer pour que le gouvernement sorte enfin de sa léthargie et réagisse fermement pour juguler une pandémie qui ne fait que gagner du terrain et qui risque d’échapper définitivement au contrôle ? Pour 99 cas cumulés du 21 février jusqu’au 15 mars, il a décidé de fermer le pays. Aujourd’hui, alors que plus de cent cas sont signalés au quotidien, le laxisme dont il fait preuve est paradoxal.

Si on suit l’évolution de l’épidémie depuis l’annonce du premier cas le 21 février, l’on constate que 1 626 cas cumulés de contamination au coronavirus, dont douze décès, ont été enregistrés en seulement 24 jours de juillet, contre 1 778 cas cumulés, au nombre desquels 34 décès, jusqu’au 30 juin. Soit pratiquement la moitié des cas. Face à cette recrudescence des cas, la commission nationale chargée de la lutte contre le Covid-19 a émis hier des recommandations susceptibles d’amoindrir l’impact de l’épidémie, mais qui doivent encore être avalisées par la commission ministérielle chargée du dossier.

« La situation se présente mal, car nous avons dépassé le niveau de tolérance du système hospitalier », martèle Jacques Mokhbat, spécialiste en maladies infectieuses et membre de la commission. « Nous arrivons à la limite de la capacité de fonctionnement des hôpitaux gouvernementaux, ajoute-t-il. Avec la crise économique qui sévit, la majorité des hôpitaux privés et universitaires sont malheureusement dans l’incapacité d’accueillir un grand nombre de patients. Nous avons donc une limite au niveau de l’utilisation des services hospitaliers. » Sur le terrain, le déconfinement et la réouverture de l’aéroport ont été accompagnés d’« un relâchement » dans la pratique des gestes barrières, « en l’absence de tout contrôle de la part des autorités concernées ». « Il faut imposer des amendes, même sévères, insiste pour L’Orient-Le Jour le Dr Mokhbat. C’est le seul moyen de pousser les intrépides à prendre conscience de leur attitude irresponsable. » Cette hausse des cas est-elle « réelle » ou due aux campagnes massives de dépistage ? « Il y a sûrement une augmentation réelle du nombre des cas, affirme-t-il. Il est vrai qu’une partie non négligeable des nouvelles contaminations est importée, mais nous avons aussi beaucoup de transmissions qui sont purement locales. Celles-ci représentent un grand risque. L’ouverture de l’aéroport concomitante au relâchement total dans le pays a été catastrophique pour le contrôle de l’épidémie. »

Situation encore « récupérable »
Pour le Dr Mokhbat, il est encore possible de « récupérer la situation, à condition de procéder à un nouveau confinement total, d’au moins deux semaines ». Et ce pour « évaluer la situation, retracer ce qui se passe et récupérer un peu notre capacité médicale ». « Actuellement, le goulot d’étranglement reste la capacité des centres hospitaliers, poursuit-il. Si le nombre des cas continue à grimper avec la même fréquence, nous ne pourrons pas résister longtemps, d’autant que nous nous attendons à une nouvelle flambée des cas vers la fin du mois d’août avec le retour des Libanais de vacances. Nous devons avoir réussi à contenir l’épidémie d’ici là pour pouvoir absorber le choc et nous préparer pour survivre à l’hiver, d’autant que le virus n’est plus importé et est devenu fortement présent dans le pays. »

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Hier, au terme d’une longue réunion, la commission nationale chargée de la lutte contre le Covid-19 a émis des recommandations prônant la fermeture de plusieurs secteurs et la limitation de certains rassemblements pendant une semaine à partir de lundi (voir par ailleurs). Des recommandations que devrait encore avaliser lundi la commission ministérielle chargée de la lutte contre l’épidémie, comme le précise à L’OLJ Petra Khoury, conseillère du Premier ministre pour les affaires de santé et membre de cette commission. « Ce sont des décisions difficiles à prendre, parce que notre objectif n’est pas de fermer le pays, avance-t-elle. Mais elles sont nécessaires face à l’irresponsabilité de la population. Nous espérons que ces mesures auront l’effet d’un sursaut de conscience et que les gens se conformeront aux gestes barrières. » Au risque d’« un renforcement des mesures, ce qui sous-entend la fermeture d’un plus grand nombre de secteurs », met en garde Mme Khoury.

Le bilan des contaminations continuait à grimper hier aussi avec 147 nouveaux cas et trois décès, selon le rapport quotidien du ministère de la Santé, ce qui porte à 46 le nombre de personnes ayant succombé au virus et à 2 527 le nombre de cas cumulés depuis le début de l’épidémie au Liban. Sur ces nouveaux cas, 28 ont été signalés parmi les voyageurs arrivés à Beyrouth et 118 localement : 21 dans le caza de Baabda, 18 à Beyrouth (dont 9 à Tariq Jdidé), 12 dans le Metn, 12 dans le caza de Zahlé (dont 10 à Karak), 8 dans le caza de Saïda (dont 6 à Anqoun) et 7 dans le Kesrouan. Le Chouf, Aley et Nabatiyé comptent trois cas chacun. Les cazas de Jbeil, Koura, Zghorta, Baalbeck, Hermel, Tyr, Bint Jbeil et Marjeyoun en comptent chacun deux. Un cas a été détecté dans le caza de Tripoli et quinze autres cas sont en cours d’investigation. Actuellement, 815 personnes sont toujours positives. Parmi elles, 101 sont hospitalisées, dont 21 aux soins intensifs.

Contamination au palais Bustros
Au nombre des personnes ayant contracté le virus, Hadi Hachem, directeur de cabinet du chef de la diplomatie. Les tests du ministre, Nassif Hitti, et du directeur des affaires politiques au palais Bustros, Ghadi Khoury, se sont avérés négatifs.

Commentaire

L’issue la plus rapide pour sortir de la pandémie

Sur le terrain, plusieurs localités, isolées par les forces de sécurité et les autorités sanitaires, ont appelé à respecter de manière stricte les recommandations du ministère de la Santé. Ainsi, les municipalités de Zahlé et de Taanayel (Békaa) ont procédé à la fermeture des sept entrées de la localité de Karak, où une dizaine de cas ont été détectés. De son côté, le président de la municipalité de Metrit, dans le Koura (Liban-Nord), a enjoint aux habitants de refuser « tout visiteur, surtout s’il vient de l’extérieur du village », et de se conformer au port du masque en extérieur et à la distanciation sociale. La municipalité côtière de Qalamoun (Liban-Nord), isolée depuis la veille, a pour sa part établi un couvre-feu de 19h à 7h, bloqué tous les accès à la localité et interdit « tous les rassemblements ». Plus au sud, dans le caza de Hasbaya, les « entrées et sorties » vers le village de Aïn Jarfa sont prohibées, « sauf cas d’extrême nécessité », après la détection d’une hausse des cas dans la localité, qui avait déjà été mise à l’isolement en début de semaine.

« Une période de test »
Plus tôt dans la matinée, le ministre de la Santé, Hamad Hassan, a affirmé que tout retour à une vie normale constituerait « un défi ». Il a toutefois assuré que le pays avait « les capacités » de surmonter cette épreuve, appelant à une « coopération » dans la lutte contre le virus. « Nous sommes aujourd’hui dans une période de test », a-t-il déclaré lors d’une visite à l’hôpital gouvernemental de Baabda. Il a souligné que désormais, des cas étaient enregistrés dans toutes les régions du pays et qu’il fallait « rattraper » l’épidémie et la contrôler. Il a appelé dans ce cadre à « davantage de sensibilisation » et à un respect des règles établies depuis quatre mois. « Nous n’accepterons aucun retour en arrière », a encore insisté M. Hassan.

De son côté, le président de la commission parlementaire de la Santé, Assem Araji, a expliqué que le Liban « est toujours dans la première vague » de la pandémie, contredisant ainsi le Premier ministre, Hassane Diab, qui avait affirmé dernièrement que le Liban était entré dans la seconde vague. Celle-ci est attendue en septembre et octobre, a-t-il précisé dans une déclaration au journal en ligne al-Anba’, soulignant qu’elle serait « bien plus dangereuse » que celle actuelle. Appelant la population à respecter les consignes de prévention, il a affirmé que le pays est « vraiment entré dans une phase dangereuse ». L’ordre des médecins de Beyrouth a pour sa part appelé le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le coronavirus.

Enfin, le chef du Quai d’Orsay, Jean-Yves Le Drian, qui a effectué une visite officielle de deux jours à Beyrouth, s’est rendu hier à l’hôpital universitaire Rafic Hariri.

Fermeture de plusieurs secteurs

Au terme d’une longue réunion, la commission nationale chargée de la lutte contre le Covid-19 a préconisé la fermeture, une semaine durant à partir du 27 juillet, des pubs et des boîtes de nuit, des piscines intérieures, des salles de théâtre et de cinéma, des salles de jeux électroniques et des parcs d’attractions pour enfants, des salles de sport ainsi que des marchés populaires. Elle recommande également l’arrêt des fêtes organisées sur les plages et les centres balnéaires, celles artistiques et touristiques, ainsi que certains rassemblements religieux charriant du monde comme les condoléances ou les baptêmes, à l’exception notable des fêtes de mariage pour lesquelles les participants sont appelés à respecter scrupuleusement les règles de distanciation sociale. Pour ces événements, les lieux ne devront accueillir les participants qu’à 50 % de leurs capacités, soit 50 personnes pour les lieux clos et 150 personnes à l’extérieur.

Par ailleurs, la commission demande aux autorités compétentes de faire respecter la mesure imposant aux restaurants et aux cafés, ainsi qu’aux salles de jeux, de n’accueillir les clients qu’à hauteur de 50 % de leurs capacités.

Dans ce cadre, la commission déplore notamment « le non-respect de certains secteurs économiques et touristiques des règles de prévention », obligeant un « retour en arrière partiel » à la quatrième phase du plan de déconfinement progressif mis en place par les autorités.

Dans le cadre des recommandations, la commission a appelé les personnes âgées de plus de 60 ans à rester chez elles et à ne sortir qu’en cas d’extrême nécessité. De plus, elle recommande que tous les voyageurs (par voie aérienne, maritime ou terrestre) fassent valoir un test de dépistage PCR négatif 96 heures (quatre jours) avant leur arrivée sur le territoire libanais. Les personnes ne pouvant pas faire valoir cela sont appelées à s’isoler 24 heures dans un hôtel prévu à cet effet en attente des résultats du test qu’elles auront subi à leur arrivée à l’aéroport de Beyrouth.

Quel prix en matière de santé faut-il payer pour que le gouvernement sorte enfin de sa léthargie et réagisse fermement pour juguler une pandémie qui ne fait que gagner du terrain et qui risque d’échapper définitivement au contrôle ? Pour 99 cas cumulés du 21 février jusqu’au 15 mars, il a décidé de fermer le pays. Aujourd’hui, alors que plus de cent cas sont signalés au...

commentaires (5)

Vraiment ce gouvernement est chanceux .Le malheur du Covid fait son bonheur pour rester. Bonjour de nouveau au rude confinement .

Antoine Sabbagha

12 h 45, le 25 juillet 2020

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Commentaires (5)

  • Vraiment ce gouvernement est chanceux .Le malheur du Covid fait son bonheur pour rester. Bonjour de nouveau au rude confinement .

    Antoine Sabbagha

    12 h 45, le 25 juillet 2020

  • Quel prix en matière de santé faut-il payer pour que le gouvernement sorte enfin de sa léthargie et réagisse fermement pour juguler une pandémie qui ne fait que gagner du terrain et qui risque d’échapper définitivement au contrôle ?...........Quand est ce que que vous allez vous arreter de critiquer betement ,sans reflexion, une partie du peuple ( ici le gouvernement et son equiope etc.. ) au lieu de pointer votre ton accusateur vers les personnes ecervelees qui ne prennent point les precautions necessaires et n'agissent pas en fonction des recommendations et directives du Gouvernement ????

    Imad A. Aoun

    11 h 28, le 25 juillet 2020

  • Quand tout le monde disait que le gouvernement avait su endiguer l’épidémie à son debut, j’avais répondu dans ces mêmes colonnes que ce gouvernement de pacotille n’y était pour rien et que c’était la sagesse des libanais qui avait prévalu. Aujourd’hui cette sagesse s’est fortement relâchée et les expatriés ont une faible responsabilité dans ces comportements irresponsables des gens. Une fois de plus, ne nous blâmons que nous mêmes car nous sommes seuls responsables de la propagation du virus.

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 13, le 25 juillet 2020

  • Malheureusement, en cette pèriode de dèche, les dollars des expats et des touristes sont indispensables. Difficile de fermer l'aéroport et les lieux de loisirs sans se couper de cette manne.

    Marionet

    08 h 56, le 25 juillet 2020

  • "... Pour 99 cas cumulés du 21 février jusqu’au 15 mars, il a décidé de fermer le pays. Aujourd’hui, alors que plus de cent cas sont signalés au quotidien, le laxisme dont il fait preuve est paradoxal. ..." —- Ça devient logique si l’on se dit que la décision de fermer le pays en mars avait plus pour but de stopper la révolution du 17 octobre que le Covid-19...

    Gros Gnon

    06 h 48, le 25 juillet 2020

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