Le mandat du président de la République Michel Aoun semble plus que jamais fragilisé. Le chef de l’État, qui se veut « le père de tous », peine une fois de plus à rassembler tous les protagonistes autour de lui en temps de crise aiguë comme celle qui secoue le pays à l’heure actuelle.
Ce constat, des observateurs politiques contactés par L’Orient-Le Jour le dressent au vu du spectre de plus en plus élargi de protagonistes qui boycotteront le dialogue prévu demain à Baabda sous la houlette du chef de l’État, envers et contre tous les efforts du président de la Chambre Nabih Berry.
Les assises de Baabda semblent sérieusement menacées d’annulation, ou pour le moins de report, pour non-conformité au pacte national. Si les quatre anciens Premiers ministres Saad Hariri, Fouad Siniora, Tammam Salam et Nagib Mikati ont retiré à la rencontre la couverture sunnite, il semble que les principales formations et personnalités politiques chrétiennes feront de même. Elles pourraient donc bien retirer à la rencontre sa conformité au pacte national, même si le président Aoun, le leader du Courant patriotique libre Gebran Bassil, l’ancien chef d’État Michel Sleiman ainsi que le député du Metn Agop Pakradounian (Tachnag) y prendront part.
Dans certains milieux politiques, on rappelle dans ce cadre que cette fameuse conformité si chère au CPL avait pourtant déclenché une bataille entre les aounistes et le gouvernement Salam en 2016, le CPL ayant décidé de boycotter le Conseil des ministres avec, en toile de fond, son désir d’imposer au cabinet un nouveau commandant en chef de l’armée en l’absence d’un chef de l’État. C’est également sous prétexte de conformité au pacte que le CPL n’a pas manqué de bloquer la présidentielle, pour mener celui qu’il percevait comme « le chrétien fort » à la magistrature suprême.
Quoi qu’il en soit, il semble que pour la présidence de la République, le problème de la conformité au pacte national ne se pose pas : « La rencontre est maintenue jeudi à 11 heures », affirme un proche de Baabda, contacté par L’OLJ. « Ceux qui entendent boycotter la réunion devraient assumer les conséquences de leur décision », déclare-t-il. Un point de vue que Michel Aoun lui-même a exprimé hier devant ses visiteurs. Il a fait assumer aux absents de la réunion « la responsabilité de ce qui, ultérieurement, pourrait mener le pays à la discorde ». « La convocation est claire. Elle définit les sujets qui seront abordés, notamment la situation sécuritaire. Mais les participants peuvent évoquer les sujets qui répondent aux objectifs de la rencontre », a-t-il souligné.
M. Aoun répondait ainsi à ceux qui l’accusaient de tenir une rencontre aux objectifs flous, et dépourvue d’un ordre du jour clair. C’est précisément pour cette raison que les Kataëb boycotteront le dialogue. Le chef du parti, Samy Gemayel, a estimé que les objectifs du dialogue de Baabda sont « déplacés » et déploré le fait qu’il « vise seulement à préserver le calme ».
Samy Gemayel emboîtait ainsi le pas à son père, Amine Gemayel, ex-président de la République, également convié à se rendre à Baabda demain. Dans un communiqué publié par son bureau de presse, l’ancien chef d’État a réitéré son appui au principe du dialogue national et à « l’institution qu’est la présidence de la République ». Il a toutefois fait remarquer que « la convocation (à la réunion de jeudi) n’est pas à la hauteur de la menace existentielle qui guette le Liban, au vu des dangers locaux et régionaux, et de la confiscation de la décision officielle ». « Toute rencontre tenue loin de ces constantes est entachée d’un vice de forme qui aurait des retombées négatives sur le pays et ses citoyens », ajoute le texte.
Amine Gemayel a en outre invité Michel Aoun à « ajourner la rencontre et à redéfinir ses priorités, conformément à la Constitution et à l’intérêt du Liban ».
À son tour, le leader des Marada Sleiman Frangié a annoncé sans surprise qu’il ne prendra pas part à la réunion de demain. Sur son compte Twitter, il a écrit : « Nous ne participerons pas à la rencontre de Baabda. Nous souhaitons aux participants bonne chance pour trouver les solutions aux crises économique et sociale actuelles. »
Au vu des rapports gelés entre M. Frangié et le binôme Baabda-CPL, on s’attendait à ce que le leader des Marada boycotte le dialogue. Mais il reste que sa décision est porteuse d’un message fort en direction de Michel Aoun. Il s’agit de la seconde fois (après le dialogue économique du 6 mai dernier) que le chef des Marada porte un coup sévère à la présidence, sans aucune intervention du Hezbollah pour ramener les choses à la normale.
Le suspense des FL
Parallèlement à ce schisme au sein du 8 Mars, les regards restent braqués sur les Forces libanaises. Après avoir fait la surprise de se rendre à Baabda pour la réunion du 6 mai dernier, le leader des FL Samir Geagea devrait annoncer sa décision définitive aujourd’hui à 13 heures, à l’issue d’une réunion de son groupe parlementaire. En attendant, une source au sein du parti fait état via L’OLJ d’une « atmosphère qui tend vers le boycottage du dialogue ». Selon elle, « les FL examinent encore l’intérêt d’une réunion jugée inopportune ».
Ce sont donc principalement les protagonistes du 8 Mars qui participeront à la réunion. Nabih Berry, le Premier ministre Hassane Diab, le vice-président de la Chambre Élie Ferzli, le leader du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt et celui du Parti démocratique Talal Arslane y seront présents. Le chef du groupe parlementaire du Hezbollah Mohammad Raad représentera le parti chiite, alors que Fayçal Karamé sera délégué par la Rencontre consultative sunnite. De son côté, Assaad Hardane, député de Marjeyoun, représentera le Parti syrien national social.
commentaires (8)
Quelque soit le pays... un président se fait respecter par ses actes et par le fait de respecter son peuple, les journalistes, les opposants aussi... on ne se fait pas respecter par des mises en examens et poursuites policières, judiciaires, harcèlement et pression envers des citoyens qui expriment leur colère, déception et rage envers les dirigeants incompétents A partir de là, on peut savoir qui se fait respecter ou non. DE GAULE a tjrs été respecté par ses amis, opposants et même ennemis C’est juste par sa clairvoyance et le fait de servir la France avant de servir ses alliés et amis Dans ce cas, les autres parties refusent ? Ca démontre bien un manque de confiance totale réciproque Au final? Ils se valent tous !!!
LE FRANCOPHONE
18 h 14, le 24 juin 2020