« Une réunion sans horizons », « Une perte de temps »... Les anciens présidents du Conseil, réunis à la Maison du Centre, Saad Hariri, Fouad Siniora, Tammam Salam et Nagib Mikati, ont été sévères pour la réunion que le chef de l’État souhaitait tenir au palais présidentiel de Baabda, jeudi 25 juin, dans le but « de consolider la paix » interne, selon les termes qu’il a utilisés lui-même hier devant une délégation de l’Association des journalistes économiques. Ce boycottage témoigne de la profonde crise de confiance qui sévit entre le régime et les principaux leaders de la communauté sunnite.
Cela signifie-t-il que les assises de jeudi seront ajournées ? C’est une possibilité. Mais aucune confirmation n’a été apportée de source officielle. Les observateurs s’attendent à ce que le chef de l’État consulte auparavant le président de la Chambre, Nabih Berry, parrain et cheville ouvrière de cette rencontre pour laquelle il semble avoir plaidé sans succès. Ce qui est certain, toutefois, c’est que ce refus, respectueux dans la forme, mais catégorique sur le fond, compromet la solennité et le cachet national que le président Aoun souhaitait donner à la réunion.
Quoi qu’il en soit, mettant fin à plusieurs jours de suspense à ce sujet, les anciens présidents du Conseil ont annoncé hier qu’ils ne répondront pas à l’invitation au dialogue du président Aoun. « Cette invitation et son objectif déclaré semblent être déplacés et une perte de temps », a déclaré M. Siniora à l’issue d’une réunion à la Maison du Centre. « Nous déclarons que nous ne sommes pas prêts à participer à une réunion sans horizon », a-t-il ajouté.
Articulant le refus de ses signataires, le communiqué lu par M. Siniora affirme : « Nous ne voyons pas dans cette réunion une nouvelle occasion de relancer la table du dialogue national qui déboucherait sur des décisions sérieuses qui renforceraient la position du Liban comme État souverain, libre et indépendant, inséré dans son environnement arabe et entretenant avec lui les meilleurs rapports. Nous rejoignons sur ce plan les propos du patriarche maronite hier et saluons ses positions nationales. Notre non-participation est une protestation et une objections claire à l’incapacité du pouvoir à concevoir des solutions pour sauver le Liban dans toutes ses composantes. Le Liban est aujourd’hui menacé d’un effondrement complet, qui affecte la classe moyenne en particulier, qui a toujours été la colonne vertébrale et le levier véritable qui soulève toute la société libanaise. »
Dans son homélie dominicale, le patriarche avait exhorté les forces politiques à participer à cette réunion élargie, précisant que « pour assurer le succès de cette réunion nationale, il est nécessaire (…) d’insister sur l’unité du Liban et sa neutralité ». Il avait également soufflé au président Aoun que la réunion pouvait être ajournée « afin d’être mieux préparée ».
Les quatre anciens Premiers ministres ont également insisté sur « la nécessité du respect de la Constitution » en promulguant, par exemple, le train de nominations judiciaires, « la nécessité de respecter la légalité arabe et internationale », la préparation d’un plan de réformes « clair et crédible », le respect des principes de « la distanciation » en politique étrangère et de la « complémentarité entre le Liban et le monde arabe ».
Mikati donne le ton
En cours de journée, l’ancien Premier ministre Nagib Mikati avait donné le ton de ce refus en affirmant, à l’issue d’une rencontre avec le président de la Chambre Nabih Berry à Aïn el-Tiné : « Nous respectons les instances, mais nous ne pouvons pas anesthésier les gens avec ce genre de réunions. J’aurais préféré que le président entreprenne des discussions bilatérales avec les différents pôles avant de prévoir un tel dialogue. » « Le dialogue de Baabda est sans ordre du jour, ni feuille de route », a encore déploré le député. « Nous entendons dire que cette réunion va traiter des constantes nationales. Mais ces principes sont constants et n’ont pas besoin d’être réaffirmés par quiconque. Nous avons toujours appelé au dialogue », avait-il conclu.
Du côté des anciens présidents Amine Gemayel et Michel Sleiman, on apprenait hier que le premier ne fera pas acte de présence à Baabda, mais que le second s’y rendra, précisant dans un court communiqué « avoir toujours plaidé en faveur du dialogue, dans la fidélité à la déclaration de Baabda ».
De leur côté, les Forces libanaises ont fait savoir hier qu’elles se prononceront demain mercredi sur la réunion. Les avis au sein du parti de Samir Geagea sont divisés, les uns affirmant que ces assises « sont inutiles », d’autres estimant au contraire qu’il s’agit d’une occasion à saisir pour mieux faire connaître les positions du parti sur les questions d’actualité.
Éviter « des effusions de sang »
Pour sa part, la Rencontre consultative, qui représente les forces sunnites proches du Hezbollah, n’a toujours pas tranché la question de sa participation au dialogue national. « Nous prendrons notre décision dans les heures ou jours à venir », a annoncé le groupe de députés dans un communiqué, publié lors d’une réunion « ouverte » à ce sujet, aujourd’hui, au domicile du député Abdel Rahim Mrad. Dans ce texte, ils ont souligné « l’extrême nécessité » des différents objectifs annoncés de cette réunion, et notamment « la protection de la stabilité nationale et de la sécurité sociale ». Ils ont encore soulevé l’importance « d’arrêter de créer de nouvelles normes constitutionnelles à des fins politiques ».Notons aussi que le président du Conseil supérieur chiite, le cheikh Abdel Amir Kabalan, a publié un communiqué affirmant : « Il faut que se tiennent des rencontres et des concertations intenses dont le but doit être de transformer le dialogue national de Baabda en une occasion de trouver des solutions nationales à toutes les crises. » « La phase actuelle est si dangereuse qu’il faut que les responsables contrôlent leur colère et fassent preuve de responsabilité nationale », a-t-il ajouté, appelant tous les chefs politiques à « s’élever au-dessus de leurs contentieux politiques et de leurs intérêts particuliers afin qu’ils adoptent un discours national loin de tous les crispations et instincts confessionnels et partisans ». Abdel Amir Kabalan a en outre mis en garde contre une « explosion sociale ».
La ministre libanaise des Déplacés, Ghada Chreim Ata, a réagi rapidement hier à la prise de position des quatre anciens chefs du gouvernement. « Ils s’excusent de ne pas assister à la réunion de Baabda, au lieu de s’excuser pour les actions de la plupart d’entre eux et de la plupart de ceux qui ont assumé la responsabilité publique (commises contre) le peuple libanais qui a été soumis au vol depuis des décennies », a-t-elle écrit sur son compte Twitter, déclenchant une guerre d’injures sur les réseaux sociaux. Le député Salim Aoun (CPL) s’est joint au concert d’insultes, fustigeant les quatre responsables et leur reprochant de s’être rendus « servilement » à Taëf et à Doha, mais de se dérober à une invitation nationale dont l’objectif est la protection du Liban.
commentaires (17)
Les bizzareries politiciennes libantoches: la ministre des déplacés fustige les anciens premiers ministres car ils se sont déplacés hors de la réunion, et le député cpl se plain que ces mêmes premiers suivent les pays arabes alors que lui suit les cyriano-iraniens...et les deux prétendent les encourager à se joindre à la fête foraine après les insultes.......hahahahaha
Wlek Sanferlou
19 h 29, le 23 juin 2020