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Nos Lecteurs ont la Parole

Et maintenant ?

Au premier abord, il est surprenant de voir l’ensemble des politiciens libanais, anciens chefs de guerre, devenus leaders confessionnels, condamner unanimement les affrontements entre les confessions.

En réalité, il n’y a rien d’étonnant à cela.

Ces gens-là ont toujours surmonté leurs divergences confessionnelles lorsqu’il s’agissait de s’entendre sur le pillage et le partage de richesses, qui appartiennent en propre au peuple libanais.

En effet, pour que le business prospère, il est primordial que le calme règne. Ce qui explique que ces gens-là, habituellement hermétiques à la misère humaine, se saisissent des affrontements actuels pour se transformer opportunément en apôtres de la paix.

Ce cycle infernal ne s’arrêtera pas tant que les Libanais, de telle ou telle confession, continuent de soutenir leur chef, au lieu d’être les premiers à dénoncer ses agissements et à œuvrer pour le démettre de ses fonctions.

Pour rompre ce cercle vicieux, il faut avoir la lucidité et le courage, dans le cadre d’une introspection juste et objective, de balayer devant sa porte.

En effet, chaque communauté doit d’abord assumer les conséquences de son propre choix. Le choix d’avoir adoubé, pendant des dizaines d’années, des leaders incompétents, uniquement parce qu’ils étaient du même groupe confessionnel et qu’ils descendaient d’une famille « régnante », fermant les yeux sur leurs exactions et leurs pratiques mafieuses.

Il est tout aussi primordial de pousser la remise en question jusqu’à reconnaître qu’une grande partie de la population a largement et longuement profité de cette distorsion morale et l’a carrément normalisée, la considérant comme un mal nécessaire.

La distorsion de l’intégrité morale, inspirée par la conduite des gouvernants corrompus, est peu à peu devenue comme une norme de vie, incrustée dans le quotidien des Libanais.

Cette forme de vie s’est consolidée, année après année, aliénant durablement la société civile dans sa faculté de jugement et dans sa capacité à réagir de manière adaptée.

C’est donc en redressant sa propre conduite et en dressant publiquement un portrait objectif de son propre leader que chaque révolutionnaire réalisera un acte fondateur et prouvera la sincérité de sa « rédemption » et le bien-fondé de sa révolution : l’unité de tous les Libanais, citoyens d’un Liban unique.

Il est grand temps que les membres de toutes les confessions, sans exception, disent à leur leader : « Nous t’avons accordé notre confiance pendant des années, sans résultat aucun. Nous ne sommes pas tes vassaux, mais des gens épris de liberté. Maintenant, tu dégages ! »

Si chaque confession s’affranchissait de l’héritage de son propre suceur de moelle, son GO (comprendre : gentil oppresseur), le pays serait entièrement assaini, sans qu’aucune confession ne puisse douter de la sincérité de l’autre.

Si chaque confession s’engageait dans une démarche auto-réformatrice, cela permettrait d’annihiler les accusations haineuses réciproques et d’éviter les affrontements violents entre confessions, rendant enfin réalisables les conditions d’une véritable réconciliation.

Si chacune des parties n’accède pas à cette position digne et juste, qui consiste à se révolter contre elle-même et à faire amende honorable concernant ses propres manquements, au lieu de chercher la confrontation systématique avec les autres, alors, cela voudra dire que la révolution n’est pas arrivée à maturité ou plus tristement encore, qu’il ne s’agit pas du soulèvement d’un peuple uni contre ses oppresseurs, mais d’une énième manipulation, téléguidée depuis l’étranger, une révolution de pacotille...

Sans cette maturation indispensable de la révolution, la « libanisation » du conflit – ou autrement dit, la disparition de toute intégrité morale, à l’échelle individuelle et communautaire – ne manquera pas de reprendre son cours macabre, scellant définitivement le sort de la révolution et l’avenir du pays.

L’issue de la révolution ne dépend donc pas de notre volonté de réformer le pays, mais de notre volonté et de notre capacité à nous réformer nous-mêmes, après tant d’années passées loin, très loin, des valeurs fondamentales de la justice, de l’éthique et du partage.

Pour opérer la grande lessive, il est nécessaire d’organiser de nouvelles élections législatives. Et pour atteindre cet objectif, il est primordial que chaque confession commence par dénoncer ses propres représentants, renversant simultanément la table avec tous ses acteurs, appelant à la refonte totale du système politico-économique et ouvrant la voie à un vote véritablement citoyen.

Cette introspection collective, servant comme point de départ à une révolution des mentalités, peut paraître irréaliste ou irréalisable, c’est pourtant l’ultime chance de sauver le Liban.

Si renouveau du Liban il y a, il passe par l’obtention d’un vote éclairé et libre, dicté par l’honnêteté, la compétence et le mérite du candidat, et non par l’ignorance, l’intégrisme, la peur ou la servilité de l’électeur.

Je conclus mon propos avec cette citation de George Orwell : « Un peuple qui élit des corrompus, renégats, imposteurs, voleurs et traîtres n’est pas victime ! Il est complice. »


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Au premier abord, il est surprenant de voir l’ensemble des politiciens libanais, anciens chefs de guerre, devenus leaders confessionnels, condamner unanimement les affrontements entre les confessions.En réalité, il n’y a rien d’étonnant à cela.Ces gens-là ont toujours surmonté leurs divergences confessionnelles lorsqu’il s’agissait de s’entendre sur le pillage et le...

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