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The legal agenda - Juin 2020

20 raisons pour une nouvelle loi portant organisation de la justice administrative

20 raisons pour une nouvelle loi portant organisation de la justice administrative

Comme nous l’avons déjà expliqué dans le préambule de ce numéro, le Legal Agenda a rédigé un projet de loi qu’il a appelé « la loi sur l’indépendance et la transparence de la justice judiciaire », qui a été adopté par un groupe de parlementaires et fait actuellement l’objet de discussions au sein de la commission de l’Administration et de la Justice. Le Legal Agenda souhaite par ailleurs finaliser en 2020 une proposition de loi sur l’indépendance et la transparence de la justice administrative dans le but de régler tous les problèmes associés à l’organisation du Conseil d’État ainsi qu’à son mode de fonctionnement.

Cette nouvelle proposition vient compléter la proposition précédente dans le but d’assurer la réforme du système juridictionnel libanais susceptible de consacrer l’indépendance de la justice, un objectif qui constitue l’une des principales revendications de la révolution du 17 octobre. En réalité, cette demande a vu le jour lorsque les citoyens se sont rendu compte que la corruption avait rongé l’État, s’était emparée même de leurs économies et risque désormais de transformer le Liban, jadis un pays prospère, en un pays pauvre. Les contestataires étaient également persuadés que la corruption n’aurait pas atteint de telles proportions si le pouvoir judiciaire était indépendant et capable de faire face au pouvoir politique et de lui imposer des limites.

Tout comme les procureurs et la justice pénale en général ont pour fonction d’engager des poursuites et de lutter contre les délits de corruption et d’enrichissement illicite, la justice administrative, elle, a pour rôle d’annuler les décisions contraires à la loi, notamment celles entachées de corruption, ou encore les décisions constituant un abus ou un détournement de pouvoir. Il s’agit en un mot de garantir le respect par l’administration publique de la loi et de la légitimité.

Mais pourquoi donc ce projet ? Quels en sont les principaux avantages attendus ? La réforme de la justice administrative nécessite-t-elle une loi globale pour garantir son bon fonctionnement ?

La réponse est affirmative étant donné que la loi est très incomplète, dans la mesure où elle comporte de nombreuses lacunes et n’assure pas les garanties requises d’indépendance de la justice.

Conformité de l’organisation de la justice administrative aux principes d’indépendance de la justice

Dans ce cadre, la proposition de loi sur l’indépendance et la transparence de la justice administrative vise à traiter des questions liées à la situation des juges administratifs et à l’organisation de la justice administrative, de sorte à garantir le principe de la conformité aux critères d’indépendance de la justice.

Ci-dessous, les principales réformes requises et identifiées dans ce domaine :

La création d’un organe chargé de l’organisation de la justice administrative (le Conseil suprême de la justice administrative) jouissant d’une indépendance conformément aux normes internationales. Cette indépendance est garantie grâce à l’élection de la plupart des membres du Conseil parmi les juges eux-mêmes, et suppose la participation de tous les juges aux élections en tant que candidats ou électeurs, ainsi que l’élection de membres non issus du corps de la magistrature et sélectionnés parmi les avocats et les professeurs d’université.

Cet organe devrait être doté des principaux pouvoirs de gestion de la justice. Ce qui implique le transfert au nouvel organe d’un bon nombre de pouvoirs conférés au président du Conseil en vertu de la loi actuelle, de sorte à réduire la hiérarchie au sein du Conseil, et empêcher le ministère de la Justice et le pouvoir exécutif de s’immiscer dans la justice.

Assurer la transparence interne et externe du Conseil suprême de la justice administrative. Cela implique la mise en place d’un règlement intérieur pour le Conseil, l’engagement total de ce dernier à respecter la loi sur l’accès à l’information et la garantie de la publication des décisions de la justice administrative peu de temps après la date du prononcé de ces décisions.

Faire preuve d’égalité et de transparence dans les nominations judiciaires. Il s’agit de garantir l’égalité des chances de tous les citoyens pour l’accès à l’Institut d’études judiciaires sur la base de leurs compétences, et de faire en sorte que les considérations non objectives ou non liées aux exigences de la fonction de juge administratif ne puissent pas réduire leurs chances d’y accéder.

Organiser un concours annuel d’entrée à l’Institut d’études judiciaires, dans l’espoir de pourvoir aux postes vacants dans la magistrature dans un délai raisonnable.

Protéger les juges par un ensemble de garanties prévues par la loi, notamment l’impossibilité de dessaisir un juge d’un dossier judiciaire, la liberté d’expression et d’association, le droit à un procès équitable et le droit de contester toutes les décisions individuelles portant sur leurs carrières.

Empêcher toute mesure discriminatoire à l’égard des juges administratifs conformément au principe d’égalité entre les juges, et interdire systématiquement l’attribution de missions consultatives à des juges administratifs auprès des administrations publiques, conformément au principe de séparation des pouvoirs pour éviter le favoritisme et la discrimination entre les juges.

Supprimer le système hiérarchique actuellement en place. Le Conseil d’État est composé des présidents de chambre, de conseillers et de conseillers associés. Cette structure établit des rapports hiérarchiques entre les juges, notamment entre les présidents de chambre et les autres juges, violant ainsi le principe d’égalité.

Établir un dossier personnel pour chaque juge et mettre en place un système d’évaluation périodique de sa performance, une mesure qui fait actuellement défaut.

Hiérarchiser les infractions disciplinaires en adaptant les sanctions en fonction de leur gravité.

Confier les enquêtes sur les infractions disciplinaires commises par les juges à l’inspection judiciaire et au Conseil suprême de la justice administrative en charge du procès disciplinaire, en vue de garantir le principe de la séparation des pouvoirs entre les autorités chargées des poursuites judiciaires, de l’enquête et des jugements.

Garanties d’accès à la justice

Mettre en place un système d’assistance juridictionnelle et augmenter les types de recours qui peuvent être intentés sans le recours à un avocat.

Garantir le principe de la proximité de la justice en créant des tribunaux administratifs dans les mohafazats (gouvernorats), ce qui permettra de régler le problème de la concentration du pouvoir judiciaire administratif au sein du Conseil d’État.

Mettre en place des mécanismes permettant de traiter les recours urgents sachant que de tels mécanismes n’existent pas actuellement, ce qui empêche les citoyens de contester les décisions administratives de manière efficace. Parmi les principales formes de procédures de référés qui n’existent pas actuellement, mais qui figurent dans le projet de loi, celles portant sur les sursis d’exécution, les libertés et les affaires contractuelles conformément aux règles de transparence, de publicité, de concurrence et d’enquête.

Élargir l’acception de capacité et d’intérêt d’ester en justice devant le Conseil d’État pour garantir la légalité. La jurisprudence actuelle du Conseil d’État varie d’une chambre à l’autre et tend à restreindre la capacité et l’intérêt au point d’entériner, dans de nombreux cas de figure, des décisions administratives qui présentent des vices de droit, faute de personnes ayant la capacité et l’intérêt à présenter un pourvoi contre ces décisions. La proposition de loi se traduit au contraire par la rédaction de textes de loi qui garantissent la légitimité et protègent l’intérêt public par l’élargissement de l’accès à la justice judiciaire pour les justiciables dans ce domaine, sans pour autant transformer le pourvoi en un procès populaire.

Conformité des règles de procédure qui régissent les procès aux principes du procès équitable

Introduire le principe du juge naturel, de sorte que les juges de la formation soient nommés sur la base des critères prévus par la loi, et exiger que leur nom soit communiqué lors de l’introduction de l’action. Cela permettrait d’empêcher la permutation des juges de la formation selon la volonté du président de la chambre, ou de dissimuler l’identité des juges de la formation comme c’est le cas actuellement.

Raccourcir les délais d’échange des mémoires, ce qui contribuerait à l’accélération des procès administratifs.

Introduire le principe du double degré de juridiction en consacrant le droit d’un pourvoi en cassation afin d’unifier la jurisprudence, le Conseil d’État étant à ce jour un tribunal administratif qui statue souvent en première et dernière instance, et dont les décisions ne peuvent faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Consacrer le caractère public et l’oralité des débats, au moins partiellement, par un appel adressé par le président aux parties les invitant à une audience publique au cours de laquelle la phase d’enquête est effectivement clôturée. De telles mesures sont destinées à consacrer le principe des audiences publiques et orales comme dans les procédures civiles et pénales, et à renforcer le principe du contradictoire et les droits de défense dans des plaidoiries devant les juges de la formation du jugement et, par conséquent, les conditions d’un procès équitable. La nature publique des audiences est un principe de base qui conduit à la protection des justiciables contre une justice secrète. Il s’agit d’une condition démocratique majeure et nécessaire à la transparence de la justice.

Garanties d’efficacité et d’exécution des décisions

Afin de garantir l’efficacité et la bonne exécution des décisions, le juge administratif devrait être doté du pouvoir d’adresser des injonctions à l’administration, alors qu’il ne dispose pas de cette prérogative dans la loi actuelle. Le pouvoir du juge se limitera ainsi à forcer l’administration à prendre une mesure déterminée conformément à sa décision, comme c’est le cas dans le droit français, afin d’éviter que le juge ne remplace l’administration. La proposition de loi confère également au juge le pouvoir d’imposer une astreinte en cas d’inexécution de la décision

Comme nous l’avons déjà expliqué dans le préambule de ce numéro, le Legal Agenda a rédigé un projet de loi qu’il a appelé « la loi sur l’indépendance et la transparence de la justice judiciaire », qui a été adopté par un groupe de parlementaires et fait actuellement l’objet de discussions au sein de la commission de l’Administration et de la Justice. Le Legal...
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