Le patriarche maronite, Béchara Raï, a accusé dimanche certaines parties d'envoyer des "fauteurs de troubles" lors des manifestations afin de "dénaturer la révolution" des Libanais, lesquels réclament depuis sept mois le départ de toute la classe politique, accusée de corruption, et crient leur colère face à la crise économique et financière. Dans son homélie, le dignitaire maronite a demandé à ces formations politiques de rappeler leurs "émeutiers" avant que le pays "ne glisse vers la sédition".
Mgr Raï a tenu ces propos alors que pendant plusieurs jours de suite les mouvements de contestation organisés, notamment à Beyrouth et à Tripoli, se sont transformés en échauffourées avec l'armée et les forces de l'ordre.
De Bkerké, le patriarche a estimé que le Liban "traverse une période difficile" de son histoire, telle qu'il n'en a pas connue au cours de ses cent ans d'existence. Il s'en est pris dans ce cadre avec virulence aux responsables politiques, administratifs et partisans, qu'il a notamment accusés de poursuivre sur la voie de la logique du partage du gâteau, qui "bafoue les lois et la justice, pille les fonds publics, vide les caisses de l'Etat, appauvrit le peuple et jette les jeunes, affamés, dans la rue".
"A vous, qui vous dissimulez derrière des fauteurs de troubles suspects qui défigurent la véritable révolution, nous vous demandons de cesser d'envoyer des manifestants suspects" dans les rues du Liban, a lancé le cardinal maronite. "Si vous avez un tant soit peu de conscience, retirez ces personnes de la rue afin d'éviter que le pays ne glisse dans la sédition", a-t-il lancé.
Crise de confiance
Le cardinal Raï a encore souligné que le Liban connait actuellement un crise de confiance entre le peuple et l'Etat. "La confiance du peuple doit être la source de tous les pouvoirs. Actuellement, le peuple a confiance en la nation, mais par contre, sa confiance en l'Etat est quasiment inexistante, a-t-il lancé. La confiance en la démocratie est grande, mais la confiance dans la performance des politiques et des institutions est faible", a-t-il ajouté.
Le patriarche a donc appelé, à nouveau, les responsables à "ressentir les souffrances" des Libanais, qui "ont faim et craignent autant pour leur présent que pour leur avenir". "Vous avez promis des réformes, mais la corruption a augmenté, vous avez renforcé la logique des luttes d'influence communautaires", a-t-il accusé. Il a affirmé dans ce cadre que l'Eglise "oeuvre à renouveler l'identité du pays, à l'occasion notamment du centenaire du Grand Liban". Et de souligner qu'il ne soutient le gouvernement qu'"à une seule fin : qu'il entende enfin la voix du peuple qui veut un Etat qui chapeaute tout le monde". Il a ajouté que les Libanais réclament en outre "des nominations qui n'avantagent pas les politiciens et leurs intérêts", et un cabinet qui lance les réformes réclamées notamment par la communauté internationale.
Ces derniers jours, des centaines de contestataires sont à nouveau descendus dans la rue, lors de rassemblements et manifestations, afin de crier leur colère contre la crise socioéconomique. Hier, ces manifestations ont viré à l'émeute à Tripoli, tandis que vendredi, des affrontements ont eu lieu avec les forces de l'ordre après des actes de vandalisme dans le centre-ville de Beyrouth.
La crise économique au Liban est la plus grave depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Le chômage touche plus de 35% de la population active et plus de 45% vit sous le seuil de pauvreté, selon le ministère des Finances. La dépréciation de la livre a entraîné une explosion de l'inflation. Le 17 octobre 2019, une révolte populaire sans précédent avait éclaté, réclamant la chute du pouvoir. Cette crise a été exacerbée par la pandémie du coronavirus. Plus de trois mois après la formation de son gouvernement, Hassane Diab n'a toujours pas réussi à alléger la crise ou obtenir la confiance de la rue. Il doit également faire face aux pressions à l'intérieur de son équipe, et celles en provenance de ses parrains politiques au pouvoir, ainsi que des partis de l'opposition.
Il pourrait commencer par aller confesser ses propres péchés, ya du boulot!
00 h 16, le 15 juin 2020