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Nos Lecteurs ont la Parole

Confinement vs condoléances

Il nous manquait le Covid-19 et le confinement qu’il a engendré pour perturber nos bonnes (ou mauvaises) habitudes et nos traditions. Et pas n’importe lesquelles !

S’agissant certes de condoléances, je connais une flopée d’hommes, et surtout de femmes, qui depuis le confinement grincent des dents lorsqu’ils jettent un coup d’œil furtif, mais fortement intéressé, sur la rubrique nécrologique de notre presse quotidienne. Nous savons que nombre de « lecteurs » ne parcourent les pages des journaux ou ne s’y abonnent que pour avoir ces annonces sous les yeux chaque jour que Dieu a créé. Savoir qui a trépassé est une priorité. Au pays du Cèdre, la famille de la personne défunte « reçoit » les condoléances, au bas mot trois jours durant, dans ces fameux « salons » d’église qui ont trouvé la panacée avec ces « réunions-réceptions », osons le dire, qui viennent gonfler les revenus des paroisses.

Et lorsqu’il s’agit de « personnages » importants qui décèdent, comprenez des politiciens, des « zaïms », des « beks », des « estaz » ou des hommes d’affaires qui pèsent lourd dans la balance… ces hauts placés dans la pyramide sociale auront droit à des condoléances qui s’étaleront entre leur ville ou village d’origine, et la capitale bien entendu.

Et pourquoi donc ? Afin de ne pas obliger les personnes tout aussi « importantes » à se déplacer trop loin lorsque le village d’origine du défunt se trouve aux confins du pays. Bref, dans certains cas très particuliers, les condoléances pourront s’étaler sur une semaine entière. Et les gens du monde ne rateront pas l’occasion d’aller présenter leurs sincères condoléances dans tous ces lieux.

Alors, pourquoi ce circuit mondain grince-t-il des dents depuis le confinement ?

Vous l’aurez certes deviné : le confinement a entraîné l’annulation pure et simple des condoléances. Non seulement les lieux de culte sont fermés, mais les rassemblements sont interdits.

Et donc ? Toutes ces personnes qui, en temps normal, courent pour faire acte de présence, pointer aux heures de grande affluence, voir et être vues, et rencontrer des gens qui pourraient être « intéressants » (!?), connaître les derniers potins de la ville et que sais-je encore…

Ces gens du monde doivent aujourd’hui se résigner à plus de simplicité et se contenter d’un simple appel téléphonique amical…

Alors que les dames – en particulier – avaient pris la bonne habitude de consacrer une garde-robe spécialement prévue pour de telles circonstances…

Que vont-elles faire de leurs tailleurs noirs et autres minijupes moulantes, quand bien même noires ? Quid de leur indispensable et incontournable sac Chanel acquis principalement en vue de ces fameuses « visites de condoléances » ? Que dire de leurs stilettos à talons aiguille noirs? Sans oublier la semelle rouge qui ne passera pas inaperçue tant que ces dames croiseront les jambes et laisseront leur pied se balancer discrètement, mais jamais sans glamour…

En ces temps si durs, on enterre ses morts dans la plus stricte intimité.

N’est-ce pas donc ce qui aurait dû se faire depuis belle lurette ? Quoi de mieux pour la famille du défunt que de pouvoir se recueillir paisiblement, tranquillement autour de lui ? Prier et l’enterrer en paix. Et pouvoir pleurer sans fausse dignité toutes les larmes de ses yeux… au cimetière pour un dernier adieu.

Il faut espérer que nous continuerons à enterrer nos morts dans la plus stricte intimité après la pandémie de Covid-19. Et que nous mettrons fin à cette « tradition » qui n’a absolument plus sa raison d’être. Si nous prétendons être un peuple « civilisé »… Prouvons-le.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire…

Lorsqu’ il s’agit de personnes intimes, deux moments sont particulièrement propices pour présenter ses condoléances de vive voix : pendant la veillée funéraire ou au moment de la levée du corps. Notre présence à la cérémonie est certes de rigueur. Il est également conseillé, sans attendre, de passer un coup de téléphone peu après avoir appris le décès. Nous pouvons proposer une visite sans jamais l’imposer.

Un excellent exemple à suivre chez nous Libanais.

Si l’on ne connaît pas la personne décédée et qu’il s’agit de simples relations sociales, de voisins ou de collègues de travail – ce qui est le plus fréquent au pays du Cèdre –, proposer d’en savoir plus sur la personne défunte est un signe d’intérêt, de délicatesse, voire de gentillesse à l’égard des membres de sa famille. Sachant que suivant nos traditions quelque peu archaïques, on ne peut même pas prendre place auprès des personnes endeuillées, ni même leur adresser la parole… En fait, la famille du défunt passe de longues heures à se lever et s’asseoir pour serrer des mains…

L’échange se limite à ce menu geste dénué de toute empathie. Nous ne savons que trop comment sont disposées les chaises dans ces salons d’église…

Alignées, dos à dos… On prend place là où l’on trouve une chaise vide… de préférence à côté de personnes que l’on connaît afin de pouvoir « bavarder » un tant soit peu. Il arrive que l’on se retrouve assis seul. Et le plus souvent, les gens se tournent le dos ou se regardent en chiens de faïence !

Nos morts ont la nostalgie de l’époque où nous leur rendions un dernier hommage chez eux, de ces temps où la levée du corps avait lieu au domicile du défunt…

Quoi de plus humain ? Quoi de plus naturel ?

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Il nous manquait le Covid-19 et le confinement qu’il a engendré pour perturber nos bonnes (ou mauvaises) habitudes et nos traditions. Et pas n’importe lesquelles ! S’agissant certes de condoléances, je connais une flopée d’hommes, et surtout de femmes, qui depuis le confinement grincent des dents lorsqu’ils jettent un coup d’œil furtif, mais fortement intéressé, sur la rubrique...
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