La livre libanaise frôlait jeudi le seuil des 5 000 livres pour un dollar sur le marché noir, selon l'AFP qui cite trois sources, poursuivant sa dégringolade malgré les tentatives des autorités de juguler cette chute dans un pays en plein naufrage économique. Cette dépréciation intervient au moment où le gouvernement négocie avec le Fonds monétaire international (FMI) une aide pour enrayer l'effondrement économique, un des vecteurs du soulèvement inédit déclenché en octobre contre la classe politique, accusée de corruption et d'incompétence. Officiellement, la monnaie nationale est indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1 507 livres pour un dollar, mais depuis l'automne elle poursuit sa chute.
Jeudi à Beyrouth un changeur s'exprimant sous couvert de l'anonymat a indiqué à l'AFP acheter le dollar à 4 800 livres, pour le revendre à 5 000 livres. Un autre, en banlieue, achetait le dollar à 4 850 livres, tandis que dans le sud du pays, un client a assuré avoir vendu des dollars au taux de 4 750 livres. Officiellement, le syndicat des bureaux de change a fixé pour jeudi l'achat d'un dollar à 3 890 livres, contre un plafond à la vente de 3 940 livres. Mercredi, les acteurs illégaux achetaient des dollars à 4 400 livres en moyenne pour les revendre à 4 600 livres.
Face à cette dégringolade et pour protester contre l'arrestation de plusieurs changeurs ces dernières semaines, des bureaux de change ont fermé leurs portes dans la rue Riad Solh, à Saïda, au Liban-Sud. Dans ce contexte, la Sûreté de l'Etat a effectué pour le troisième jour consécutif sa tournée d'inspection dans la localité pour s'assurer de l'adoption du taux fixé par le syndicat des changeurs, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Dans la matinée, deux sits-in de protestation ont été organisés à Mina, près de Tripoli, au Liban-Nord, ainsi qu'à Taanayel, dans la Békaa.
Pour tenter de stopper la dégringolade de la livre libanaise, la Banque centrale lance le 23 juin une plate-forme électronique pour surveiller les transactions sur le marchés, les changeurs devant y enregistrer toutes leurs opérations.
La crise économique au Liban est la plus grave depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Le chômage touche plus de 35% de la population active, tandis que plus de 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon le ministère des Finances. La dépréciation a entraîné une explosion de l'inflation qui touche notamment les importations, que ce soit pour l'électroménager, l'ameublement ou les pièces de automobiles.
Nabil, 64 ans et à la retraite, souffre de l'érosion de son pouvoir d'achat. En allant acheter un frigidaire, le vendeur a réclamé "1 200 dollars ou l'équivalent au taux de 5 000 livres, soit six millions de livres", explique-t-il. "C'est le double de ce que je reçois chaque mois pour ma retraite".
Les autorités espèrent obtenir neuf milliards de dollars du FMI, outre 11 milliards de dollars promis en 2018 lors de la conférence CEDRE organisée à Paris.
Le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) a averti lundi que le Liban avait besoin d'une aide internationale pour sortir de la crise, soulignant que cette assistance devait être conditionnée à l'adoption des réformes longtemps ignorées par la classe politique.
commentaires (8)
Ils vont encore arrêter des changeurs...,! Plus stupide tu meurs !
LeRougeEtLeNoir
23 h 59, le 11 juin 2020