Mauvaises habitudes et révolte

« On s’habitue à tout, même à ce que l’on n’acceptera jamais. »

Claude Charron

Ce que le peuple libanais vit depuis des dizaines d’années est de l’ordre de la manipulation mentale. Nos dirigeants nous ont fait pendant des décennies un lavage de cerveau insidieux pour nous amener à accepter l’inacceptable et à s’y accommoder, à subir les pires vexations et injustices et à acquiescer à ce que toute personne normalement constituée aurait jugé, sous d’autres cieux, comme proprement révoltant.Déjà durant les quinze années de guerre civile, le peuple s’était habitué à vivre sous les bombes, à passer la plupart des nuits dans les abris, à voir ses compatriotes s’entretuer, ses infrastructures détruites.

Cela l’a rendu apathique et prêt à tout accepter pourvu qu’on lui laisse quelques heures de répit par jour, afin de pouvoir dormir un peu ou faire ses achats de première nécessité.

Puis au sortir de la guerre, les mêmes qui avaient conduit cette entreprise de tueries et de destructions et qui avaient profité de l’économie de guerre ont continué à tenir les rênes du pouvoir, à mettre l’économie et les finances du pays en coupe réglée et à se partager les fruits de la reprise économique et de la reconstruction.

Et là, le peuple, qui avait subi dans sa chair et dans ses biens les pires atrocités, exultait à l’idée que les horreurs de la guerre étaient finies ; il était à nouveau prêt à subir d’autres vexations, mais moins meurtrières et moins destructrices, et à considérer comme normal :

– que le courant électrique ne soit fourni qu’une partie de la journée et que pour le reste du temps, il soit obligé de s’abonner à un générateur électrique.

– que l’eau courante soit souvent coupée et qu’il faille payer l’eau supplémentaire nécessaire livrée par des citernes sans aucune hygiène.

– que les ordures s’amoncellent dans les rues et que les décharges publiques dégagent leurs odeurs pestilentielles en pleine ville.

– qu’enfin les banques refusent de lui restituer ses propres fonds, le fruit de son labeur, qu’il en arrive à les supplier, à faire la queue des heures et même des jours pour se voir délivrer quelques billets parcimonieusement remis.

Et nous continuons à trouver tout cela quasiment normal. Nous sommes devenus un peuple endormi, sous hypnose. Nous n’existons plus, pour le plus grand bonheur de cette clique de pilleurs qui nous gouvernent et qui restent accrochés au pouvoir depuis des décennies. Nous nous sommes habitués à écouter et à croire les mensonges les plus éhontés et les promesses les plus fallacieuses.

Arrêtons de tout supporter, arrêtons de fermer les yeux, révoltons-nous jusqu’à la naissance d’un nouveau Liban dont les générations futures seront fières.

Seule la révolte peut nous rendre des êtres humains, dignes de vivre et d’exister car comme le dit si bien Albert Camus : « Je me révolte donc nous sommes. »

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