À Tripoli, la rue est en ébullition depuis un moment déjà. Et le décès, hier, de Fawaz Samman (26 ans), le jeune manifestant grièvement blessé la veille par balle, a fait un peu plus monter la colère. Routes bloquées, jets de pierres contre les soldats et les policiers déployés dans la capitale du Liban-Nord pour y maintenir l’ordre, banques incendiées... Hier après-midi, Tripoli était, pour la seconde journée consécutive, le théâtre de scènes de guérilla urbaine.
Depuis lundi soir, Tripoli est le théâtre d’affrontements entre protestataires et armée. Le bilan du premier round de violences, lundi soir, était de 27 blessés, dont Fawaz Samman, qui a succombé le lendemain à ses blessures par balles. L’armée a annoncé avoir ouvert une enquête. Au cours des dernières 48 heures, des banques ont été vandalisées, d’autres ont été incendiées et plusieurs véhicules appartenant à la troupe ont été endommagés. Hier, plusieurs blessés étaient de nouveau à déplorer, dont sept ont dû être évacués vers des hôpitaux par la Croix-Rouge libanaise, selon un communiqué de la CRL. Aucun bilan officiel n’était disponible en début de soirée.
Tout a commencé avec des rassemblements organisés pour protester contre l’inflation record, sur fond de dépréciation brutale de la valeur de la livre, dans un contexte général de crise socio-économique qui étouffe une des villes les plus pauvres du Liban. La nuit de lundi à mardi dans la capitale du Liban-Nord a été particulièrement tendue lorsque la manifestation organisée après l’iftar a dégénéré en affrontements avec l’armée. Aux premières lueurs de l’aube, l’annonce du décès de Fawaz Samman, ponctuée de tirs en l’air en signe de colère, a plongé la ville dans une tristesse amère et attisé la colère des habitants.
Après les funérailles du jeune père de famille, organisées en début d’après-midi au milieu d’une foule dense venue lui rendre un dernier hommage en dépit de la menace du coronavirus, la tension est montée d’un cran. « Fawaz était descendu dans la rue pour réclamer ses droits. Il n’était pas armé et n’a pas jeté de pierres contre les soldats », a alors lancé sa sœur, Fatima, aux médias présents, avant d’assurer que la révolution se poursuivra. Hier, dans la journée, le commandement de l’armée a exprimé ses regrets pour la mort du jeune Fawaz et présenté ses condoléances aux proches de la victime, accusant des « éléments infiltrés » d’être à l’origine des troubles et des actes de vandalisme. Une fois la victime inhumée, un groupe de manifestants a une nouvelle fois vandalisé et incendié plusieurs agences bancaires, notamment celle de la Banque Libano-Française (BLF). L’armée s’est alors déployée dans le quartier de Tall, faisant usage de bombes lacrymogènes, afin de repousser les contestataires.
Un manifestant portant un masque devant une banque mise à feu à Tripoli. Omar Ibrahim/AFP
Une manif qui se voulait violente
Depuis le déclenchement du soulèvement populaire le 17 octobre 2019, il est arrivé que des manifestations pacifiques à Tripoli, comme dans tout le Liban, finissent par dégénérer en affrontements entre manifestants et militaires, accompagnés d’actes de vandalisme contre des banques. Lundi soir, la violence était au rendez-vous dès le début de la manifestation. C’est sous le slogan « Ça va être dévastateur », allusion faite à la nature de la manifestation, que l’appel au rassemblement avait été lancé quelques heures plus tôt.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, un activiste se revendiquant d’un mouvement de gauche et ayant requis l’anonymat raconte le « programme » qui avait été prévu pour la nuit : « Selon un plan esquissé par quatre groupes de la révolution, dont un groupe de gauche, nous étions censés nous rassembler sur la place Abdel-Hamid Karamé (al-Nour), puis nous diriger vers la rue des Banques, la route qui mène vers al-Mina, puis vers la résidence de l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, avant de retourner protester devant le siège de la Banque du Liban à Tripoli. » Selon la même source, durant cette tournée, les manifestants devaient vandaliser les banques et protester devant les résidences des leaders de Tripoli le le long de ce trajet. Toujours suivant la version donnée de même source, des groupes « manipulés par des partis politiques et des appareils sécuritaires ont tenté de dévier le chemin des protestataires en voulant les pousser à protester uniquement devant la maison du député Fayçal Karamé », proche de la mouvance du 8 Mars. « Nous rejetons cette déviation qui vise à régler des comptes entre les différents partis politiques », affirme le jeune activiste, avant de poursuivre : « Notre lutte n’est pas sectaire, c’est une lutte de classe opposant le peuple libanais qui croule sous le poids de la pauvreté, au secteur bancaire qui est à l’origine de la détérioration de la situation économique. »
Révolutionnaires ou fauteurs de troubles ?
À la question de savoir si des éléments infiltrés étaient à l’origine des actes de vandalisme et des affrontements avec l’armée, un autre activiste de gauche répond : « Dans toutes les manifestations populaires, partout dans le monde, certains protestent pour revendiquer leurs droits alors que d’autres servent d’instruments aux services sécuritaires. » Abondant dans le même sens, un jeune activiste à la tête d’un groupe de la révolution s’interroge : « La polémique autour de la présence de fauteurs de troubles au sein de la foule perdure depuis le 17 octobre. Les services de sécurité ne sont-ils pas capables d’identifier ces personnes et de les arrêter ? »
« Les habitants pauvres de Tripoli n’ont plus de quoi manger. Ils protestent parce qu’ils ont faim », insiste-t-il. « J’ai vu des hommes pleurer hier (lundi) sur la place al-Nour », déplore-t-il encore, avant de poursuivre : « Cette révolution ne devrait pas être appelée la révolution de la faim, mais la révolution de la dignité. » Joint au téléphone par L’OLJ, Abou Mahmoud Chok, président du groupe de contestataires baptisé Horras al-Madina (Les gardiens de la ville), affirme que les tirs en l’air à balles réelles ont commencé un peu moins d’une heure après le début du rassemblement sur la place. « Je ne justifie pas la violence, mais je comprends la frustration des gens qui n’en peuvent plus », lance-t-il. « Cela fait six mois que nous manifestons pacifiquement et que nous revendiquons nos droits les plus élémentaires sans qu’aucun plan ne soit élaboré et sans qu’aucune mesure ne soit prise pour remédier à la situation », dit-il avant d’ajouter : « Avec la dégringolade continue de la livre libanaise face au dollar et la forte inflation des prix à la consommation, les Libanais sont de plus en plus pauvres. » Selon un activiste de gauche, les prochaines 48 heures seront décisives : « Nous saurons bientôt à quoi ressembleront dorénavant les mouvements de protestation au Liban ! »
M. Hariri est de retour et les cours par correspondence sont suspendus , maintenant c’est direct Tripoli , Saida et un peu la Bekaa. On ferme les yeux et on recommence : Houla Houla Hop ,on crée des martyres,on manifeste , on casse, et puis on ouvre les yeux : Surprise notre lapin de la paix sort du chapeau en tenant un billet de couleur vert : valeur 4500 et … LL au 29/4/2020. Ho les manifestants et pauvres continuer comme ça demain vous allez devenir trés riche .
09 h 49, le 29 avril 2020