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Nos Lecteurs ont la Parole

Tous chez le coiffeur !

Il ne suffit plus de vivre l’angoisse quotidienne d’un virus mutant qui menace de nous contaminer à chaque sortie ou rencontre. Voilà maintenant que depuis quelques jours le danger du « haircut » refait surface et vient hanter les nuits des Libanais qui, croulant sous le poids des fléaux qui se sont abattus en salve ces derniers mois, avaient un peu mis de côté cette menace.

Je ne suis ni avocate, ni financière, ni juriste, ni banquière. Je ne suis que la fille d’un honnête homme de 73 ans qui, parti avec quelques livres libanaises – à l’époque elles valaient bien plus qu’aujourd’hui –, a travaillé dur toute sa vie, exilé comme tant d’autres, pour assurer une vie décente à sa famille et une retraite paisible, bien méritée dans sa montagne bien-aimée au Liban. Un honnête homme qui, comme tant d’autres, a souffert l’éloignement et les longues heures de travail dans des conditions difficiles pour essayer de construire ce que son propre pays n’a pas pu l’aider à accomplir. Un honnête homme qui n’est ni un fils de ni un escroc mafieux, mais qui comme tant d’autres, à la sueur de son front, a gagné proprement son argent et en connaît par conséquent pleinement la valeur.

Ce que je suis, c’est une fille parmi tant d’autres qui essaye tant bien que mal de rassurer ses parents, déjà fatigués par l’âge et les dures épreuves de la vie, sur l’avenir incertain de leurs finances, vivant leurs angoisses et leurs peurs, les voyant feindre le calme pour cacher leurs tourments à leurs enfants, ulcérant à chaque annonce médiatique. Je ne suis qu’une fille parmi tant d’autres attristée de voir qu’à leur retraite, étape de la vie qu’ils avaient préparée avec fierté, ils devaient profiter de leurs dernières belles années. Mais au lieu de cela, leur tranquillité et leur santé se détériorent à cause d’ignobles individus qui, après avoir volé et mis en faillite leur propre pays et affamé leurs propres concitoyens, tentent de « sauver la situation » (ou plutôt de se sauver) en proposant de piller sournoisement ce qui reste à piller.

Au nom de la loi qui « condamnerait toute atteinte aux comptes des dépositaires comme un acte issu d’un pays de non-droit et en ferait par conséquent un acte terroriste » ; au nom de l’éthique et de la morale qui refuseraient d’adhérer au larcin et à l’escroquerie sans aucun scrupule d’un argent qui n’appartient qu’à ses propriétaires ; au nom de la sueur versée par les honnêtes gens pendant des années pour acquérir une sécurité financière pour leur retraite ; au nom de toute la souffrance accumulée par les Libanais de la diaspora trop souvent obligés de s’exiler pour gagner leur vie ailleurs ; au nom des sommes, quel qu’en soit le montant, confiées à un système bancaire devenu au fil des années défaillant « grâce » à leurs têtes, aux voleurs et aux menteurs de tout gabarit qu’on vantait d’être des « pointures mondiales » de la finance; au nom de l’espoir que nous, Libanais, plaçons – non dans ce gouvernement et ces banquiers définitivement incompétents à diriger un État et qui n’ont fait que nous enfoncer depuis des années –, mais dans nous-mêmes; au nom du bain de sang qui risquerait de couler faisant exploser le bilan macabre des victimes s’ajoutant à celles du coronavirus ; et enfin, au nom d’Allah, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit : offrons à ces malotrus une visite chez le coiffeur, inoubliable pour eux et le reste du monde, mémorable pour l’histoire de notre pays.

Rafraîchissons la barbe de ces vermines, rasons toutes les mauvaises herbes, balayons et récupérons leurs biens illégalement acquis, décolorons leur teint pour le rendre livide de peur, séchons leur compte bancaire, dégradons-les comme ils nous ont dégradé et coupons-leur les vivres afin que ce « haircut » soit aussi glorieux que la leçon que nous allons leur donner! Chers Libanais, fiers et révoltés, chers avocats, chers hommes de droit, chers financiers, le peuple croit en votre compétence, votre honnêteté et votre force ! C’est maintenant à votre tour de vous mobiliser, tout comme le corps médical se mobilise pour nous sauver du Covid-19, pour exiger le rapatriement de l’argent évadé, l’explication des fortunes de certains politiciens, l’emprisonnement des fraudeurs et la restructuration de la dette sans qu’un seul dollar ou livre libanaise ne soit prélevé aux dépositaires ni converti dans une autre devise puis dévalué, ou je ne sais quelle manigance encore.

Nous devons nous serrer les coudes – à distance – pour nous sortir de cette situation dramatique et illégale qui ne fait qu’ajouter aux injustices qui ont fait naître la thawra.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour.

Il ne suffit plus de vivre l’angoisse quotidienne d’un virus mutant qui menace de nous contaminer à chaque sortie ou rencontre. Voilà maintenant que depuis quelques jours le danger du « haircut » refait surface et vient hanter les nuits des Libanais qui, croulant sous le poids des fléaux qui se sont abattus en salve ces derniers mois, avaient un peu mis de côté cette menace....
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