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Culture - Initiative

Une semaine, un sujet, cinq minutes et cinq cinéastes

Cinq réalisatrices et réalisateurs libanais ont été choisis par l’ONG International Media Support (IMS) afin de raconter leurs expériences en temps de confinement à travers des courts-métrages de cinq minutes déjà diffusés par le média libanais en ligne Daraj*.


L’actrice Marwa Khalil dans « Après l’orgie » de Mahmoud Hojeij. Photo DR

« Vivre à l’époque du coronavirus » est un concept audiovisuel lancé par l’ONG International Media Support basée au Danemark pour offrir un autre regard, d’autres histoires et des récits plus personnels sur le confinement. Cinq cinéastes libanais ont ainsi été sélectionnés par le programme arabo-danois de l’IMS pour créer des courts-métrages. Ils donnent ainsi la clef pour entrer dans leur univers, saisir leurs réflexions mais aussi leurs angoisses et leur colère. Et racontent des histoires que les gens peuvent partager en s’y reconnaissant, car le rôle de tout artiste est d’inspirer les autres par sa propre vision des choses.

Pour l’IMS, il était important de représenter cette pandémie qui touche la planète entière sous une autre forme que celle des médias qui abreuvent chaque jour les écrans et les ondes de chiffres et de nouvelles trop souvent impersonnelles où peu de place est accordée à l’humain et à son ressenti. L’homme s’y voit souvent représenté en graphes, flèches montantes et descendantes ou plateaux. Mais qu’en est-il de son vécu de tous les jours, de son quotidien plongé dans l’inconnu ?

Les cinq cinéastes participants et participantes, Carole Mansour, Zeina Sfeir, Lamia Joreige, Ghassan Salhab et Mahmoud Hojeij, bien connus du public libanais et international, se sont donc soumis aux conditions de cet exercice filmique proposé par l’IMS. Il s’agissait de faire en une semaine un film de cinq minutes environ – quel que soit le medium, caméra ou smartphone – sur le sujet lié au coronavirus. Chacun était libre de décider de l’histoire, de l’angle et du style et pouvait le faire seul ou en s’aidant d’un ami. Même la musique, si elle est employée, devait être handmade. Les participants devaient respecter une distanciation avec les autres pour éviter la transmission du virus. Le projet, intitulé donc « Living in Times of Coronavirus », déjà diffusé sur le média en ligne Daraj*, offre une palette variée de récits et établit un état des lieux de la situation actuelle au Liban.

Carole Mansour, « Covid-eo Diary »

Elle a travaillé dix ans comme monteuse, réalisatrice et productrice pour une chaîne de télévision libanaise avant de fonder Forward Productions, société à travers laquelle elle produit des documentaires, des vidéoclips et des CD de musique. Les nombreux documentaires de Carole Mansour, notamment Stiching Palestine, abordent souvent des sujets sociaux. Dans son Covid-eo Diary, elle filme ses balades en voiture dans une Beyrouth vide et met en parallèle le temps, beau ou pluvieux du mois de mars, sa gaieté et ses incertitudes – « qu’adviendra-t-il de demain alors que la capitale libanaise sort d’une révolution inachevée et interrompue par le coronavirus ? » Enfin, elle compare également avec beaucoup d’humour les contraintes de la consommation (comme par exemple devoir porter un soutien-gorge pour une femme) avec la liberté totale.

Zeina Sfeir, « Du cancer au corona »

La diplômée de l’Iesav surfe entre la réalisation de documentaires (Nkayé bil harb), la communication de plusieurs festivals étrangers comme celui de Dubaï, de Marrakech, mais aussi ses activités en tant que membre de l’association culturelle Beirut DC et de Metropolis et d’autres encore.

C’est en plongeant dans des home videos intimes et familiales faites à la maison qu’elle a l’idée de donner forme à ce petit film touchant et très émouvant intitulé en français Du cancer au corona et en anglais Between the Devil and the Deep Blue Sea. Ses parents ayant été gravement malades avant de décéder, Zeina Sfeir était obligée de s’occuper de leurs papiers administratifs, plus particulièrement ceux de sa maman, disparue récemment. Lourde tâche pour celle qui a déjà l’angoisse de s’occuper d’un malade. C’est à partir de là que l’idée du film a surgi. Ce retour en arrière la fait donc se questionner sur l’état des malades du coronavirus. Réalité et virtuel, passé et présent mais aussi présence et absence, tout se mélange dans des strates de film qui s’infiltrent dans les couloirs du temps et dans les émotions enfouies du spectateur.

Lamia Joreige, « Nuits et journées en temps de pandémie »

Artiste visuelle et cinéaste libanaise, Lamia Joreige a été également cofondatrice et codirectrice du Beirut Art Center.

Les œuvres de cette diplômée de la Rhode Island School of Design (Providence) sont largement diffusées depuis la fin des années 1990. En revisitant l’espace extérieur en temps clos, l’artiste se met à réfléchir sur les différentes interrogations qui la hantent. Comment raconter le vide silencieux du corona après le vacarme bavard de la révolution ? Quelle est la place de l’art au présent et même au futur ? Enfin, comment étreindre, embrasser ? De multiples questions spontanées et en vrac qui lui traversent l’esprit et qu’elle partage avec son audience.

Mahmoud Hojeij, « Après l’orgie »

Pour Mahmoud Hojeij (réalisateur de Stable, Unstable), on ne peut pas dissocier les disciplines artistiques l’une de l’autre. Le cinéma, la peinture, la musique ou les installations contemporaines sont autant de langages différents au service de l’art. L’image peut être véhiculée par la musique, le son ou la photo. C’est donc sur fond de musique lourde et de deux images répétitives se succédant – un frigo qui s’ouvre et une personne qui mange gloutonnement – qu’il a articulé son opus Après l’orgie. Un court-métrage visuel où tous les sens sont vecteurs d’émotions. Chez le cinéaste, la caméra reste fixe et les comédiens (ici, Marwa Khalil) font le reste en créant ces émotions-là.

Ghassan Salhab, « Rear Window »

Depuis qu’il est retourné au Liban de son Dakar natal, Ghassan Salhab réalise des films de la perception, et comme disait Abbas Kiarostami, « un cinéma où il y a plein de trous qui vous donneraient envie de les remplir, ou pas ».

Le cinéaste privilégie dans son travail l’image éloquente, le silence bavard, les plans qui parlent et les angles qui vibrent. L’image chez lui offre à son audience (envers laquelle il a un immense respect) une liberté totale, lui donnant d’innombrables possibilités d’interprétation, en ouvrant ou refermant les champs de vision (La Montagne, La Vallée…). Salhab se suffit de donner des repères, des clefs. Au spectateur de découvrir le reste. Dans son Rear Window, il se fait non voyeur comme dans le film de Hitchcock, mais observateur. Observateur des secrets de la nuit, où ce « faisceau lumineux », qui l’a mis sur la route du cinéma et qui le poursuit depuis, éclaire les fenêtres qui abritent des vies ; du jour qui s’infiltre à travers des immeubles ; mais aussi de la rue qui s’est calmée après la tempête du 17 octobre qui a soufflé sur Beyrouth. Et qui soufflera probablement à nouveau.

*À l’adresse : https://daraj.com


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