La livre libanaise poursuivait mercredi sa chute, en atteignant le taux-record des 3 350 LL contre un dollar américain, au lendemain de la publication par la Banque du Liban (BDL) d'une nouvelle circulaire réglementant les retraits effectués à partir de comptes en devises, et alors que le Liban traverse une crise économique et financière sans précédent depuis 30 ans, aggravée par la crise du coronavirus (Covid-19).
Selon le site lebaneselira.org qui compile les données et dessine l'évolution du taux de change depuis novembre dernier sur les marchés officiel, parallèle et noir, les bureaux de change achètent aujourd'hui un dollar à 3200 L.L. et le vendent à 3350 L.L. Ce taux est plus du double du taux officiel de change, la monnaie nationale étant indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1507 livres. Une circulaire de la Banque centrale en mars avait pourtant plafonné le taux de change sur le marché parallèle à 30% de plus que le taux officiel, soit un peu moins de 2.000 livres pour un dollar. La barre des 3.000 LL pour un dollar avait été atteinte la semaine dernière.
Dans sa septième circulaire publiée depuis le début du mois, la BDL ouvrait la possibilité à tous les clients de banques titulaires de comptes en devises, peu importe leur montant, de convertir en livres et au "taux du marché" les sommes qu’ils souhaitent retirer en espèces. Cette mesure sera applicable immédiatement pour une durée de six mois. La nouvelle circulaire précise en outre que les limites des sommes pouvant être retirées seront fixées par chaque établissement, qui devra "publier chaque jour le taux applicable" pour ce type d’opérations.
La publication de cette nouvelle circulaire intervient alors que les banques ont totalement suspendu les retraits d’espèces en devises depuis le début de l’état d’urgence sanitaire décrété le 15 mars pour lutter contre le Covid-19. Le secteur bancaire avait d’ailleurs fortement restreint les plafonds de ce type d’opérations des mois plus tôt, pour tenter – sans succès – de limiter les effets de la grave crise économique et financière que traverse le pays, et qui s’est transformée en crise de liquidités.
Cette crise, la pire depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), est marquée par une forte récession, une fonte des réserves en devises étrangères et une perte de la valeur de la monnaie nationale ayant fait grimper les prix. Le pays, qui a annoncé en mars son premier défaut de paiement dans l'histoire, croule sous une dette d'environ 92 milliards de dollars, soit 176% du PIB (selon les chiffres du gouvernement), l'un des taux les plus élevés mondialement.
Depuis l'automne, les banques ont imposé des restrictions draconiennes sur les retraits notamment en dollars, sur fond de soulèvement populaire inédit contre l'ensemble de la classe dirigeante accusée de corruption et d'incompétence. Des restrictions qui ont encore été resserrées il y a un mois, alors que l'épidémie de Covid-19 se propageait et que les autorités monétaires étaient dans l'impossibilité d'importer des dollars en raison de la fermeture de l'aéroport.
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La BDL peut-elle vraiment contrôler le taux de change parallèle ?
C'est un des chaos.
09 h 45, le 23 avril 2020