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Économie - Devises

La BDL peut-elle vraiment contrôler le taux de change parallèle ?

Le flou complet a régné hier sur l’efficacité de cette mesure sur le terrain.

La BDL a plafonné le taux livre/dollar à l’achat pour les changeurs à un niveau 30 % plus élevé que la parité officielle. Photo P.H.B.

Alors qu’elle n’était que peu intervenue sur ce dossier jusqu’à présent, la Banque du Liban a créé la surprise hier en plafonnant, officiellement cette fois, le taux livre/dollar pratiqué par les bureaux de change du pays. Dans une circulaire publiée hier (n° 456), le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, a en effet fixé le taux auquel les changeurs peuvent acheter des dollars – aux banques ou à leurs clients – à un niveau qui ne doit pas être supérieur à 30 % de celui que la BDL « utilise avec les banques ». Si le taux livre/dollar est stabilisé depuis 1997 par la Banque centrale à 1 507,5 livres, les établissements bancaires sont néanmoins autorisés à inclure une marge de quelques livres supplémentaires (1 515 à 1 518 livres, selon une source bancaire). Le nouveau plafond d’achat devrait donc se situer autour de 1 960 livres. Un niveau bien moins élevé que les taux atteints chez les changeurs et qui ont oscillé entre 2 500 livres en début de semaine et 2 715 livres hier matin – un record depuis fin août dernier, période à laquelle les taux sur le marché secondaire ont commencé à s’envoler.



Marges contrôlées
Dans sa circulaire, la BDL a enfin demandé aux changeurs de ne pas augmenter leurs marges habituelles entre l’achat et la vente de devises et de ne pas arrêter de vendre des devises tant que les volumes qu’ils traitent restent comparables avec les moyennes habituelles atteintes en 2018 et 2019. Selon les différents taux publiés sur le site lebaneselira.org, qui suit chaque jour l’évolution des taux chez les changeurs du pays, les différences entre les prix de vente et d’achat ont généralement évolué ces dernières semaines entre 10 et 100 livres. Le fait que les marges restent confinées dans cette fourchette s’explique par le contrôle exercé par la BDL.

Alors qu’ils étaient généralement stables par rapport à la parité officielle livre/dollar, les taux pratiqués chez les changeurs ont commencé à augmenter de plus en plus depuis la fin de l’été dernier, suite à un resserrement de la circulation du dollar sur le marché local, décidé par la BDL, qui a aggravé les effets de la crise économique et financière que traverse le pays. Les banques ont, quant à elles, vu leurs quotas journaliers de devises fournis par la BDL réduits, ce qui les a menées également à limiter fortement les retraits de dollars à travers les distributeurs automatiques et les guichets, favorisant ainsi une explosion de la demande chez les changeurs et donc de leurs taux.

Longtemps absente des débats, la BDL a timidement tenté de contrer cette dépréciation de la livre sur le marché parallèle le 21 janvier, jour de la formation du nouveau gouvernement de Hassane Diab. Un accord entre la BDL et les changeurs a permis de fixer un plafond à la variation du taux de change à l’achat de la livre libanaise par rapport au dollar à 2 000 livres. Mais la valeur chez les changeurs étant fixée en fonction de l’offre et de la demande, cette décision a favorisé l’apparition d’un « marché noir » qui représentait fin janvier entre 6 % à 7 % des échanges de devises dans le pays, selon le président de l’Association des Banques du Liban Salim Sfeir. Mais si la BDL a enfin pris le pas de réglementer le taux de change parallèle, le fait que la circulaire parvienne à elle seule à faire plier les acteurs de la filière est loin d’être acquis, comme le craint le directeur du département de recherche de Byblos Bank, Nassib Ghobril, contacté par L’Orient-Le Jour. S’il souligne que la BDL possède bien un moyen concret pour sanctionner les changeurs qui ne respectent pas la circulaire en leur retirant leur licence, il rappelle néanmoins que le marché libanais compte aussi nombre de professionnels non licenciés pour lesquels cette menace est vide de sens tant que l’État n’intervient pas. Nassib Ghobril considère néanmoins que les changeurs illégaux seront obligés de « s’aligner sur les taux des grands changeurs » si ces derniers respectent effectivement le plafond imposé par la BDL pour ne pas être désertés par leur clientèle, même si rien n’exclut que certaines personnes soient prêtes à acheter des dollars à un taux plus élevé.


(Lire aussi : La livre libanaise a enfin... son compte Twitter)



Plafond artificiel ?
Il reste que la publication de la circulaire n’avait pas encore hier permis de stabiliser le taux livre/dollar à la vente à environ 2 000 livres, comme il aurait été légitime de l’attendre. Selon le site lebaneselira.org, le taux de change sur le « marché noir » était de 2 700 livres le matin avant la publication de la circulaire et n’a plus été mis à jour depuis. Sur WhatApp et chez certains professionnels habitués à surveiller les taux, des informations contradictoires annonçaient tantôt que le taux était descendu à 2 100 livres, tantôt qu’il s’était stabilisé autour de 2 300 livres.

Selon une source proche de la filière, certains changeurs licenciés avaient décidé de ne plus vendre de dollars après la publication de la circulaire, tandis que d’autres, exerçant sans licence, avaient clairement exprimé leur indifférence. « Ce marché repose sur l’offre et la demande et cette dernière est très forte et le restera tant que les banques limiteront l’accès au dollar », assure-t-elle.

« Le plafond annoncé par la BDL ne tiendra pas, c’est un effet d’annonce qui survient d’ailleurs à un moment assez critique, soit la veille du jour où le gouvernement Diab doit en principe annoncer s’il va payer ou non 1,2 milliard d’eurobonds (titres de dette en devises) qui arrivent à échéance le 9 mars, et au lendemain de l’imbroglio judiciaire autour du gel des avoirs d’une vingtaine de banques libanaises ordonné par le procureur financier, le juge Ali Ibrahim. Une décision finalement suspendue par le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, et qui semble s’inscrire dans un fond de lutte politique », spécule la source.

En janvier, une autre source, proche celle-ci du syndicat des changeurs, avait souligné que l’accord avec la BDL pris pour stabiliser le taux parallèle à 2 000 serait inefficace sans injection de devises.


Repère
Le taux de change : comment ça marche ?

Alors qu’elle n’était que peu intervenue sur ce dossier jusqu’à présent, la Banque du Liban a créé la surprise hier en plafonnant, officiellement cette fois, le taux livre/dollar pratiqué par les bureaux de change du pays. Dans une circulaire publiée hier (n° 456), le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, a en effet fixé le taux auquel les changeurs peuvent acheter des...

commentaires (5)

Toutes ces mesures de la Banque du Liban sont ridicules et contre-productives. Ils faut libérer le marché des changes tant au niveau des changeurs qu'à celui des banques. La majeure partie des détenteurs de dollars en dépôt auprès des banques s'abstiennent de vendre leurs dollars au taux fixé par la Banque Centrale et restreignent leurs dépenses aux maigres sommes qu'elles peuvent retirer en billets qu'elles sont en mesure de revendre sur le marché libre à un un cours plus favorable qui correspond au niveau des prix. Ce comportement est de nature à étrangler l'économie. Libérer les changes provoquera logiquement une baisse du cours chez les changeurs parce que les déposants pourront faire des retraits en livres libanaises en vendant aux banques leurs dollars à un cours plus favorable.

Moussalli Georges

17 h 07, le 07 mars 2020

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Commentaires (5)

  • Toutes ces mesures de la Banque du Liban sont ridicules et contre-productives. Ils faut libérer le marché des changes tant au niveau des changeurs qu'à celui des banques. La majeure partie des détenteurs de dollars en dépôt auprès des banques s'abstiennent de vendre leurs dollars au taux fixé par la Banque Centrale et restreignent leurs dépenses aux maigres sommes qu'elles peuvent retirer en billets qu'elles sont en mesure de revendre sur le marché libre à un un cours plus favorable qui correspond au niveau des prix. Ce comportement est de nature à étrangler l'économie. Libérer les changes provoquera logiquement une baisse du cours chez les changeurs parce que les déposants pourront faire des retraits en livres libanaises en vendant aux banques leurs dollars à un cours plus favorable.

    Moussalli Georges

    17 h 07, le 07 mars 2020

  • M le premier ministre qu est ce que vous attendez pour virer le directeur de la banque du Liban (Salamé) il est incompétant. vous savez bien vous etes au Liban et c est la loi des clans qui domines il faut resoudre les problèmes à la source ( suppression du confitionalisme et la peine de mort,donner les memes droit aux femmes,justice indépendante ,des élections libres , juger les voleurs tout de suite tout le monde les connait) vous avez du pain sur la planche , arreter de dire que la situation économique est catastrophique le monde entier vous viendra en aide surtout les répatriés dont je suis.

    youssef barada

    14 h 05, le 07 mars 2020

  • a supposer que les cambistes /changeurs sont coupables - ce qui est tres loin d'etre evident- de trafic avec des banquiers, rappelons nous de la theorie qui veut que les commercants ont recours a eux afin d'acheter des $ et les deposer (fresh $) dans leur banques qui acceptaient alors d'ouvrir les lettres de credit necessaires a l'importation . SI ce qui precede ne justifie qd meme en rien une telle hausse du taux de change alors oui, consideres coupables de menaces a la securite nationale/sociale, on coffre vite fait qq'uns. ainsi , les medias aidant ,les autres s'assagiraient . Hmm ! meme ca ne serait pas garanti !

    Gaby SIOUFI

    09 h 58, le 07 mars 2020

  • How can the Central Bank fix the exchange rate when they’re unable to intervene on the market and then threaten the exchange bureaus with penalties and sanctions. Unfortunately, the governor of the Central Bank has been misrepresenting the Bank’s intentions to the Lebanese people.

    Mireille Kang

    08 h 45, le 07 mars 2020

  • De qui se moque-t-il? S'il est vraiment sérieux, il doit commencer par corriger lui-même son taux officiel , pour ensuite l'imposer aux autres. Sinon, inutile de tourner en rond.

    Esber

    04 h 22, le 07 mars 2020

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