La peur. Photo Sarah Moon
Pour peu qu’on en perde le contrôle, elle a ceci de terrible qu’elle envahit tous les territoires. Comme le virus. Alors, la conscience vire à l’obsession, l’amour à la paralysie, la lucidité à la paranoïa, l’imagination au cauchemar, et, pire que tout : la terreur à la méfiance et à la haine. Comment atténuer la peur dans la mesure où elle ne se décide pas ? D’abord l’accepter. Lui faire une place. Ce n’est pas de la peur qu’il faut avoir peur, c’est de ce qu’on en fait, de l’espace qu’elle occupe. Qu’elle nous alerte est une bonne chose, qu’elle dégénère en phobie est un danger. Pour l’empêcher de tout rafler, il faudrait commencer par se souvenir qu’elle fait tomber nos défenses, qu’elle nous expose à ce qui la cause, qu’elle attire l’ennemi plus qu’elle ne l’éloigne. Il faudrait, en un sens, la devancer, aller plus vite qu’elle, jouer à la remplacer par du calme. Se souvenir que le courage n’est pas une absence de peur, c’est souvent l’inverse, c’est de la peur surmontée. Et de cette petite victoire, sortir grandi pour aller vers l’autre. Emily Dickinson disait : « Ce que je peux faire, je le ferai, même si c’est aussi petit qu’une jonquille. » N’oublions pas la jonquille.
Les précédents textes de cette capsule qui contient, jour après jour, durant le confinement, des fragments de pensée, des citations, des instants pris au vol.
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