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Société - Coronavirus

Les Libanais du Golfe pris au dépourvu par la suspension des vols

Qu’il s’agisse de professionnels qui font l’aller-retour pour voir leurs familles, d’hommes d’affaires basés à Beyrouth privés de voyage ou de personnes coincées au Liban ou dans l’un des pays arabes, ils sont tous affectés par les effets de ces restrictions.

Multitude de vols annulés, annoncés hier sur un tableau d’affichage à l’AIB. Photo DR

« Comme de nombreux Libanais qui vivent à Doha, je rentre tous les week-ends pour voir ma femme et mes enfants qui résident à Beyrouth. Jusqu’à nouvel ordre, il me sera impossible de le faire et ils ne peuvent pas me rejoindre ici non plus. » Ce témoignage d’un professionnel libanais vivant au Qatar, qui a désiré rester anonyme, rejoint celui de beaucoup d’autres, pris au dépourvu par la suspension hier de vols de et vers le Liban.

Quatre pays du Golfe ont pris des mesures de suspension « temporaire » des vols en provenance et à destination du Liban, entre autres pays, et de restrictions d’entrée des ressortissants libanais sur leur territoire, pour éviter une propagation du nouveau coronavirus : l’Arabie saoudite, le Qatar, le Koweït et Bahreïn. Autant la compagnie aérienne nationale que les compagnies des pays concernés se sont conformées dès hier à ces décisions.

« Avant cette mesure, les avions pour Beyrouth étaient pleins, poursuit ce père de famille. La décision porte sur une semaine en principe mais nous avons des raisons de craindre qu’elle soit prolongée, vu les circonstances. »

Cette restriction des vols affecte les Libanais de diverses façons. Ainsi, une jeune femme vivant à Doha avait prévu de demander à sa propre mère de faire le déplacement pour veiller sur ses deux jeunes enfants durant ses horaires de travail, les écoles étant fermées au Qatar. Ce n’est évidemment plus possible. Une autre mère de famille s’est rendue à Doha pour rendre visite à son mari et ses enfants aînés, laissant son plus jeune fils à Beyrouth. « Je devais rentrer le 15 mars, dit-elle. Si ce n’est pas possible, je prolongerai mon séjour. Mais c’est angoissant de se sentir coincée quelque part, cela bouleverse nos plans. » Elle affirme qu’à son arrivée le 3 mars, elle n’a constaté aucune mesure extraordinaire à l’aéroport de Doha.

Il est évident que cette suspension d’une partie du trafic aérien affecte gravement les affaires. Un Libanais, salarié d’une entreprise de conseil opérant entre Beyrouth et les pays du Golfe, se retrouve ainsi coincé au Liban, où il rentre presque tous les week-ends. « Les vols ont tous été annulés et tout est bloqué, même si on a un certificat médical prouvant que l’on est en bonne santé », indique-t-il, sous couvert d’anonymat. Comme tous les Libanais travaillant en Arabie saoudite, il sera obligé d’observer une période de 14 jours de quarantaine avant de pouvoir retourner travailler dans le royaume. Mais en attendant, il est obligé de tout faire à distance, « ce qui n’est clairement pas idéal ». Il estime toutefois que cette mesure prise par les autorités saoudiennes « est une bonne chose ». « C’est drastique, mais intelligent. Ils se donnent trois jours pour prendre les mesures de sécurité nécessaires et aviser, c’est mieux que ce que les autorités ont prévu ici, au Liban », ajoute ce consultant d’une trentaine d’années.


(Lire aussi : Coronavirus au Liban : un bilan en hausse, 9 nouveaux cas)


« Des mesures drastiques nécessaires »

Toutes les personnes interrogées sont d’ailleurs assez critiques par rapport aux mesures de prévention contre la propagation du coronavirus prises par le Liban, jugées insuffisantes. C’est ce qui explique, d’après eux, les restrictions visant les ressortissants de ce pays. « Est-ce possible que les autorités libanaises continuent d’autoriser les vols venant d’Iran et d’autres pays très atteints par le virus ? » s’insurge la jeune mère citée plus haut.

« Il faudrait que les autorités libanaises prennent des mesures drastiques et ferment totalement les frontières durant quinze jours. On ne peut pas laisser les frontières aussi poreuses ! Il faudrait, par la même occasion, imposer des mesures strictes aux citoyens libanais et s’assurer qu’ils les respectent », estime Halim Massrou’a. Cet homme d’affaires basé à Beyrouth se déplace, dans le cadre de son activité professionnelle, dans plusieurs pays, dont des pays du Golfe. Comme tant d’autres, il a subi de plein fouet la crise économique et, maintenant, la crise résultant de la propagation du coronavirus. « Depuis plusieurs semaines, voyager était devenu compliqué, on ne savait jamais quelles nouvelles mesures étaient appliquées, si l’on pourrait rentrer, dit-il. Maintenant, c’est devenu carrément impossible. Si nous parvenions à gérer plus ou moins les conséquences de la crise économique au Liban, la crise sanitaire, elle, est mondiale. Partout, les expositions et les événements sont annulés. Les exportations et les échanges économiques s’en ressentent. »


(Lire aussi : Saint Charbel aura-t-il raison du coronavirus ?)


« Comme en prison ! »

Pour Mansour Aoun, cadre dans une grande compagnie au Koweït, « le principal impact sur la communauté libanaise est psychologique ». « Le simple fait de savoir que l’on ne peut pas rentrer à Beyrouth en deux heures de vol, comme d’habitude, nous donne l’impression d’être en prison, poursuit-il. Ici, les Libanais rentrent souvent au pays, au moins une fois par mois, parfois chaque semaine. » Pour certains, cette impossibilité de prendre l’avion a d’ores et déjà eu des conséquences tragiques. « Un jeune homme de ma connaissance vient de perdre sa mère, il ne peut pas assister à ses funérailles, raconte Mansour Aoun. Dans d’autres cas, certaines familles avaient prolongé leur séjour au Liban en raison de la succession de congés et de vacances scolaires forcées. Ils sont aujourd’hui dans l’incapacité de rentrer. »

Des familles divisées à cause de cette crise, il y en a beaucoup. Notre correspondante dans la Békaa, Sarah Abdallah, cite le cas d’une jeune femme, Malak, épouse d’un ingénieur au Qatar, qui était rentrée récemment au Liban pour donner naissance à sa petite fille. Elle est désormais incapable de rejoindre son mari qui n’a pas encore vu sa fille, non seulement en raison des suspensions de vols, mais parce qu’elle a désormais peur pour son bébé.

Les suspensions de vols des quatre pays du Golfe ne concernent pas que le Liban, mais de nombreuses autres destinations : neuf pour l’Arabie saoudite, 14 pour le Qatar et cinq pour le Koweït. Manama avait annoncé, dès le 27 février dernier, la suspension « jusqu’à nouvel ordre » de tous les vols reliant le royaume au Liban et à l’Irak, deux jours après avoir interdit à ses ressortissants de se rendre en Iran. Le Liban, lui, avait annoncé le 28 février la suspension temporaire de l’entrée sur son territoire de voyageurs venus des principaux foyers de contamination du nouveau coronavirus (Chine, Iran, Corée du Sud, Italie, Hong Kong, Macao, Taïpei, Japon) à l’exception des Libanais et des étrangers résidant au Liban.



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« Comme de nombreux Libanais qui vivent à Doha, je rentre tous les week-ends pour voir ma femme et mes enfants qui résident à Beyrouth. Jusqu’à nouvel ordre, il me sera impossible de le faire et ils ne peuvent pas me rejoindre ici non plus. » Ce témoignage d’un professionnel libanais vivant au Qatar, qui a désiré rester anonyme, rejoint celui de beaucoup d’autres, pris au...

commentaires (2)

C'est exceptionnel, donc patience.

Eddy

09 h 53, le 10 mars 2020

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Commentaires (2)

  • C'est exceptionnel, donc patience.

    Eddy

    09 h 53, le 10 mars 2020

  • pris au depourvu tout comme par les mesures bancaires illegales qui ont bloque leurs economies.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 25, le 10 mars 2020

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