La ministre de la Justice voudrait prendre le temps de plancher sur le projet de permutations avant de communiquer, dans un délai maximal de quelques jours, ses observations écrites au CSM. Photo ANI
En réaction à des informations publiées vendredi dans un média ayant laissé croire que la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, pourrait s’ingérer dans les nominations judiciaires en cours et changer ainsi sa position de défenseur de l’indépendance de la justice, cette dernière avait écrit le soir-même un tweet dans lequel elle affirmait que son poste ministériel n’est pas « une boîte postale ». Un tweet qui a continué à entretenir le doute chez certains, au motif qu’il montre, selon eux, la volonté de Mme Najm de s’immiscer sur le plan politique ou confessionnel, alors que la ministre avait toutefois accompagné son commentaire d’un autre tweet dans lequel elle rejetait clairement « toute ingérence liée au partage des quotes-parts politiques et confessionnelles ».
Contactée par L’Orient-Le Jour, la ministre s’étonne qu’on s’obstine à considérer qu’elle a renoncé à son principe de rejeter les interférences politiques quelles qu’elles soient, alors qu’elle n’a jamais cessé de clamer ce principe depuis sa prise en charge du ministère. « En affirmant que je ne suis pas une boîte postale, j’ai simplement voulu dire que la loi me donne la prérogative d’examiner le projet de nominations et de communiquer mes remarques aux membres du Conseil supérieur de la magistrature », indique-t-elle, soulignant que les observations qu’elle pourrait formuler « s’inscriront dans le sens des critères objectifs adoptés par le CSM et non à travers l’imposition de noms ». En réponse à ceux qui pourraient faire croire que la liste des nominations est actuellement retenue au ministère de la Justice, Mme Najm affirme qu’elle n’a reçu cette liste que vendredi, rappelant que la journée de samedi a été consacrée à une réunion intensive du Conseil des ministres sur la question des eurobonds.
(Lire aussi : Le CSM s’efforce de verrouiller ses portes devant les ingérences)
Réunions intensives
Des sources proches du ministère de la Justice affirment à L’OLJ que Marie-Claude Najm voudrait « prendre le temps de plancher sur le document avant de communiquer, le cas échéant, et dans un délai maximal de quelques jours, ses observations écrites au CSM », avec lequel elle compte en outre se réunir. Selon ces sources, la ministre « respecterait la position du CSM au cas où il n’approuverait pas ses remarques éventuelles, parce qu’elle juge qu’elle ne doit pas se substituer à cet organisme, d’autant qu’elle apprécie l’esprit d’indépendance dans lequel le dossier des nominations et permutations a été examiné ». À ce sujet, des sources proches du CSM assurent que les membres de cette instance ont décidé, dès le départ, de se conformer à la volonté de son président Souheil Abboud de nommer les juges selon leur compétence, expérience, intégrité et personnalité, soulignant que les décisions ont été prises à la suite de concertations qui ont émaillé des réunions intensives durant plus de deux mois. À ceux qui estiment que le dossier a tardé à être tranché en raison d’interférences politiques, ces sources assurent que le retard est seulement dû au fait qu’il fallait étudier minutieusement chacun des cas d’environ 150 juges concernés par les permutations. Sur ce plan, des sources proches de Mme Najm évoquent « une coordination » entre elle et le CSM, qui « s’est toutefois limitée à tenir informée la ministre de la Justice, laquelle n’a jamais cherché à imposer un quelconque nom pour elle ou pour toute autre partie ».
Ghada Aoun
Bien que de nombreuses sources convergent pour reconnaître que les permutations judiciaires ont été fondées sur des considérations professionnelles objectives, ces permutations ont provoqué le mécontentement de plusieurs juges, qui estiment avoir été injustement traités, certains s’étant préparés à demander des congés non payés, d’autres ayant présenté leur démission, d’autres encore ayant annoncé qu’ils comptent démissionner.
Parmi eux, la procureure générale du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui a remis sa démission au président de la République, Michel Aoun. Interrogée par L’OLJ pour savoir si le mode choisi par la juge ne montre pas que le pouvoir politique s’est immiscé dans des questions censées être de l’apanage de l’autorité judiciaire, une source proche du parquet d’appel de Baabda indique que Mme Aoun n’a pas présenté sa démission au président du CSM « parce que selon la Constitution, le chef de l’État est le premier magistrat de la République qui, en cette qualité, est d’ailleurs toujours présent à la cérémonie d’ouverture de l’année judiciaire ». Elle ajoute qu’en tout état de cause, « la démission devra au final être approuvée par le président Aoun, puisqu’il devra l’accepter en vertu d’un décret après que le CSM l’eut signée ». Mais cette même source ne cache pas la vraie raison de l’attitude de Mme Aoun : considérant que sa désignation au poste de conseillère près la Cour de cassation est une rétrogradation qu’elle ne mérite pas, la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban « éprouve un ressentiment dû au fait qu’elle considère avoir été injustement traitée, alors qu’elle a œuvré à combattre la corruption depuis son accession à son poste il y a deux ans ».
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commentaires (10)
Comme justification de son intégrité Ghana Aoun se glorifie de ses œuvres accomplies pour combattre la corruption depuis deux ans? On voit le résultat. Décidément Il y en a qui n’ont peur de rien. Quel a été son bilan? Qui a été arrêté ou même inquiété pour avoir falsifier et camoufler les comptes dans tous les ministères confondus? Elle vient nous annoncer qu’elle est compétente et juste. Allons allons nous ne sommes pas tombés de la dernière pluie. Si elle veut rester et que le Aoun finira par refuser sa démission si démission il y a, c’est pour être l’avocate de la famille et faire en sorte que rien ne filtre des enquêtes qui auront peut être lieu si on déborde d’optimisme. Quant à Mme Najm, nous sommes tout ouïe, mais cela ne suffit pas il va falloir accompagner les discours par des actes concrets qui attesteront de son intégrité, ses compétences et de son courage point
Sissi zayyat
11 h 20, le 09 mars 2020