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Politique - Nominations judiciaires

Le CSM s’efforce de verrouiller ses portes devant les ingérences

L’instance judiciaire signe à l’unanimité de ses membres l’affectation de plusieurs magistrats à leurs nouveaux postes.

Le président du CSM, Souheil Abboud, lors de son intervention à la faculté de droit et des sciences politiques de l’USJ, en novembre 2019. Photo Michel Sayegh

Les membres du Conseil supérieur de la magistrature et leur président, Souheil Abboud, s’étaient juré de soumettre un train de nominations fondé sur des critères solides et loin des ingérences politiques. Ils viennent, semble-t-il, de relever leur pari en ratifiant à l’unanimité, jeudi soir, la liste de l’affectation des juges à leurs nouveaux postes qui aurait été concoctée en toute indépendance. Selon plusieurs sources judiciaires, il s’agirait des meilleures nominations qu’aient connues le Liban depuis longtemps, même si les mécontents – principalement ceux parmi les magistrats qui se considèrent « perdants » dans la valse des permutations – n’en conviennent pas vraiment. Les nominations, qui doivent en principe être annoncées la semaine prochaine, selon une source informée, devraient d’abord obtenir l’aval de la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, qui s’était engagée dès sa désignation à ne pas s’immiscer dans le processus pour laisser toute la marge de manœuvre au CSM. Si elle maintient sa position de principe pour ce qui est de son attachement aux critères de compétence et son refus de « toute interférence imposant des quotas politico-confessionnels », elle a rappelé dans un tweet hier soir que « la ministre de la Justice n’est pas un simple messager ». Une déclaration qui laisserait entendre que Mme Najm pourrait apporter sa touche personnelle à la liste des nominations, sur la base des critères énoncés.

Le CSM pour sa part aurait menacé de s’opposer à toute injonction provenant de la classe politique, affirmant que la liste soumise passera telle quelle ou ne passera pas, à en croire une source judiciaire qui a requis l’anonymat.


« Un bond qualitatif »
En dépit de quelques tentatives désespérées de la part de pôles politiques qui ont tenté d’infléchir le cours de certaines nominations afin de favoriser l’ascension de candidats comptés dans leur giron politique, les portes du CSM sont restées bien verrouillées, comme en témoignent plusieurs sources. Ce fut le cas notamment avec l’intervention malheureuse du chef du Parlement, Nabih Berry, qui aurait cherché à maintenir en place son protégé, le procureur du Liban-Sud, Rahif Ramadan. Ce dernier a fini par être remplacé par Rania Yahfoufi. On évoque également l’intervention acharnée du président de la République, Michel Aoun, en faveur de la procureure du Mont-Liban, Ghada Aoun, qui a également dû céder sa place à Samer Lichaa, un magistrat qui aurait une réputation irréprochable. Autant de tentatives qui prouvent que les membres du CSM, guidés par leur président, ont tenu bon face au tsunami habituel des interventions politiciennes. Du moins, c’est ce que laissent croire les témoignages de plusieurs magistrats qui font part de leur satisfaction à l’issue de ce test, évoquant « un bond qualitatif », même s’il n’est pas encore suffisant, en direction de l’indépendance de la justice.

Si le décret des nominations devait être adopté tel quel, sans amendements et sans pression ultérieure de la part de l’un ou l’autre des signataires politiques – le chef de l’État, le Premier ministre, les ministres de la Justice, des Finances et de la Défense –, ce sera pour le Liban un acquis de taille que l’opinion publique et la communauté internationale retiendront. Une source diplomatique occidentale avait souligné récemment que la manière dont se dérouleront les nominations et la marge d’indépendance qui aura gouverné le processus « seront un signal important pour la communauté internationale », impatiente de voire les réformes les plus urgentes, à leur tête au sein de la justice, se concrétiser.


« Un goût de revanche »
Non content de voir ses efforts de maintenir Ghada Aoun en place dilués, le chef de l’État se voit pris entre le marteau et l’enclume. « S’il refuse de signer le décret, il perdra la face sur la scène intérieure, mais surtout devant la communauté internationale. S’il le fait, il sera placé devant le fait accompli et devra se rendre à l’évidence qu’il ne peut plus compter sur des points d’appui au sein de la magistrature », commente un analyste. « M. Aoun estime avoir marqué une réalisation majeure en propulsant, à la tête du CSM, Souheil Abboud, un homme connu pour son intégrité et son indépendance. Mais il ne s’attendait probablement pas à perdre autant avec le train des nominations », ajoute une source judiciaire.

Sitôt la liste des noms divulguée, l’ancienne procureure du Mont-Liban, à qui le CSM a proposé le poste de conseillère à la Cour de cassation en attendant sa nomination à la présidence de la Cour de cassation militaire, n’a pas mâché ses mots. « Après ces nominations qui ont un goût de revanche, je vais mettre ma démission à la disposition du chef de l’État et je l’annoncerai à l’occasion d’une conférence de presse. Après toutes les souffrances endurées et le combat qu’il a bravement mené, le peuple libanais a le droit de s’insurger et de dire : ça suffit, arrêtez d’insulter notre intelligence », a écrit Ghada Aoun sur sa page Facebook.

La juge avait à son crédit l’ouverture de plusieurs dossiers de corruption au sein de l’administration. Elle était également derrière la mise en examen pour détournements de fonds publics et malversation de l’ancien Premier Ministre Nagib Mikati, ses proches et Bank Audi. On lui reprochait principalement de s’être attaquée, de manière sélective, à certains dossiers en occultant d’autres, une critique qui n’a toutefois pas remis en cause son intégrité auprès de plusieurs de ses pairs. « Son seul problème est qu’elle s’est publiquement revendiquée du camp politique du chef de l’État. C’est ce qui lui a fait le plus tort », commente un magistrat.


Les mécontents
Comme à chaque épreuve, il y a des gagnants et des perdants. On apprenait notamment que plusieurs juges, notamment parmi ceux qui ont été placés à des postes moins favorables dans leur fonction, ont exprimé hier leur mécontentement. À en croire une source informée, plusieurs envisagent de démissionner du fait notamment de la baisse consécutive de leurs revenus, devenus dérisoires à cause de la cherté de vie, comme ils disent. D’autres font valoir le critère de l’ancienneté qui n’aurait pas été respecté dans certains cas, le CSM ayant vraisemblablement préféré favoriser les critères de compétence, d’intégrité et de productivité au nombre d’années de service.

Quoi qu’il en soit, la mouture qui a circulé hier semble pour l’heure susciter plus d’approbation que de critiques dans les milieux de la magistrature. On note notamment la promotion « amplement méritée » du juge John Azzi réhabilité au poste de premier juge d’instruction au Liban-Nord. Le juge s’était fait connaître après avoir créé un précédent en rendant un verdict en faveur d’une femme libanaise qui désirait transmettre sa nationalité à ses enfants nés d’un père non libanais. Une décision pour laquelle le magistrat avait été marginalisé des années durant dans l’exercice de ses fonctions.

Parmi les nouvelles nominations qui ont filtré, celles de Raja Hamouche, procureur de Beyrouth, à la place de Ziad Abi Haïdar, Claude Ghanem, commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, substitué à Peter Germanos, Najate Abou Chacra, procureur de Nabatiyé. Nabil Wehbé, le procureur du Liban-Nord, est maintenu à son poste.


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Les membres du Conseil supérieur de la magistrature et leur président, Souheil Abboud, s’étaient juré de soumettre un train de nominations fondé sur des critères solides et loin des ingérences politiques. Ils viennent, semble-t-il, de relever leur pari en ratifiant à l’unanimité, jeudi soir, la liste de l’affectation des juges à leurs nouveaux postes qui aurait été concoctée en...

commentaires (2)

SOUHAITONS LE CHANGEMENT MAIS A PLUS GRANDE ECHELLE. IL Y A ENCORE BEAUCOUP A FAIRE POUR BIEN NETTOYER LES ECURIES D,AUGIAS.

ARABOS-SIONISTES, L,ARTICLE DISPARAIT DES ECRANS

17 h 34, le 07 mars 2020

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Commentaires (2)

  • SOUHAITONS LE CHANGEMENT MAIS A PLUS GRANDE ECHELLE. IL Y A ENCORE BEAUCOUP A FAIRE POUR BIEN NETTOYER LES ECURIES D,AUGIAS.

    ARABOS-SIONISTES, L,ARTICLE DISPARAIT DES ECRANS

    17 h 34, le 07 mars 2020

  • c'est bien. Peut mieux faire mais c'est bien. Du moment que les juges partiaux et partisans sont éjectés. C'est une bonne chose. Le gag...18 dossiers "sélectifs" sont sortis des tiroirs après le 17 Octobre. Gardés bien au chaud depuis des années....Tiroirs de la juge G.A . Elle les gardait pour quoi?? monnaie d'échange? contre d'autres dossiers entre les mains de certains autres juges soumis à la classe politique d'en face? Question légitime à se poser.. Pq dans les tiroirs? pq sélectifs? pq maintenant ? pfff.... Exit tous ces gens... et qu'on apporte des gens propres et non soumis aux désidératas de la classe politique...

    LE FRANCOPHONE

    16 h 17, le 07 mars 2020

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