Les discussions entre le Liban et les détenteurs de titres sur une restructuration de la dette doivent débuter d'ici deux semaines, a déclaré une source proche du dossier citée dimanche par Reuters, au lendemain de l'annonce du premier défaut de paiement de l'histoire du pays.
Samedi, le Premier ministre Hassane Diab a annoncé que Beyrouth n'était pas en mesure d'honorer ses engagements auprès de ses créanciers et de rembourser les 1,2 milliard d'eurobonds (titres de dette émis en dollars) arrivant à échéance lundi.
Le chef du gouvernement a également annoncé le lancement d’un processus de restructuration de la dette. Après le discours de M. Diab, le ministre de l’Économie Raoul Nehmé avait déclaré à la chaîne al-Jadeed que "le processus de négociation durera plusieurs mois". "Si les intentions sont bonnes, les discussions n'iront pas au-delà de neuf mois", a-t-il ajouté. Samedi, Reuters avait rapporté que plusieurs créanciers du Liban s'efforcent de se regrouper et pourraient formaliser leur regroupement dans les jours à venir. Dans ce cadre, le gouvernement a mandaté, à l’issue d’un appel d’offres, deux cabinets internationaux pour l’épauler dans ce processus : Lazard pour le volet financier et Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP pour le volet légal.
Une source gouvernementale a par ailleurs confié à L'Orient-Le Jour que le cabinet prévoit aussi d'annoncer un défaut sur les bons du Trésor (titres de dette émis en livres).
Le Liban est endetté à hauteur de 92 milliards de dollars, soit environ 170% de son PIB.
(Lire aussi : Le Liban en défaut de paiement : et maintenant ?)
"Réformes structurelles et sectorielles"
Dans son discours solennel prononcé la veille au Grand Sérail, Hassane Diab avait en outre reconnu pour la première fois officiellement que les réserves en devises de la Banque du Liban (BDL), qui a longtemps assuré pour le compte de l’État le remboursement des eurobonds, "ont atteint un niveau critique et dangereux".
Tout ce que nous avons entendu, c'est la déclaration de faillite de l’État et le scandale des réserves de devises étrangères de la Banque du Liban", a écrit le chef des Kataëb Samy Gemayel sur son compte Twitter, déplorant l'absence d'annonces de mesures concrètes.
Le Premier ministre libanais a déclaré que la restructuration de la dette fera partie d'un vaste plan de sauvetage visant à réaliser plus de 350 millions de dollars d'économies par an. Il s'est aussi engagé à mener à bien les réformes promises en 2018 à la conférence de Paris (CEDRE) contre 11,6 milliards de dollars de dons et de prêts, qui n'ont toujours pas été débloqués.
A la demande de l’État, une mission d'urgence du FMI a été dépêchée le mois dernier à Beyrouth, mais aucune assistance financière de l'institution n'a été annoncée pour le moment.
Dimanche, le patriarche maronite, Mgr Bechara Raï, a appelé à des "réformes structurelles et sectorielles, conformément aux promesses du gouvernement précédent lors de la conférence CEDRE, en commençant par le secteur de l'électricité, la lutte contre la corruption, une meilleure gestion publique et l'indépendance de la justice loin des ingérences politiques".
Dans son éditorial dimanche, le quotidien de référence An-Nahar souligne les "risques" auxquels s'expose le Liban avec son défaut de paiement. D'autant que le gouvernement s'est engagé sur cette voie "sans le Fonds monétaire international (FMI), un médiateur international nécessaire qui aurait pu aider le Liban et lui apporter une couverture vis-à-vis des créanciers", juge-t-il. Evoquant la menace de poursuites judiciaires, le quotidien indique que le Liban doit trouver un "consensus" avec ses créanciers concernant les négociations sur la restructuration de la dette.
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En cette période de crise mondiale où le Coronavirus a fait chuter les bourses du monde entier, les créanciers n'ont que le choix d'être très peu flexibles. Leurs investissements s'écroulent de partout, donc ils n'ont aucune raison de nous faire de cadeau, bien au contraire...
Gros Gnon
22 h 18, le 08 mars 2020