Alors que le Premier ministre Hassane Diab prépare sa première visite à l’étranger, qui devrait avoir lieu bientôt et le mener dans quatre États du Golfe (Arabie saoudite, Oman, Qatar et Koweït), les milieux proches du Hezbollah continuent à être méfiants quant à l’attitude internationale à l’égard du gouvernement.
Tout en reconnaissant les efforts sincères déployés par la France et par l’Égypte pour aider le gouvernement Diab en poussant les États membres du Groupe international de soutien au Liban à lui accorder une chance réelle, les milieux proches du parti chiite continuent de croire que le véritable blocage vient des États-Unis et de l’actuelle administration américaine. Et c’est ce qui retarderait jusqu’à présent l’annonce officielle de la première tournée de Diab à l’étranger.
Selon ces mêmes milieux, dès le départ, les États du Golfe, dont l’Arabie saoudite, n’avaient manifesté aucune animosité à l’égard de Hassane Diab, qui a d’ailleurs des relations étroites avec le sultanat de Oman. Leur unique réserve était dirigée contre l’ancien Premier ministre Saad Hariri. Mais cette sorte de « neutralité positive » n’a pas pu se traduire concrètement parce que des pressions américaines ont été exercées sur leurs dirigeants pour les empêcher d’aider le Liban sans formuler des exigences précises en contrepartie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si plusieurs diplomates ont commencé à qualifier le gouvernement Diab d’« équipe du Hezbollah » ou « sous son contrôle », alors que c’est le cabinet où le Hezbollah a le moins d’influence depuis que ce parti a choisi de faire partie de l’exécutif à partir de juillet 2005. En effet, dans tous les cabinets qui se sont succédé depuis cette date, le Hezbollah avait au moins un ministre membre du parti et un ou deux autres ministres sympathisants. Or, dans le gouvernement actuel, il n’y a aucun membre du Hezbollah puisqu’il s’agit d’une équipe dont tous les ministres ne doivent pas appartenir à un parti politique. Il y a deux ministres considérés comme proches du parti chiite, mais l’un d’eux a la nationalité américaine. D’ailleurs, toujours selon les sources précitées, le Hezbollah a sciemment fait ce choix, dans une tentative « d’amadouer » l’administration américaine, ou en tout cas d’atténuer ses réserves à l’égard du gouvernement Diab.
Mais, toujours selon les milieux proches du Hezbollah, l’administration Trump a certes saisi le message, mais n’a pas modifié son attitude. Selon des informations diplomatiques parvenues au parti chiite, l’administration américaine continuerait à poser des conditions politiques au Liban avant de donner le feu vert à l’aide internationale. En tête de ces conditions, il y aurait la nécessité d’éloigner le Hezbollah des cercles du pouvoir et de l’isoler politiquement en vue de l’affaiblir. Les autres conditions politiques, comme l’implantation des Palestiniens dans les pays hôtes dans le cadre du plan de paix présenté par Donald Trump et l’intégration des réfugiés syriens dans les sociétés d’accueil, comme cela a été dit dans un communiqué officiel de l’Union européenne, ainsi que le tracé des frontières maritimes et terrestres, seraient donc secondaires et en corrélation avec la volonté de réduire l’influence et les capacités du Hezbollah, qui constituent une menace pour Israël. Mais le Liban, traditionnellement tourné vers l’Occident et vers le monde arabe, n’est pas prêt à modifier cette réalité en dépit des voix qui s’élèvent pour le pousser à se diriger vers la Chine et la Russie. C’est donc dans un esprit de conciliation avec les États-Unis et l’Occident en général ainsi qu’avec le monde arabe que le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, avait proposé un gouvernement entièrement formé d’experts non membres de partis, alors que le Hezbollah et Amal préféraient un gouvernement dit techno-politique, présidé par Saad Hariri. Après de longues négociations, et surtout après le refus de M. Hariri de présider le gouvernement dans cette période délicate, le tandem chiite avait finalement accepté la formation d’un cabinet d’experts, où le Hezbollah et bien sûr Amal ne seraient pas représentés par des partisans directs. Ce qui était une façon indirecte de répondre autant que possible à la demande américaine. De plus, lorsque des voix, dont celle du secrétaire d’État américain Mike Pompeo, avaient qualifié le gouvernement Diab d’être sous le contrôle du Hezbollah, le président du bloc parlementaire de la Résistance Mohammad Raad avait déclaré : « Non seulement ce gouvernement n’est pas le nôtre, mais il ne nous ressemble pas et nous comptons observer son action pour décider quelle sera notre position à son égard. »
Dans les circonstances actuelles, cette attitude conciliante du Hezbollah peut être considérée comme une concession importante destinée à faciliter l’action du gouvernement et à lui ouvrir autant que possible les horizons internationaux. Les derniers signaux positifs donnés par le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et par son homologue saoudien ne sont pas encore suffisamment concluants, estiment les milieux proches du Hezbollah qui attendent le feu vert pour une visite de Hassane Diab à Riyad pour considérer que l’administration américaine a levé son veto. Toutefois, les dernières sanctions américaines annoncées hier sur des personnalités du Hezbollah apparaissent, aux yeux des milieux précités, comme moins sévères que prévu, puisqu’elles ne ciblent pas des responsables en vue du parti et ne sont pas élargies à ses alliés et amis. Ce qui pourrait être considéré comme un bon signe...
commentaires (15)
Les sanctions arrivent vis-à-vis des gros bonnets... Patience , et vous verrez..
LeRougeEtLeNoir
23 h 59, le 27 février 2020