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À La Une - Conflit

En Syrie, un demi-million de déplacés en deux mois

La Commission d'enquête indépendante et internationale sur la Syrie déplore  des informations rapportant "des attaques contre les infrastructures civiles - dont des écoles, des marchés et des installations médicales".

Un convoi de déplacés syriens dans le village de Hazano, le 4 février 2020 dans la province d'Idleb. Photo AFP / AAREF WATAD

Un demi-million de personnes ont été déplacées en deux mois dans le nord-ouest de la Syrie, une des plus grandes vagues d'exode dans le pays en guerre causée par une offensive du régime et de son allié russe contre des jihadistes et des rebelles.

Depuis décembre, la province d'Idleb et ses environs sont quasi quotidiennement la cible de frappes aériennes du régime de Bachar el-Assad, qui a réussi avec le soutien de l'aviation russe à reprendre des dizaines de localités. Et les violences dans l'ultime grand bastion des jihadistes et des rebelles ont poussé à la fuite quelque 520.000 personnes depuis début décembre, a annoncé mardi l'ONU. Les civils trouvent refuge dans des zones relativement épargnées plus au nord, souvent près de la frontière turque.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays soutient des rebelles et a déployé des troupes dans le nord-ouest syrien, a assuré qu'il ne permettrait pas au régime de "gagner du terrain" à Idleb. Il n'a cependant pas précisé par quels moyens, au lendemain de combats d'une violence inédite entre soldats turcs et syriens dans le secteur.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a de son côté réclamé mardi un "arrêt des hostilités" entre la Turquie et la Syrie, avant "une escalade" menant à "une situation totalement hors de contrôle".

Illustrant l'ampleur de l'exode en cours, un correspondant de l'AFP à Hazano, dans le nord d'Idleb, a vu défiler mardi des camions, des tracteurs tirant des remorques, des minibus, avançant pare-choc contre pare-choc, transportant des déplacés. Ils emportent avec eux matelas en mousse, couvertures, chaises en plastique, bonbonnes de gaz, moutons, et même des portes démontées et des armoires.



(Lire aussi : « Aujourd’hui à Idleb, tout le monde maudit Erdogan et la Turquie »)


"Crimes de guerre" ? 
En une semaine, Mohammad Bahjat et sa famille ont été déplacés trois fois, fuyant les combats près de la ville de Saraqeb. "On ne sait pas où on va", confie ce père de trois enfants, âgé de 34 ans. "On est parti sous les bombardements", lâche l'homme qui voyage avec ses parents et son frère.

Un autre correspondant de l'AFP a vu des déplacés démonter leurs tentes près de Binnich, emportant dans des camionnettes leurs maigres effets et parfois leurs poules.

Cet exode est l'un des plus importants depuis le début en 2011 du conflit syrien qui a jeté sur la route de l'exil plus de la moitié de la population d'avant-guerre - plus de 20 millions d'habitants. La majorité des déplacés fuient le sud d'Idleb pour se rendre dans "des zones urbaines et des camps de déplacés" du nord-ouest de la province ou dans des territoires du nord de la région voisine d'Alep, selon l'ONU.

L'offensive du régime a coûté la vie à 294 civils dont 83 enfants depuis mi-décembre, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), et provoqué des destructions énormes. La Commission d'enquête indépendante et internationale (COI) sur la Syrie a ainsi déploré des informations rapportant "des attaques contre les infrastructures civiles - dont des écoles, des marchés et des installations médicales". "Le ciblage délibéré et systématique des hôpitaux suit un schéma déjà documenté par la Commission et pourrait constituer des crimes de guerre", martèle la COI, créée par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.



(Lire aussi : Ex-fief de la révolte, Maarret al-Naaman est devenue l'ombre d'elle-même)


"Fardeau" pour la Turquie 
Plus de la moitié de la province d'Idleb et certaines zones des régions voisines d'Alep, Hama et Lattaquié, sont dominées par les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d'el-Qaëda). Des groupes rebelles y sont également présents.

L'offensive du régime fait craindre un nouvel afflux de Syriens à la Turquie, qui accueille déjà plus de trois millions de réfugiés.
"Le régime essaie de gagner du terrain à Idleb en déplaçant des personnes innocentes qui se dirigent vers notre frontière", a mis en garde mardi le président Erdogan. "Nous ne donnerons pas l'occasion au régime de gagner du terrain, car sinon cela alourdirait notre fardeau", a-t-il ajouté.



(Lire aussi : En Syrie, la coopération turco-russe en péril)



Lundi, la tension était montée d'un cran. Des combats inédits dans le nord-ouest ont opposé soldats turcs et syriens, faisant plus de 20 morts, dont 13 côté syrien, selon l'OSDH, même si l'agence officielle Sana a démenti.

Le front d'Idleb représente la dernière grande bataille stratégique pour le régime Assad, qui contrôle désormais plus de 70% du territoire après avoir multiplié les victoires, avec l'aide cruciale de la Russie, face aux jihadistes et rebelles. Même si les forces prorégime sont revenues dans des régions kurdes du nord-est du pays, la minorité continue d'y exercer une large autonomie. Et des zones du nord syrien tenues par les forces turques et leurs supplétifs syriens continuent d'échapper à Damas.

Déclenché par la répression de manifestations prodémocratie avant de se complexifier avec les interventions étrangères, le conflit en Syrie a fait plus de 380.000 morts.





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