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Monde - Reportage

Quand des réfugiés syriens en Turquie se mobilisent pour les déplacés d’Idleb

Un groupe de bénévoles s’activent depuis plusieurs mois pour récolter un maximum de dons pour les déplacés ayant fui la province syrienne sous les bombes.

Abou Ammar et ses compatriotes se chargent de récolter un maximum de dons en Turquie pour les envoyer à Idleb, via l’ONG turque Iyilikder. Photo prise dans un entrepôt de tri à Afrine, où un grand nombre de déplacés d’Idleb se sont installés. Photo DR

Ils ont eu la chance de pouvoir s’extraire de l’enfer syrien et de retrouver un semblant de vie en Turquie. De l’autre côté de la frontière, des millions de leurs compatriotes sont pris au piège dans la région d’Idleb, constamment bombardée par le régime syrien et son allié russe. Alors la solidarité s’organise. Un groupe de réfugiés syriens dans la région turque de Hatay se charge de collecter des dons pour venir en aide aux personnes déplacées en Syrie. Ils n’ont pas grand-chose, mais ils sont prêts à le donner. Après de longues journées de travail, ces bénévoles dédient quotidiennement plusieurs heures de leurs soirées pour récolter des fonds, mais aussi des vêtements, des couvertures ou de la nourriture. À travers le groupe WhatsApp qu’ils ont créé, ils coordonnent le travail et déterminent la liste des besoins. Abou Ammar, 42 ans, travaille plus de 10 heures par jour en tant qu’électricien pour subvenir aux besoins de sa femme et de leurs cinq enfants. Après avoir survécu aux bombardements sur la ville de Homs en 2016, la famille s’est réfugiée à Hama puis à Idleb, avant d’entrer en Turquie un an plus tard. Elle réside aujourd’hui à Dortyol. Abou Ammar a commencé à aider seul les veuves et les orphelins syriens de sa ville d’accueil en leur apportant à manger ou en leur donnant des vêtements. Les 120 livres turques (21 dollars) par mois et par personne, qu’ils reçoivent de l’ONU, ne leur suffisent pas à payer leur loyer et couvrir les frais domestiques. En quelques mois, l’électricien est parvenu à rameuter autour de lui cinq bénévoles et parvient aujourd’hui à aider une centaine d’orphelins tous les mois.

Début janvier, l’escalade de violences contre la province d’Idleb a poussé ce groupe de réfugiés à accélérer la cadence en lançant une campagne de dons. « Je ne peux pas rester les bras croisés, alors que nous avons vécu dans la même situation que tous ces gens. Je me souviens des visages terrorisés de mes enfants et de ma femme, quand nous n’avions pas d’abri. Le fracas des bombardements d’artillerie continue de me hanter aujourd’hui », confie Abou Ammar.

En quelques jours, ils parviennent à récolter plus de 6 000 dollars. « C’est énorme puisque ce sont des réfugiés qui participent alors qu’ils n’ont pas beaucoup de moyens. Dieu merci, ils ne nous ont pas laissé tomber », poursuit Abou Ammar. À travers un réseau d’amis et d’activistes, les membres du groupe sont tenus informés des besoins des personnes déplacées dans les camps et dans les villes de la province. Abou Mohammad est l’un de ces donateurs. Ses frères, restés coincés à Idleb, lui décrivent au quotidien la situation désastreuse. « Les déplacés sont partout, dans les mosquées, les écoles ou sur les places publiques », dit-il. Lui n’a pas grand-chose à offrir, mais au moins ses enfants ont un toit pour les protéger des hivers rigoureux. Près de 350 000 personnes, principalement des femmes et des enfants, ont fui depuis début décembre la région d’Idleb où les forces gouvernementales, appuyées par l’armée russe, ont intensifié leur offensive, selon les Nations unies. Malgré une trêve annoncée fin août, Damas et Moscou ont multiplié ces dernières semaines les bombardements meurtriers sur la province, avant l’annonce par la Russie d’un nouveau cessez-le-feu, qui était supposé entrer en vigueur dimanche dernier. Jeudi, près de 20 civils ont été tués et des dizaines d’autres blessés à Idleb, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).


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Prudence

La semaine dernière, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté en faveur d’une extension de l’aide transfrontalière profitant à des millions de personnes au terme de semaines de tractations, Moscou imposant néanmoins une baisse conséquente de cette aide. En vigueur depuis 2014, cette aide profite principalement aux régions échappant au contrôle de Damas, notamment Idleb. L’aide provenait jusqu’ici de Jordanie, d’Irak et de Turquie, et était acheminée en Syrie à travers quatre points de passage désignés par l’ONU, sans l’autorisation officielle du régime de Damas. Habituellement renouvelée pour une année, cette aide a été prolongée cette fois de seulement six mois, en raison des pressions de Moscou, qui a aussi exigé que seuls deux points de passage soient désormais ouverts, à la frontière turque uniquement. La Russie, alliée du régime de Damas, ainsi que la Chine, avaient posé en décembre leur veto à un texte proposé par les Européens visant à renouveler l’aide sous les mêmes conditions que l’année précédente. Or, pour les organisations humanitaires sur le terrain, ce nouveau texte ne permettra pas de satisfaire les besoins des populations sur place.

Une raison de plus pour Ali et les autres bénévoles de mettre les bouchées doubles. Face à l’ampleur du désastre humanitaire dans la région, le travail de ces bénévoles n’est qu’une goutte d’eau. Ce plombier originaire de Damas, arrivé en Turquie en 2017, sait que leur contribution ne permettra d’aider que très peu de familles. « Mais on ne peut pas les abandonner alors qu’ils sont dans la pire des situations. Notre conscience ne le permet pas », dit-il.


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En 2018, de nombreux bailleurs de fonds, dont l’UE, le Royaume-Uni, les États-Unis et certains pays arabes, ont supprimé le soutien apporté aux secteurs de la santé, de l’éducation et aux conseils locaux qui opèrent dans le Nord-Ouest syrien au motif que la région est contrôlée par le groupe jihadiste Hay’at Tahrir al-Cham (HTC). Les discours racistes antisyriens en Turquie et la peur de financer des groupes terroristes ne jouent pas en faveur des récoltants d’aides qui peinent à obtenir de nouveaux donateurs au-delà des villes frontalières avec la Syrie. Alors, pour éviter toute allégation possible de trafic ou de soutien à des groupes terroristes en Syrie, les volontaires transmettent tous les dons et marchandises à l’organisation humanitaire officielle turque, Iyilikder, qui se charge de les acheminer en Syrie. Abou Ammar confirme que tout ce qu’ils font est contrôlé par les autorités turques. « Nous traitons avec des bureaux privés pour transférer l’argent à nos partenaires en Syrie, qui l’utilisent pour nourrir les familles dans le besoin. Nous sommes extrêmement prudents, parce que nous ne voulons pas que cet argent tombe entre de mauvaises mains », conclut Abou Ammar.



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commentaires (2)

Que les soi-disant réfugiés syriens au Liban se mobilisent aussi et quittent vers leur Syrie aider leur pays.!! On n a rien a foutre avec tout ça chez nous,sauf la misère sur les Libanais.

Marie Claude

09 h 51, le 18 janvier 2020

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Commentaires (2)

  • Que les soi-disant réfugiés syriens au Liban se mobilisent aussi et quittent vers leur Syrie aider leur pays.!! On n a rien a foutre avec tout ça chez nous,sauf la misère sur les Libanais.

    Marie Claude

    09 h 51, le 18 janvier 2020

  • Vraiment magnifique le sacrifice de ces pauvres refugies syriens qui font le maximum avec leur salaire de misere,pour aides leurs freres de la region d Idlib alors qu en meme temps le regime russe a la fois bombarde et fait tout afin de bloquer l aide internationale.....qu il soit maudit mille fois....!

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 01, le 18 janvier 2020

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