Le Premier ministre Hassane Diab (à droite), présidant une réunion de la commission chargée de la rédaction de la déclaration ministérielle, le 3 février 2020. Photo Dalati et Nohra
C’est un changement de cap léger, mais significatif, que le nouveau gouvernement semble avoir opéré en matière de politique étrangère. À la lecture du passage du brouillon de la déclaration ministérielle consacré au volet politique et aux relations extérieures du Liban, qui occupe une part plutôt minime dans ce programme principalement axé sur les réformes sectorielles, il ressort une volonté de regagner la confiance aux niveaux interne et international, avec une ouverture en direction des pays arabes en général, et du Golfe en particulier.
Sans pour autant se départir de certaines constantes consacrées par les cabinets précédents, le gouvernement de Hassane Diab s’engage d’emblée à adopter « une politique étrangère indépendante basée sur les intérêts supérieurs du Liban et le respect du droit international », même si cela devait s’avérer irréalisable à la lumière de la réalité complexe du Liban.
Prévisible, la formule employée pour justifier, sans le désigner, le rôle du Hezbollah face à Israël ne peut être considérée comme révolutionnaire, encore moins réformatrice, puisque que c’est le même texte, à la lettre près, employé par l’ancien gouvernement de Saad Hariri qui a été recyclé. Les faits survenus au cours du mandat du précédent gouvernement ont largement démontré le fossé qui existe entre l’énoncé de la question de la résistance et la réalité du terrain, où le Hezbollah a poursuivi, sans se soucier de la rhétorique officielle, sa propre politique extérieure en faisant cavalier seul.
« Je ne pense pas que les acteurs internationaux puissent en tenir rigueur au Premier ministre car leur principale préoccupation était que cette déclaration ne tarde pas trop à être publiée compte tenu des urgences, et ils savent par ailleurs d’expérience qu’il y a toujours un gouffre entre ce que disent les déclarations ministérielles et ce qui est effectivement mis en pratique », indique le politologue Karim Bitar à L’Orient-Le Jour. Aucune mention non plus de la stratégie de défense, inaugurée du temps du mandat du président Michel Sleiman et reléguée depuis aux oubliettes. À maintes reprises, le chef de l’État, Michel Aoun, l’avait évoquée dans ses discours, sans jamais joindre l’acte à la parole, liant cette question aux contingences régionales. Également occultées, les résolutions onusiennes prévoyant le désarmement des milices et groupes armés, notamment la 1559. Même si le texte de la déclaration ministérielle évoque, dans des termes très généraux, la nécessité de respecter les résolutions internationales, le comité rédactionnel a pris soin d’éviter la question litigieuse des armes du Hezbollah, se contentant de souligner explicitement l’engagement du Liban au respect de la 1701.
Lors de leur dernière réunion le 23 janvier dernier, les pays et organisations membres du Groupe international de soutien au Liban (GIS) avaient exhorté l’ensemble des parties libanaises à respecter la politique de distanciation des conflits régionaux et à désarmer tous les groupes armés, conditionnant tout soutien à accorder au Liban à la mise en application de ces principes. La communauté internationale avait ainsi rappelé l’engagement du Liban, notamment via des résolutions de l’ONU, à « désarmer tous les groupes armés afin qu’il n’y ait plus d’armes ni d’autorité au Liban hors du cadre de l’État ». Une injonction subtilement ignorée dans le texte de la déclaration qui semble refléter, une fois de plus, « l’art du possible » pratiqué par un gouvernement où la présence de ministres cooptés par le Hezbollah devrait précisément servir à s’assurer de la présence de garde-fous susceptibles de protéger les arrières et l’arsenal du parti.
« La formulation est minimaliste, on a cherché à éluder les questions géostratégiques les plus sensibles pour se restreindre au minimum requis, l’accent étant mis sur les enjeux sociaux, financiers et économiques », estime M. Bitar. Un premier rappel à l’ordre est venu hier de la part de l’ambassadeur de l’UE au Liban, Ralph Tarraf, qui, à l’issue d’un entretien avec le ministre de l’Intérieur, Mohammad Fehmi, a souligné que la communauté internationale « surveille de près le nouveau gouvernement et sa manière de faire ». « Les précédents gouvernements n’ont pas tenu leurs engagements à l’égard de la communauté internationale », a-t-il indiqué sans s’attarder sur les détails de ces engagements.
(Lire aussi : La leçon de 1982, l’édito de Michel TOUMA)
Main tendue
Toutefois, la nouveauté du document serait probablement à rechercher dans la vision du nouvel exécutif des relations que doit entretenir le Liban avec son environnement arabe. Pour certains observateurs, le texte de la déclaration ministérielle est à interpréter sous l’angle de l’ouverture en direction des pays arabes, en particulier ceux du Golfe que le gouvernement cherche probablement à courtiser dans l’espoir d’un soutien.
« Il est clair que la teneur de la déclaration ministérielle est une main tendue et un geste de bonne volonté en direction des pays arabes », commente pour L’OLJ Nawaf Kabbara, professeur de sciences politiques à l’université de Balamand.
Il prend pour preuve le passage qui fait référence à l’article VIII de la Charte de la Ligue arabe prévoyant la non-ingérence dans les affaires des pays tiers. Cette idée est réitérée un peu plus loin dans le paragraphe relatif à l’engagement du gouvernement à respecter le principe de distanciation qui, comme le souligne le texte, consisterait notamment à « rester à l’écart des politiques susceptibles de porter atteinte aux relations arabes » du Liban. Comprendre que toute surenchère en faveur de l’Iran devrait désormais être évitée ainsi que les discours provocateurs du Hezbollah envers les pays arabes.
« Le nouveau gouvernement a besoin du soutien financier des États de la région. Par conséquent, il a tenu à ne pas paraître pro-iranien ou pro-Hezbollah, en recourant à une position qui se veut proche de la neutralité et certainement plus encline à un rapprochement avec le monde arabe », estime M. Kabbara. Une attitude qui tranche, selon lui avec la réalité du Liban actuel et le rôle avancé que joue le Hezbollah sur la scène locale et régionale, sachant qu’aucune référence n’est faite dans la déclaration à l’engagement du parti chiite dans des pays tels que la Syrie ou l’Irak notamment.
Il s’agit d’autant de mesures prudentes et judicieusement formulées qui n’ont probablement pas été acquiescées sans contrepartie, croit savoir le politologue, en l’occurrence le silence quasi absolu au sujet des armes du parti chiite.
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commentaires (9)
Le HB, CPL et Berry comptaient berner les arabes et les occidentaux en leur vendant un nouveau gouvernement factice comme ils ont cru berner les libanais. La réponse de l'Arabie Saoudite ne s'est pas faite attendre. Ils ont écarté pour commencer, tous les libanais dans les contrats du ministère des eaux et ca n'est qu'un début. Que feront ces trois comploteurs le jour où tous les libanais travaillant dans les pays du golfe seront renvoyés chez eux? C'est HB qui leur trouvera des contrats juteux pour subvenir aux besoins de leurs familles libanaises dépouillées de tous leurs bien par le soins du trio menteur et voleur? Comment le président de la REPUBLIQUE a pu ne pas se pencher sur le problème essentiel qui écarte le Liban des pays donateurs, il aurait dû saisir cette opportunité puisqu'il était soutenu par le peuple et par le monde entier pour exiger le désarmement du HB. La réponse est que HN tient tout le monde par des dossiers de vols en bande organisée et que tout ce beau monde craint de voir les détails de ses forfaits publiés dans les journaux. On peut penser que c'est le chantage qui retient les responsables politiques de prendre des décisions drastiques et non les armes du HB. Le HB est dans une situation telle qu'il ne peut pas retourner ses armes contre les libanais ou l'armée libanaise mais ceci n'a pas été suffisamment convaincant pour que LE PRESIDENT ait le courage de le désarmer. On se demande pourquoi.
Sissi zayyat
12 h 42, le 07 février 2020