Le président palestinien, Mahmoud Abbas, reçu en grande pompe par son homologue libanais, Michel Aoun, au palais de Baabda, en 2017. Photo d'archives Dalati et Nohra
Responsables officiels et dirigeants des formations politiques au Liban ont condamné mercredi le plan pour la paix au Proche-Orient présenté la veille par Washington, dénonçant notamment l'abolition de toute perspective d'un retour des réfugiés palestiniens dans leur pays.
Lors d'un entretien téléphonique avec le président palestinien Mahmoud Abbas, le chef de l’État libanais Michel Aoun a insisté sur l'importance de présenter "une position arabe unifiée" face au "deal du siècle". "Le Liban s'en tient à l'initiative arabe de paix, adoptée au cours du sommet de Beyrouth" en 2002, a-t-il ajouté, soutenant notamment "le droit au retour des Palestiniens et l'établissement d'un État indépendant avec Jérusalem pour capitale".
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"Pot-de-vin"
Pour sa part, le président du Parlement libanais, Nabih Berry, a estimé que le plan Trump était "un pot-de-vin payé avec des fonds arabes, en échange des droits, de la souveraineté et de la dignité spoliés des Palestiniens". "Le +deal du siècle+ fait avorter ce qu'il reste du rêve palestinien d'établir un État indépendant, avec Jérusalem pour capitale", a ainsi souligné le président Berry dans un communiqué publié par son bureau de presse. "Nous réaffirmons que le Liban et les Libanais ne seront pas les faux-témoins de la nouvelle mise à mort du peuple palestinien et de ses droits légitimes", a dit le chef du Législatif. Et de souligner que le premier de ses droits est "le droit au retour" des réfugiés dans les territoires palestiniens". "Nous ne serons jamais complices de l'achat ou du troc de ces droits pour une bouchée de pain", a-t-il ajouté. Il a appelé dans ce contexte "tous les hommes libres du monde arabe et musulman, et surtout le peuple palestinien" à s'unir pour "libérer les territoires et protéger ce qu'il reste de la dignité arabe".
Nabih Berry s'est par ailleurs entretenu avec son homologue iranien, Ali Larijani. Ce dernier a insisté sur "la nécessité d'unifier les peuples arabes et musulmans afin de rejeter le "deal du siècle".
La présence des Palestiniens a toujours été un sujet délicat au Liban, accentuant notamment les clivages durant la guerre civile qui a ravagé le pays entre 1975 et 1990. Un sentiment anti-palestinien perdure parfois dans le pays et nombreux sont ceux qui refusent une naturalisation des ressortissants palestiniens ayant fui leur terre d'origine après la création en 1948 de l’État d'Israël. En 2017, à l'issue d'un premier recensement officiel effectué par Beyrouth, les autorités libanaises avaient annoncé que plus de 174.000 réfugiés palestiniens vivent au Liban.
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"Tentative partielle d'arriver à la paix"
Le Premier ministre Hassane Diab a lui brièvement réagi dans un message publié sur son compte Twitter, soulignant que "Jérusalem restera notre boussole et la Palestine notre cause".
De son côté, le ministre des Affaires étrangères Nassif Hitti a souligné, lors d'un entretien sur la chaîne Sky News, que "toute tentative d'aboutir à une paix partielle, ne comprenant pas l'établissement d'un État palestinien avec Jérusalem pour capitale, est vouée à l'échec". "Nous soutenons le droit au retour des Palestiniens et refusons leur implantation" dans les pays hôtes, notamment le Liban, a-t-il déclaré.
Sur le terrain entre-temps, la journée de mercredi est marquée par un mouvement de grève et de manifestations dans les nombreux camps de réfugiés palestiniens du Liban, afin de rejeter le plan de l'administration américaine. Dans le camp de Aïn el-Héloué, un des plus importants du pays, toutes les écoles et les commerces étaient fermés dans la matinée.
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La veille, le Hezbollah avait qualifié les propositions américaines de "marché de la honte", estimant que celui-ci "n'aurait pu se faire sans la complicité et la trahison d'un certain nombre de régimes arabes, partenaires en secret ou au grand jour de ce complot".
Le Courant du Futur (de l'ancien Premier ministre Saad Hariri) avait lui affirmé que le plan de Donald Trump "ne passera pas au détriment du peuple palestinien".
Le plan de paix américain annoncé mardi accorde de nombreuses concessions à Israël et a été rejeté avec véhémence par les Palestiniens. Il comprend notamment la reconnaissance de l'annexion par Israël des colonies qu'il a implantées en Cisjordanie occupée, en particulier dans la vallée du Jourdain, en violation du droit international, selon l'ONU. Un futur État palestinien sur ces tracés serait nettement en-deçà de ce à quoi aspirent les Palestiniens, à savoir la totalité des Territoires occupés depuis 1967 par Israël.
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État palestinien, réfugiés, colonies, Jérusalem : les principaux points du plan Trump
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Trump veut faire de la Palestine et même du Liban une réserve à l'Indienne
Eleni Caridopoulou
18 h 58, le 30 janvier 2020