Il y avait la déclaration Balfour où ils n’étaient mentionnés que par défaut, à titre de « collectivités non juives » dont il fallait assurer « les droits civiques et religieux » dans le « futur foyer juif ». Puis il y eut le temps de la création de ce « foyer juif » sur leur territoire, qui prit le nom d’Israël, sans qu’ils n’aient véritablement leur mot à dire. Vint ensuite le temps des surenchères de leurs faux amis arabes qui ne leur apporta rien d’autre que des défaites et de nouvelles humiliations. Et enfin l’espoir, le temps d’un moment, celui d’Oslo, d’avoir enfin voix au chapitre, avant de réaliser que ce tournant aura eu pour principal effet de les rendre otages d’une réalité qui rendait impossible la création de l’État qu’on leur avait promis.
Tout au long du XXe siècle, les Palestiniens auront été dépossédés de leur histoire : par les Occidentaux, par les Arabes, par les Iraniens, et surtout par les Israéliens. Mais ils se sont battus pour être reconnus comme un peuple. Ils se sont battus pour pouvoir défendre leur propre cause, pour que plus jamais l’histoire ne puisse se faire sans eux.
Plus d’un siècle après la déclaration Balfour, c’est pourtant sans les avoir à la table des négociations que le président américain veut faire la paix au Proche-Orient. Les réseaux sociaux se sont amusés de cette situation burlesque où Donald Trump joue les médiateurs, non plus entre les parties au conflit, mais entre les deux candidats aux élections législatives israéliennes, Benjamin Netanyahu et Benny Gantz, invités hier à la Maison-Blanche pour discuter de son fameux « deal du siècle ».
La première puissance mondiale, qui se présentait autrefois comme un « honest broker », veut régler le plus vieux conflit de la région alors que son administration n’a plus aucune relation avec les Palestiniens depuis maintenant deux ans et que toute sa politique concernant le conflit a consisté jusqu’à maintenant à faire comme s’ils n’existaient pas. Ou plutôt, à faire en sorte qu’ils n’existent plus.
Donald Trump et son entourage, qui affichent fièrement leur prisme pro-israélien, ne font ainsi que reprendre la logique de Benjamin Netanyahu. C’est lui qui, plus qu’aucun autre Premier ministre israélien, a tout fait pour dépolitiser la question palestinienne. Pour faire en sorte que les Palestiniens soient traités comme une menace sécuritaire ou comme un enjeu humanitaire par les Européens, mais jamais comme un adversaire ou même comme un ennemi politique.
C’est comme si à ses yeux les Palestiniens n’étaient encore rien d’autre que ces « collectivités non juives » qui ont le malheur d’exister dans un espace qui ne leur appartient pas et qui sont déplacées et/ou emmurées pour que leur présence ne gêne pas la seule population légitime sur la Terre sainte. On peut, au mieux, leur donner un Bantoustan après avoir annexé la plus grande partie du territoire sur lequel leur État devait prendre forme.
Selon les fuites ayant circulé, le deal du siècle qui doit être annoncé aujourd’hui donnera son feu vert à une annexion israélienne d’une partie importante de la Cisjordanie, enterrant ainsi officiellement l’idée d’un État palestinien. Les États-Unis, aussi bien qu’Israël, savent pertinemment qu’aucun leader palestinien ne peut accepter un tel plan. Ils savent aussi que ni les Européens, qui continuent de soutenir la solution à deux États, ni les pays du Golfe, qui étaient censés payer la facture des 50 milliards promis en compensation aux Palestiniens, ne peuvent soutenir cette initiative.
Mais ils n’en ont cure. L’objectif n’est pas de parvenir à une paix, même largement en faveur d’Israël. C’est d’entériner une situation qui existe déjà de facto, afin d’enfoncer le dernier clou dans le cercueil de la solution à deux États. C’est de proposer une offre aux Palestiniens qu’ils ne peuvent pas accepter pour pouvoir ensuite dire qu’ils sont un obstacle à la paix et les affubler à nouveau du label de « terroristes » dès lors qu’ils se rebelleront contre cette injustice.
Dans la déclaration Balfour, les Palestiniens sont dénommés "Collectivités non juives". Dans les déclarations de Yasser Arafat : "J'ai gouverné le Liban avec mon doigt" et "La route de Jérusalem passe par Jounieh". Dans le monde arabo-musulman, personne n'a jugé utile de réagir. Eh bien, dansez maintenant !
19 h 08, le 28 janvier 2020