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De quelle violence parle-t-on ?

Certains ont posé, ce week-end, la question d’une infiltration, voire d’une instrumentalisation ou d’un détournement du mouvement de protestation populaire au Liban.

Samedi, au premier jour du quatrième mois de révolte, la mobilisation avait commencé de manière pacifique avec des marches convergeant vers le Parlement. C’est là, en milieu d’après-midi, que le grand dérapage a commencé. Des manifestants ont jeté des projectiles sur les forces de l’ordre, qui ont dégainé tout l’arsenal répressif à disposition : canons à eau, gaz lacrymogène et balles en caoutchouc. Au bout de cette nuit de colère, l’on déplorait des centaines de blessés, dont certains graves.

Mais est-il primordial, finalement, de savoir qui sont ceux qui ont jeté la première pierre ? Des infiltrés, des affamés, des désespérés, des radicalisés? L’essentiel, aujourd’hui, est peut-être ailleurs.

Hier, dans le centre-ville de Beyrouth, la grande majorité des manifestants ne s’est pas engagée dans des actes violents et ne soutient pas une stratégie d’escalade. Il n’en demeure pas moins que quelque chose a changé. Car aujourd’hui, 90 jours après le début du mouvement, nombreux sont les manifestants qui disent comprendre, même s’ils n’y adhèrent pas, la radicalisation du mouvement. Cette « compréhension » n’était pas nécessairement d’actualité il y a un mois.

La violence qui s’exprime, ces derniers jours, dans le cadre du mouvement de protestation, est le reflet d’une violence bien plus large subie par les Libanais.

Violence économique, alors que la crise touche de plein fouet tant de Libanais dont les salaires ont été amputés quand ils n’ont pas, purement et simplement, perdu leur emploi. Violence de l’inflation, qui monte autant que la valeur de la monnaie nationale dégringole.

Violence des restrictions bancaires qui contraignent les déposants à mendier un accès, limité, à leurs économies, fruit d’une vie de travail et quasi seule ressource de survie dans un pays dépourvu de filet social digne de ce nom.

Violence, enfin, exercée par une classe politique qui reste éhontément sourde aux revendications et tourments du peuple. Pire encore, violence de ces politiques, impudents chiffonniers, qui continuent, sans même se cacher, leurs marchandages dignes d’un souk pour s’octroyer une plus grosse part d’un gâteau pourtant de plus en plus maigre et indigeste, au lieu d’avancer ne serait-ce qu’un début de plan pour sortir de la crise.

Des semaines durant, les Libanais ont répondu à cette violence multiforme par des manifestations pacifiques, avec une créativité, un courage et un humour remarquables.

« Désormais, deux types de personnes manifestent : celles qui ont encore espoir de changer le pays, et celles qui n’ont plus rien à perdre », nous disait une manifestante ce week-end. Si ce sont ces derniers qui, désormais, vont faire pencher la balance du mouvement, alors oui, les terribles images de ce week-end sont appelées à se répéter.

La radicalisation violente du mouvement est-elle le meilleur, sinon désormais le seul moyen d’obtenir un changement ? Probablement pas.

Mais pour que le mouvement reste pacifique, il faut que la colère et la frustration soient canalisées à travers de nouvelles stratégies de protestation pacifiques, plus ciblées et plus efficaces, et que de nouveaux moyens de pression soient déterminés.

Ce n’est pas à la rue, qui a fait son boulot en se mobilisant depuis trois mois, qu’il faut demander de définir la forme, les formes, de cette nouvelle étape du mouvement aux portes de laquelle nous sommes.

Aujourd’hui, il est urgent, indispensable, que les organisations, mouvements et partis issus ou proches de la société civile, et qui sont synchrones avec les revendications du peuple, assument enfin le rôle qu’ils devraient jouer. Le temps des débats sous les tentes – formidables initiatives certes – est passé. Aujourd’hui, il s’agit de faire de la politique ; de s’engager ; de monter une ou des coalitions ; de produire un programme, des plans de sortie de crise, afin de mettre la pression sur ceux qui, aux commandes, ne produisent rien. De montrer qu’une alternative, du moins une force d’opposition, existe.

En un mot, il est urgent, pour ces organisations et partis, de ne plus se limiter à une activité relevant de l’associatif, mais de faire de la politique dans tout ce qu’elle a de plus noble.

Certains ont posé, ce week-end, la question d’une infiltration, voire d’une instrumentalisation ou d’un détournement du mouvement de protestation populaire au Liban.Samedi, au premier jour du quatrième mois de révolte, la mobilisation avait commencé de manière pacifique avec des marches convergeant vers le Parlement. C’est là, en milieu d’après-midi, que le grand dérapage a...

commentaires (10)

LES EXPERIENCES DE 30 ANS OU PLUS DE POLITIQUES MAFIEUSES ULTRA SOPHISTIQUEES - FAUT LES RESPECTER ! DONNON NOUS + DE TEMPS POUR "SAVOIR" NAGER DANS DES EAUX AUSSI VIOLENTES SANS QUOI NOUS RISQUONS NOUS NOYER !

Gaby SIOUFI

18 h 41, le 20 janvier 2020

Tous les commentaires

Commentaires (10)

  • LES EXPERIENCES DE 30 ANS OU PLUS DE POLITIQUES MAFIEUSES ULTRA SOPHISTIQUEES - FAUT LES RESPECTER ! DONNON NOUS + DE TEMPS POUR "SAVOIR" NAGER DANS DES EAUX AUSSI VIOLENTES SANS QUOI NOUS RISQUONS NOUS NOYER !

    Gaby SIOUFI

    18 h 41, le 20 janvier 2020

  • Ce sont des infiltrés ! Le projet de rayer le Liban, la seule oasis de liberté religieuse, culturelle et sociale au Moyen-Orient, est en cours de réalisation. Du haut de la pyramide de mon âge, j'appelle TOUS mes compatriotes de ne pas tomber dans le piège tendu pour eux avant qu'il ne soit trop tard. Cela dure depuis 1860 et s'est accentué depuis 1920.

    Un Libanais

    14 h 43, le 20 janvier 2020

  • Ils sont des infiltrés... Il est prévu dans le projet de rayer le Liban, la seule oasis de liberté religieuse, culturelle et sociale, de la

    Un Libanais

    14 h 33, le 20 janvier 2020

  • Vous écrivez: ""La radicalisation violente du mouvement est-elle le meilleur, sinon désormais le seul moyen d’obtenir un changement ? Probablement pas."" Il est de bon ton de dire à ce stade des revendications : je comprends les manifestants, mais … Pourquoi ""radicalisation"" ??? Ils n’auront rien sans débordement ! Vous écrivez en conclusion : ""En un mot, il est urgent, pour ces organisations et partis, de ne plus se limiter à une activité relevant de l’associatif, mais de faire de la politique dans tout ce qu’elle a de plus noble."" C’est le quatrième éditorial qui plaide pour un retour immédiat à la normale… et de négocier. C’est qu’on n’a rien compris à la nature du mouvement… Mais La politique libanaise, depuis quand elle a été noble. Pour ce débat, je regrette beaucoup Ziyad Makhoul. Il manque énormément au débat… Bonne journée. C. F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    13 h 38, le 20 janvier 2020

  • Bien dit... Il faut que ces organisations et partis ne se limitent pas à un rôle associatif. Il faut qu'ils trouvent le moyen de sortir par la grande porte pendant que l'armée a encore la côte auprès des libanais et que la porte nous est encore grande ouverte pour trouver une solution intermédiaire avant que des fissions ne se fassent plus dramatiques. Il est claire que le but de ces échauffourées visent en premier notre armée et sa légitimité. Ils l'ont réduit hier à un rôle de de forces de sécurité intérieure en lui ôtant son rôle principal sur nos frontières et maintenant ils veulent la déposséder de tout pouvoir sur notre pays. Mon General ouvrez les yeux et les oreilles, ce complot est dirigé en premlr contre vous et ce peuple que vous représentez, on le constate tous les jours. Méfiez-vous de ces gens là. Ils commencent toujours leur complot en caressant dans le sens du poil pour mieux esphixier sa proie le moment venu. Le peuple iranien en est le meilleur example.

    Sissi zayyat

    11 h 51, le 20 janvier 2020

  • Excellent. Il est grand temps que le mouvement s'organise et qu'un comite révolutionnaire voit enfin le jour. Sans programme défini et stratégie claire, toute cette contestation finira par faire pshitttt.

    Tabet Karim

    09 h 55, le 20 janvier 2020

  • On ne peut pas faire d'omelette sans casser des œufs. 90 jours plus tard quel est le voleur de l'état libanais qui a été inquiété ? Donnez moi 1 nom svp, un seul . Et pourtant on les connaît tous nommément un par un , même la violence si elle doit avoir lieu elle devrait être mieux ciblée pour un résultat efficace.

    FRIK-A-FRAK

    08 h 50, le 20 janvier 2020

  • TOUT EST DIT ET TRES BIEN DIT. RIEN A AJOUTER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 42, le 20 janvier 2020

  • Puissent Émilie que tes paroles soient suivies d'effet...

    Kulluna Irada

    03 h 04, le 20 janvier 2020

  • Dans un contexte géopolitique volcanique comme celui dont le Liban est l'épicentre , commeny voulez-vous rêver qu'il n'y aurait jamais d'infiltrations !? De la Russi à la Turquie , en passant par l'Arabie Séoudite, l'Iran et Israel , jusqu0aux horribles suppots de la CIA , notre Liban ouvert à tous vents reste une cible privilégiée sur l¡échiquier de notre Moyen.Orient . Ne rêvons pas : Cette révolution n'est pas là seulement pour régler nos problèmes de corruption , mais aussi et surtout pour tirer les ficelles compliquées des contrats d'exploitation de nos gisements entre autres . Les printemps arabes ne sont que des pions que les puissances places sur leur damier

    Chucri Abboud

    00 h 42, le 20 janvier 2020

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